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Moyen Orient et Monde - Ukraine

Moscou refuse de dialoguer avec Kiev

Intense ballet diplomatique dans la confusion totale hier à Paris pour trouver une issue négociée à la crise.

Des soldats russes montant la garde hier dans le port de Sébastopol, en Crimée. Viktor Drachev/AFP

Le ballet diplomatique qui s'est joué hier à Paris pour tenter de trouver une solution à la crise ukrainienne n'a pas permis de rétablir le dialogue entre Kiev et Moscou, à couteaux tirés depuis l'invasion indirecte par la Russie de la Crimée.


Réunis à l'occasion de la rencontre du Groupe international de soutien au Liban organisée par le président François Hollande, les pays occidentaux avaient émis l'espoir de réussir à réunir dans la même pièce les chefs de la diplomatie russe et ukrainienne, Sergueï Lavrov et Andriï Dechtchitsa. Une ultime tentative orchestrée en soirée par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a échoué. Les chefs de la diplomatie russe, ukrainienne, américaine, française, allemande et polonaise, et même Catherine Ashton, se sont ainsi retrouvés au Quai d'Orsay, mais les deux principaux protagonistes de la crise ont quitté Paris sans se rencontrer, M. Lavrov refusant de rencontrer M. Dechtchitsa. « Nous sommes convenus de poursuivre ces discussions dans les jours à venir pour voir de quelle manière nous pouvons stabiliser, normaliser la situation et surmonter la crise », a dit M. Lavrov en quittant le ministère français. Prié de dire s'il avait rencontré son homologue ukrainien, il a répondu : « Qui c'est ? Je n'ai vu personne. »
« Nous voulons régler cette crise pacifiquement. Nous ne voulons pas combattre les Russes », a pour sa part déclaré M. Dechtchitsa. « Nous voulons maintenir un bon dialogue, de bonnes relations avec le peuple russe. Nous apprécions tous les contacts possibles », a-t-il poursuivi. Kiev, Londres et Washington avaient publié dans l'après-midi un communiqué commun dans lequel ils insistaient sur l'importance de discussions directes entre Kiev et Moscou, « facilitées si nécessaire » par la communauté internationale. Un message répété par le secrétaire d'État américain, John Kerry, lors d'un entretien avec M. Lavrov.


L'imbroglio s'est poursuivi tard dans la nuit, quand un journaliste a rapporté que MM. Lavrov et Dechtchitsa se trouvaient au Quai d'Orsay. Le ministère a confirmé la présence de M. Lavrov mais pas celle de M. Dechtchitsa. Interrogé pour savoir s'il allait discuter avec M. Lavrov, son homologue ukrainien a haussé les épaules et répondu : « Je ne sais pas s'il est ici. »
D'autre part, le Kremlin a annoncé en soirée que le président russe Vladimir Poutine et la chancelière allemande Angela Merkel se sont entretenus au téléphone des initiatives internationales possibles dans l'objectif d'une sortie de crise en Ukraine.

 

(Analyse : « Le Kremlin ne va pas s'aventurer dans une guerre de grande ampleur contre l'Ukraine »)

 

Une mise en garde sévère
Dans un chassé-croisé diplomatique sans précédent depuis le début de la crise ukrainienne, les pays occidentaux ont multiplié les échanges en marge du sommet sur le Liban. En début d'après-midi, M. Hollande a réuni à l'Elysée MM. Kerry, Lavrov, Fabius et leurs homologues britannique et allemand, William Hague et Frank-Walter Steinmeier. « C'est un work in progress » a déclaré un conseiller du chef de l'État français à la veille d'un Conseil européen extraordinaire consacré à l'Ukraine. « Ce n'est pas un conseil qui devrait annoncer de nouvelles sanctions, mais il y aura peut-être des précisions là-dessus », déclarait-on dans l'entourage de M. Hollande. « L'objectif, c'est une mise en garde sévère de la Russie. »
Selon une source occidentale, les discussions devraient continuer à Rome aujourd'hui, où se tient la deuxième conférence internationale pour le soutien à la Libye. « Le problème c'est que les Russes adoptent une position ferme mais ne disent pas ce qu'ils veulent », a dit cette source. « L'objectif aujourd'hui était d'analyser leur position, mais ils n'ont pas fait de demandes précises. »


