Entassés dans des camps en Jordanie, dans une insupportable misère, certains réfugiés syriens préfèrent retourner dans leur pays quitte à risquer de mourir. Alors que le conflit syrien est entré dans sa quatrième année, nombre des 100 000 réfugiés du camp tentaculaire de Zaatari ont en effet le sentiment d'avoir été oubliés. « Personne ne s'intéresse aux réfugiés syriens. Le monde nous a trahis », se plaint Abou Issam. Certains « préfèrent rentrer chez eux et risquer la mort plutôt que de vivre dans l'amertume » ici, ajoute cet homme de 52 ans, alors que ses cousins s'apprêtent à monter à bord d'un bus pour la Syrie.
Zaatari, à la frontière syrienne, a été le théâtre à plusieurs reprises de manifestations de réfugiés dénonçant leurs mauvaises conditions de vie. Il y a deux semaines, de nouveaux heurts ont encore secoué le camp, entraînant la mort d'un réfugié et faisant des dizaines de blessés, principalement des policiers. L'émeute a éclaté après que la police eut empêché plusieurs réfugiés de quitter, sans autorisation, ce camp surpeuplé de 7 km2. Selon des chiffres officiels, une centaine de réfugiés quittent le camp chaque jour pour rentrer en Syrie malgré le conflit qui a fait plus de 150 000 morts et poussé près de la moitié des habitants à fuir leurs foyers. Au total, plus de 100 000 sont repartis.
(Pour mémoire : Dans le camp de Zaatari, des réfugiés syriens laissent éclater leur colère)
Mais dans l'autre sens, le flux ne tarit pas : 500 Syriens trouvent refuge chaque jour en Jordanie, qui accueille désormais plus de 500 000 personnes, dont 80 % en zone urbaine. Car sur le terrain, la guerre fait toujours rage.
« Combats de rue »
L'armée syrienne resserrait l'étau hier autour de la vieille ville de Homs, dans le centre du pays, où sont retranchés plus d'un millier de rebelles, a affirmé un responsable de la sécurité. Le Vieux Homs, assiégé par l'armée depuis deux ans, est le dernier secteur tenu par les insurgés dans cette ville, la troisième du pays. L'armée a déclenché mardi une large offensive contre ce secteur et « progresse tous les jours en récupérant des immeubles, en resserrant l'étau autour des groupes terroristes », a déclaré ce responsable au sein des services de sécurité, en référence aux rebelles. Il a précisé que l'armée s'était emparée en particulier d'une église dans la vieille ville.
Le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), Rami Abdel Rahmane, a également fait état de « progrès » de l'armée, affirmant qu'elle pilonnait les quartiers de Bab Houd et Wadi al-Sayeh. Mais selon lui, l'armée peine à reprendre des rues entières. « Il s'agit de combats de rues, mais les forces loyalistes avancent peu à cause des immeubles minés », a ajouté M. Abdel Rahmane, dont l'organisation s'appuie sur un vaste réseau de militants et de sources médicales. Près de 1 200 rebelles résistent dans la zone : ils « connaissent bien la région, ils ont refusé de sortir dans le cadre d'un accord et veulent se battre jusqu'au bout », selon M. Abdel Rahmane.
(Pour mémoire : De jeunes réfugiés syriens font revivre Shakespeare dans le désert jordanien)
Mais près de 180 civils s'y trouvent encore. Jeudi, les 15 pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont exprimé leur « vive inquiétude » quant au sort des derniers civils pris au piège des combats à Homs. Ils ont demandé « l'application immédiate de la résolution 2 139 » du 22 février sur l'amélioration de l'accès humanitaire en Syrie.
Des moujahidine divisés
Toujours à Homs, 14 personnes ont été tuées et d'autres blessées par une « explosion terroriste » visant les fidèles à la sortie de la mosquée Bilal al-Habachi, dans la banlieue al-Walid, tenue par le régime, a annoncé la télévision officielle syrienne. Plus au nord, cinq civils, dont trois enfants et une femme, ont été tués par des bombardements aériens de l'armée dans le quartier de Tariq al-Bab à Alep, selon l'OSDH. Par ailleurs, Abdullah, un adolescent britannique de 18 ans, neveu de Omar Deghayes, un ancien détenu de Guantanamo, est mort au combat en Syrie où il est parti lutter avec deux de ses frères, dont un a été blessé, a-t-on appris hier de sources concordantes.
La guerre se mène aussi sur un autre front. Un puissant groupe armé jihadiste actif en Syrie et en Irak a accusé les dirigeants d'el-Qaëda de trahir la cause jihadiste, un nouveau signe des profondes rivalités au sein des insurgés combattant le régime. « El-Qaëda n'est plus aujourd'hui une base pour le jihad », a déclaré dans un communiqué posté sur les forums jihadistes le porte-parole de l'État islamique en Irak et au Levant (Daech, EIIL), Abou Mohammad al-Adnani. « Son leadership est devenu un marteau pour casser le projet d'État islamique », a indiqué M. Adnani, ajoutant que les « dirigeants d'el-Qaëda se sont détournés de la bonne voie ». « Ils ont divisé partout les rangs des moujahidine », a-t-il encore déploré.
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commentaires (5)
Kâïïï ! Car ce fut le cas pour les Réfugiés libanais durant les 15 années passées du siècle dernier dépassé, pendant et alors que ces mêmes Syriens nous regardait, à l'aise dans leurs canapés, nous entretuer ! Bon retour de bâton, éhhh, éhhh libanais(h) !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
12 h 53, le 19 avril 2014