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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Le monde de Poutine

Pour Ivan Krastev, Poutine est passé de son rôle de directeur général de la Russie des oligopoles à celui d’un chef suprême qui ne recule devant rien pour restaurer l’ancienne suprématie de son pays sur la région. Sergei Karpukhin/Reuters

L'Ouest vit maintenant dans le monde de Poutine. Il se retrouve dans cette position non pas parce que Poutine a raison, ni même parce qu'il est le plus fort, mais parce que c'est lui qui prend l'initiative. Poutine est « l'électron libre », tandis que l'Occident est « l'éternel indécis ». Même s'il est vrai que les dirigeants européens et américains se sont rendu compte que l'ordre mondial est en train de connaître des changements radicaux, ils n'ont pas saisi toute la portée des événements. Ils sont demeurés subjugués par la métamorphose de Poutine qui est passé de son rôle directeur général de la Russie des oligopoles à celui d'un chef suprême de la nation motivé par l'idéologie qui ne recule devant rien pour restaurer l'ancienne suprématie de son pays sur la région.


La politique internationale est sans doute fondée sur des traités, mais elle opère surtout sur le plan des anticipations rationnelles. Si ses attentes ne se réalisent pas, l'équilibre international actuel se défait de lui-même. C'est précisément ce qui est arrivé au cours de la crise ukrainienne. Il y a à peine quelques mois, la plupart des politiciens occidentaux étaient convaincus que dans un monde interdépendant, le révisionnisme était trop coûteux, faisant en sorte que malgré la détermination de Poutine de défendre les intérêts de la Russie postsoviétique, il n'aurait pas recours aux armes. Il est maintenant évident qu'ils se sont gravement trompés. Par la suite, juste après l'entrée des troupes russes en Crimée, les observateurs internationaux ont essentiellement présumé que le Kremlin appuierait la sécession de la Crimée hors de l'Ukraine, mais sans vraiment insister pour la réintégrer au sein de la Fédération russe. Cette hypothèse ne tient pas plus la route.
À ce stade, l'Occident n'a plus aucune idée de ce que la Russie est prête à faire, par contre la Russie sait exactement jusqu'où l'Occident est prêt ou non à aller, créant ainsi une périlleuse asymétrie. Ainsi, lorsque la Moldavie fera sa demande pour devenir membre de l'Union européenne, la Russie pourrait vouloir annexer sa région de la Transnistrie où des troupes russes sont postées depuis deux décennies. Et la Moldavie sait maintenant que si jamais ceci se produisait, l'Occident n'interviendrait pas militairement pour protéger sa souveraineté.


Dans le dossier de l'Ukraine, la Russie a clairement indiqué ses intentions de faire obstacle à l'élection présidentielle de mai. Alors que les dirigeants occidentaux espèrent plutôt voir cristalliser le changement de régime en Ukraine, transformant du même coup les négociations constitutionnelles du pays en premier acte de la construction d'un nouvel ordre européen. La Russie voit en l'Ukraine quelque chose de plus proche de la Bosnie – un pays doté d'une fédération d'entités politiques tellement décentralisée que ses membres souscrivent à leurs propres préférences économiques culturelles et géopolitiques. En d'autres termes, même si l'intégrité territoriale de l'Ukraine était techniquement préservée, la partie orientale du pays aurait des liens plus étroits avec la Russie qu'avec le reste de l'Ukraine – sur le même registre que les relations entre la République serbe de Krajina enclavée entre la Bosnie et la Serbie.


Ceci crée un dilemme pour l'Europe. Alors qu'une forte décentralisation permettrait à l'Ukraine de conserver son territoire intact à travers la crise actuelle, elle vouerait probablement le pays à la désintégration et à l'échec à long terme. Comme on a pu le voir dans le cas de la Yougoslavie, la décentralisation massive semble bien fonctionner en théorie, mais non en pratique. L'Ouest sera confronté à la tâche difficile de rejeter les solutions d'un espace postsoviétique qu'il avait lui-même proposées, il y a deux décennies, pour l'ex-Yougoslavie.


