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Liban - Liban

Le jeune Michel Sakr libéré sain et sauf

Le fils de l'homme d'affaires Ibrahim Sakr, âgé tout juste de neuf ans, a retrouvé la liberté plusieurs heures après son enlèvement survenu vendredi matin à Zahlé. 

Le jeune Michel Sakr accueilli par ses proches à Zahlé, après sa libération. Photo ANI

Que la situation sécuritaire était chaotique et qu'elle se dégradait de jour en jour, les Libanais en étaient conscients. Que les rapts commençaient dangereusement à s'inscrire dans la catégorie des « faits divers », passe encore. Mais que la criminalité rampante atteigne d'innocents petits enfants, dont le seul crime est d'avoir un papa aisé ou affichant clairement ses opinions politiques, cela a sûrement dépassé, hier, toutes les limites de l'« acceptable ». En ce sens, le rapt du jeune Michel Sakr (9 ans), hier à Zahlé, devrait causer plus qu'une simple indignation, et encourager les « responsables » à prendre la situation sécuritaire en main une bonne fois pour toutes, quitte à nettoyer le pays de ces cellules criminelles qui gangrènent la vie des Libanais, déjà peu commode.

Dans les faits, quatre hommes armés ont intercepté hier matin la voiture de type Kia Picanto dans laquelle se trouvaient Michel Sakr et ses sœurs Lina et Rafqa (13 et 15 ans), alors qu'ils se dirigeaient vers l'école, réussissant à kidnapper le jeune garçon vers une destination inconnue. « L'école est à deux pas de la maison, raconte un proche de la famille à L'Orient-Le Jour. Mais la route qui y mène n'est pas une artère principale. Vers 7h35, deux voitures ont encerclé et heurté la Kia Picanto, l'une de devant, l'autre de derrière. Quatre hommes masqués en sont sortis. Ils ont frappé le conducteur qui s'est évanoui et l'un d'eux a brandi une arme à la tête de Michel, l'obligeant à monter à bord d'une de leurs voitures. » Et de poursuivre : « La famille reçoit souvent des menaces et prend des mesures de protection, mais les gardes du corps accompagnent généralement le papa de Michel. Ce qui s'est passé était quasiment inconcevable. La maman de l'enfant et ses grandes sœurs, Sethrida et Maguy, ont été dévastées par la nouvelle. Maguy a su la nouvelle par erreur en recevant un coup de fil d'un de ses cousins qui croyait qu'elle était au courant de l'incident. La famille s'est tout de suite réunie à Zahlé et dans la maison des Sakr un monde fou est venu accompagner les parents dans ces moments difficiles. »

Dans la ville, le rapt de Michel Sakr a suscité hier une vague de colère sans précédent. Ibrahim Sakr étant un homme d'affaires assez réputé dans la région, des habitants ont coupé l'autoroute de Zahlé au niveau de la région de Ksara, ainsi que toutes les routes menant à la ville, au moyen de pneus enflammés, de pierres et de sable. La route de Saadnayel, dans la Békaa, a également été coupée, et un sit-in a également eu lieu à l'école de Michel, le Collège de la Sainte-Famille de Zahlé. Hier, en soirée, toutes les routes menant à Zahlé étaient littéralement bloquées. Une tente a même été érigée par des protestataires au beau milieu d'une des routes principales.

« C'est un moyen de faire pression sur les autorités pour faire leur possible et sur les ravisseurs pour qu'ils donnent signe de vie, explique la personne proche des Sakr. La famille espérait que Michel allait être de retour avant la tombée de la nuit et cela devenait de plus en plus difficile d'autant plus que les ravisseurs ne se sont pas encore manifestés ni demandé de rançon. Espérons que ce sera tout juste une affaire d'argent. »

En effet, l'homme d'affaires Ibrahim Sakr est un proche du chef des Forces libanaises Samir Geagea. Connu pour avoir en outre reçu à son domicile le patriarche Nasrallah Sfeir lors d'une visite pastorale à Zahlé, M. Sakr a récemment financé la réalisation d'affiches, installées sur certains grands axes routiers, rendant hommage à Samir Geagea, ce qui pose l'éventualité d'un scénario d'intimidation politique.

Marouni à « L'OLJ » : Nous savons d'où viennent ces criminels
« Intimidation politique ou pas, ce genre d'incident est totalement refusé », a affirmé pour sa part le député de Zahlé Élie Marouni, contacté par L'Orient-Le jour en soirée. « Ce n'est pas la première fois que la ville témoigne de ce genre d'incident, a-t-il dit. Nous y sommes habitués. Mais qu'un enfant innocent soit la victime de ces rapts, cela est juste inadmissible. Il est temps que les forces de sécurité et les autorités responsables détruisent ces îlots sécuritaires très connus d'où viennent les criminels et d'élaborer un plan sécuritaire complet. Nous ne l'avons que trop dit auparavant et nous le répétons. »
Appelant « à l'arrestation des coupables et non pas seulement à la libération de Michel », M. Marouni s'est demandé s'il était temps que les citoyens aient recours à la sécurité privée. « S'ils ne sont pas capables de nous protéger, qu'ils nous permettent au moins de porter les armes », a-t-il ajouté. L'ancien ministre avait également appelé le Hezbollah à coopérer dans cette affaire pour aboutir à la libération de l'otage, révélant avoir contacté le président de la Chambre Nabih Berry à ce sujet.

