Le conflit sur la déclaration ministérielle plus profond qu’il n’y paraît

Le conflit sur le contenu de la déclaration ministérielle continue de paralyser l'entrée en fonctions effective du gouvernement dit « d'intérêt général ». Il y a, d'un côté, ceux qui veulent y intégrer la déclaration de Baabda, en l'élevant au rang de document de l'importance du pacte national, et, de l'autre, ceux qui veulent y faire figurer le triptyque « armée-peuple-résistance ». Dans les deux cas, les camps concernés invoquent la Constitution, l'importance de l'enjeu et la nécessité de reprendre ces points dans la déclaration ministérielle. Le secrétaire général du Hezbollah avait pourtant déclaré dans un de ses discours qu'il était préférable de mettre de côté les sujets conflictuels pour se consacrer à ce qui rassemble et surtout pour traiter les problèmes sociaux dont souffrent les Libanais, surtout avec l'afflux des réfugiés syriens sur le territoire libanais et tous les problèmes qui en découlent.
Les milieux politiques se demandent ainsi pourquoi Hassan Nasrallah ne commence pas par appliquer lui-même (et son camp) ce conseil en renonçant à imposer le triptyque « armée-peuple-résistance » dans la déclaration ministérielle d'un gouvernement à durée de vie limitée. D'autant que les principales missions de ce gouvernement sont de préparer le climat à la tenue de l'élection présidentielle à la date prévue et de traiter le plus rapidement possible les problèmes sociaux en suspens depuis des mois. Ce gouvernement n'a donc pas pour vocation de décider de la politique générale du pays sur le long terme et sa déclaration ministérielle n'est qu'un plan de travail pour les trois ou quatre mois à venir...
À cet égard, un responsable religieux chrétien a lancé devant plusieurs personnes qu'il aurait préféré que le conflit sur la déclaration ministérielle porte sur les problèmes des Libanais, non sur des questions stratégiques et des subtilités linguistiques qui ne sont pas prioritaires pour l'instant ! Mais, en réalité, derrière le conflit sur la déclaration de Baabda et sur « l'équation en or : armée-peuple-résistance », se profilent des divergences beaucoup plus profondes. Le camp du 8 Mars s'inscrit ainsi dans l'axe dit de la résistance qui passe de l'Iran vers le Liban, en incluant la Syrie et l'Irak, et le camp du 14 Mars s'inscrit dans l'axe adverse qui passe par l'Arabie saoudite, l'Occident et l'opposition syrienne. Dans ce contexte, il est donc faux de prétendre que le conflit sur la déclaration ministérielle est simple et porte sur des détails. Il est le reflet de plusieurs années de conflit politique et stratégique, au cours desquelles le camp du 8 Mars a utilisé ses armes pour peser sur les décisions politiques et imposer ses choix, parfois par la force.
Vu l'ampleur des divergences entre les deux camps, il aurait peut-être été préférable de former un gouvernement neutre pour les deux ou trois mois qui précédent l'échéance présidentielle. Mais, une fois de plus, le 8 Mars a imposé son point de vue, plaçant le pays devant une nouvelle difficulté, celle de la rédaction de la déclaration ministérielle. Pourtant les deux camps avaient convenu d'appeler ce gouvernement celui de l'intérêt général. Mais le problème est qu'ils ne sont visiblement pas d'accord sur l'interprétation de cet intérêt...