Preuve de la cacophonie ambiante, Russes et Américains se sont opposés sur le contenu des entretiens d'hier à Paris. Selon M. Lavrov, Moscou et les puissances occidentales ont convenu que les parties ukrainiennes doivent s'en tenir à l'accord de sortie de crise signé le 21 février entre le président d'alors, Viktor Ianoukovitch, et l'opposition. « Nous sommes d'accord sur la nécessité d'aider les Ukrainiens, tous les Ukrainiens, à appliquer les accords (...) », a-t-il dit, cité notamment par la chaîne de télévision Rossyia-24 TV, à l'issue de ses discussions avec M. Kerry. Mais un haut responsable du département d'État américain a aussitôt démenti. « Il n'y a pas eu d'accord lors de cette rencontre, et il n'y en aura pas sans une implication directe et un ralliement absolu du gouvernement ukrainien », a-t-il dit. M. Lavrov a ajouté que les Occidentaux n'avaient pas été capables de créer une atmosphère de dialogue et de coopération. Mais, a-t-il poursuivi, son homologue américain convient de la nécessité d'y parvenir.

 

« Tout le monde sort perdant »
Soufflant le chaud et le froid en l'espace de trois jours, M. Poutine a temporairement écarté l'idée d'une intervention armée en Crimée. Selon des responsables américains, le président Barack Obama a évoqué avec M. Poutine un possible plan de sortie de crise qui prévoit le retour des forces russes en Crimée dans leurs casernes et l'envoi d'observateurs internationaux chargés de garantir le respect des droits des Ukrainiens russophones. Un projet rejeté hier matin par M. Lavrov, qui a réaffirmé que Moscou n'avait aucune autorité sur les « forces d'autodéfense » déployées en Crimée. « Quant aux militaires russes de la flotte de la mer Noire, ils se trouvent dans leurs lieux d'affectation », a-t-il ajouté depuis Madrid, avant son départ pour Paris. En outre, prévenant que la Russie ne permettrait pas un « bain de sang » en Ukraine, il a réitéré son soutien à l'accord conclu le 21 février entre le président déchu Viktor Ianoukovtich et l'opposition ukrainienne.
En soirée, le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, a menacé Moscou, estimant que la Russie n'avait pas sa place à la prochaine réunion du G8, alors que celle-ci doit se tenir à Sotchi en territoire russe. Pour sa part, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a appelé « toutes les parties » à réduire les tensions et à entamer « un dialogue constructif ». « Ce qui est important et urgent, c'est que le principe de l'unité, de la sécurité et de l'intégrité de l'Ukraine soit protégé », a encore dit M. Ban.


À Kiev, l'envoyé de l'ONU, le secrétaire-général adjoint Jan Eliasson, a mis en garde contre la tentation de revenir aux réflexes de la guerre froide. « Ce n'est dans l'intérêt de personne de réveiller ces fantômes du passé », a-t-il dit. Le diplomate suédois a estimé qu'il était « dans l'intérêt de tous » de trouver un « compromis pacifique » en Crimée. « Ce n'est pas un jeu où l'un perd et l'autre gagne. Dans le monde actuel, tout le monde sort toujours perdant des conflits », a-t-il poursuivi. M. Eliasson a indiqué que le secrétaire général adjoint de l'ONU aux Droits de l'homme, Ivan Simonovic, se rendrait en Crimée pendant le week-end. « Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour établir la vérité concernant les violations aux droits de l'homme et même des crimes encore plus graves », a-t-il indiqué.


Enfin, le gouvernement ukrainien a réaffirmé hier que M. Inaoukovitch n'était plus le président légitime du pays et que seul le Parlement pouvait demander l'aide militaire de la Russie, en réponse à une lettre « prétendument » adressée à M. Poutine par le président déchu. L'ambassadeur de Russie à l'ONU, Vitaly Tchourkine, avait lu lundi devant le Conseil de sécurité une lettre de M. Ianoukovitch datée du 1er mars et demandant à la Russie d'intervenir militairement en Ukraine, qui se trouve selon lui « au bord de la guerre civile ».

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