En effet, selon les premiers résultats de l'enquête, la voiture à bord de laquelle a été emmené le petit Michel a été volée 48 heures plus tôt à Sin el-Fil et a été repérée dans la région de Brital, les forces de l'ordre soupçonnant un certain Maher Tlaissi d'avoir commis le rapt. En soirée, une perquisition a été menée par l'armée dans la région et des hommes armés ont tiré contre la gendarmerie de la localité. Les forces de l'ordre ont ensuite déclaré avoir identifié les ravisseurs.

Le jeune otage a finalement été libéré dans la localité de Talia, dans le caza de Baalbeck, dans l'est du Liban. Aucune rançon n'a été payée pour sa libération, assure l'Agence nationale d'information. A la suite de cette annonce, les routes menant à Zahlé ont été rouvertes.

Le rapt de Michel Sakr avait occupé les forces de l'ordre hier dès le petit matin. Le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk a contacté sur ce plan Ibrahim Sakr, lui assurant que les forces de sécurité étaient en état d'alerte et avaient pris les mesures nécessaires pour la libération de l'enfant. Appelant à une réunion d'urgence des appareils sécuritaires en coopération avec l'armée au ministère de la Défense, après avoir reçu un appel de la part du Premier ministre Tammam Salam et du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, M. Machnouk a souligné la nécessité de lutter contre « les enlèvements, les meurtres, les vols et le trafic de stupéfiants », appelant les parties politiques à la coopération. Pour sa part, le procureur général près la cour d'appel de la Békaa, le juge Farid Kallas, s'était rendu hier dans la journée sur les lieux de l'incident et avait émis un mandat de recherche à l'encontre des ravisseurs de Michel Sakr. Quant à Tammam Salam, il a enjoint aux services de sécurité de faire la lumière sur les circonstances du rapt le plus rapidement possible et d'arrêter les ravisseurs et de les traduire en justice. Le chef du gouvernement a également appelé des responsables du Hezbollah et d'Amal leur demandant de coopérer avec les autorités en vue de résoudre cette affaire.

Un flot de dénonciations
L'enlèvement du jeune Michel Sakr avait par ailleurs suscité hier de vives réactions d'indignation au sein de la caste politique et dans les milieux religieux. Le patriarche maronite Mgr Béchara Raï a condamné l'enlèvement, dénonçant « le manque d'humanité des ravisseurs qui n'ont pas pensé au traumatisme qui accompagnera cet enfant de 9 ans durant toute sa vie ». Mgr Raï a appelé le chef de l'État, le chef du gouvernement, le commandement de l'armée et tous les appareils sécuritaires à prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à ces crimes et pour que ces criminels, dont les noms et les emplacements sont connus, ne bénéficient plus de couverture politique.

Le député FL Antoine Zahra a de son côté condamné « des actes criminels quelles que soient leurs motivations, car ils portent atteinte à la liberté et la dignité des gens et créent un état de panique chez les citoyens ». Estimant que « ces incidents condamnables montrent l'impuissance de l'État et de ses institutions à préserver la sécurité des citoyens », il a appelé les autorités à « frapper d'une main de fer afin de mettre un terme à cette vague de criminalité qui ne ressemble en rien à notre société ni à nos traditions ».

Même son de cloche de la part du député FL de Zahlé, Chant Jenjian. « Nous en avons ras le bol ! Les habitants de Zahlé, ses responsables politiques et ses hommes de religion ne peuvent plus garder le silence et se contenter de respecter la loi en laissant les autorités concernées régler les incidents sécuritaires » qui secouent leur région, a-t-il martelé. Le député a dans ce contexte blâmé les autorités pour leur soumission aux pressions de la part des « forces du fait accompli » qui couvrent les bandes de malfaiteurs dans la région, « surtout que ces bandes sont désormais connues ainsi que les endroits où elles se trouvent, et nommément à Brital ».

Pour sa part, le 14 Mars a estimé dans un communiqué que l'enlèvement de Michel Sakr est inacceptable, que ce soit pour des raisons financières ou politiques. La coalition a appelé « les députés, les ministres concernés et les responsables sécuritaires à élucider les circonstances de ce crime afin de protéger tous les enfants du Liban ». Plus tôt dans la journée, le secrétaire général du 14 Mars Farès Souhaid avait souligné que « l'enlèvement d'enfants n'a jamais eu lieu même durant la guerre civile ». Le rapt a enfin été dénoncé par le chef du Bloc populaire Élias Skaff, les notables de Zahlé réunis au siège de l'archevêché catholique de la ville, le député Marwan Hamadé et l'association Journalistes contre la violence.


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commentaires (4)

Enfin Michel Sakr est libre , mais triste de vivre toujours dans un pays ou le crime est impuni .

Sabbagha Antoine

13 h 10, le 08 mars 2014

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Enfin Michel Sakr est libre , mais triste de vivre toujours dans un pays ou le crime est impuni .

    Sabbagha Antoine

    13 h 10, le 08 mars 2014

  • Tant mieux pour cet enfant et ses parents. Et un grand bravo pour les nouveaux ministres de l'intérieur et de la justice, Nohâd Machnoûk et Achraf Rîfî !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 30, le 08 mars 2014

  • çA DEVIENT UNE ÉPIDÉMIE... CAR... ON NÉGOCIE LES LIBÉRATIONS... ET ON NE SÉVIT PRESQUE PAS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 25, le 08 mars 2014

  • Ils enlèvent un enfant de 9 ans !! Décidément ce pays est devenu une jungle où régnent les voyous et les crapules. Tfeh !!!

    Halim Abou Chacra

    06 h 12, le 08 mars 2014

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