Face au révisionnisme de la Russie, l'Occident ressemble au proverbial ivrogne qui cherche ses clés perdues en dessous du lampadaire, car c'est le seul endroit éclairé. Leurs prémices défaites, les instances de l'Occident ont toutes les difficultés à organiser une parade qui porte vraiment. Les stratégies issues du giron européen, la banalisation de l'annexion de la Crimée ou le fait de traiter Poutine de personnage démentiel vont à l'encontre du but recherché. L'Union européenne hésite entre l'extrémisme rhétorique et le minimalisme des mesures. Même si certains ont conseillé l'inclusion malavisée dans l'OTAN des régions faisant partie autrefois de l'Union soviétique. La plupart se sont contentés d'appuyer des sanctions symboliques, comme des interdictions de visa qui ne touchent qu'une douzaine ou plus de responsables russes, mais qui pourraient faire monter la pression d'un cran sur les élites russes qui n'ont pas fait l'objet de sanctions. Elles se verraient alors obligées de prouver leur fidélité à Poutine. Ces sanctions pourraient même déclencher une purge des éléments les plus pro-occidentaux de la classe politique de la Russie. En fait, personne ne croit vraiment que l'annulation des visas changera quoi que ce soit. Ces sanctions ont été imposées, car elles étaient la seule intervention sur laquelle les États occidentaux se sont entendus.


Dès qu'il s'agit de l'Ukraine, les dirigeants et le grand public à l'Ouest sont maintenant plutôt enclins à se préparer à la déception. Échaudée par une décennie de vœux pieux et d'attentes exagérées – des révolutions de toutes les couleurs du monde postsoviétique au printemps arabe –, l'opinion publique occidentale ne veut voir aujourd'hui que le mauvais côté des choses. C'est bien là où réside le véritable risque, car l'avenir de l'ordre européen dépend principalement de ce qui se passera prochainement en Ukraine. Il est maintenant évident que la Crimée ne retournera pas sous l'égide de Kiev ; mais il est clair également que le retard de l'élection de mai signifiera la fin de l'Ukraine telle que nous la connaissons. L'Ouest a le devoir de trouver les moyens de convaincre la Russie de donner son aval aux élections et de garantir que les indispensables réformes constitutionnelles se décideront à Kiev et non à Dayton.

 

Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier.
© Project Syndicate, 2014.

 

*Ivan Krastev est président du Centre des stratégies libérales à Sofia, chercher attitré à l'Institut des sciences humaines de Vienne (IWM). Son derneir livre s'intitule "In mistrust we trust : Can democracy survive when we don't trust our leaders?"

L'Ouest vit maintenant dans le monde de Poutine. Il se retrouve dans cette position non pas parce que Poutine a raison, ni même parce qu'il est le plus fort, mais parce que c'est lui qui prend l'initiative. Poutine est « l'électron libre », tandis que l'Occident est « l'éternel indécis ». Même s'il est vrai que les dirigeants européens et américains se sont rendu compte que l'ordre...

commentaires (1)

La Russie de ce Rass ce Poutine leve la tete enfin et se conforte dans sa politique mondiale quand elle voit un occicon empetre dans ses contradictions a vouloir donner des lecons qu'elles ne s'appliquent pas et qu'elle evite d'appliquer a ses vassaux ou allies inconditionnels. L'occicon a tort de recourir avec la Russie de Poutine aux bons vieux schemas de sanctions et embargos stupides qui n'ont jamais empeche les plus faibles de s'en sortir , a plus forte raison une puissance capable de detruire la terre 100 fois . L'arrogance des occicons fera se jeter les demunis , ceux qui ne rentrent pas dans leur combine, dans les bras de celui qui reprendra le flambeau jete a terre par gorbatchev le vendu et yeltsine l'ivrogne , on se rend compte que les occicons n'aiment pas les intelligents qui leur tiennent tete et prefere les faiblards defaitsistes a leur botte . Un exemple que nous autres au Liban avons experimente depuis 1948 , grace a une resistance d'acier.

FRIK-A-FRAK

15 h 18, le 10 avril 2014

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Commentaires (1)

  • La Russie de ce Rass ce Poutine leve la tete enfin et se conforte dans sa politique mondiale quand elle voit un occicon empetre dans ses contradictions a vouloir donner des lecons qu'elles ne s'appliquent pas et qu'elle evite d'appliquer a ses vassaux ou allies inconditionnels. L'occicon a tort de recourir avec la Russie de Poutine aux bons vieux schemas de sanctions et embargos stupides qui n'ont jamais empeche les plus faibles de s'en sortir , a plus forte raison une puissance capable de detruire la terre 100 fois . L'arrogance des occicons fera se jeter les demunis , ceux qui ne rentrent pas dans leur combine, dans les bras de celui qui reprendra le flambeau jete a terre par gorbatchev le vendu et yeltsine l'ivrogne , on se rend compte que les occicons n'aiment pas les intelligents qui leur tiennent tete et prefere les faiblards defaitsistes a leur botte . Un exemple que nous autres au Liban avons experimente depuis 1948 , grace a une resistance d'acier.

    FRIK-A-FRAK

    15 h 18, le 10 avril 2014

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