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Témoignages sur l’émigration libanaise : décryptage d’un buzz - Dossier

Témoignages sur l’émigration libanaise : décryptage d’un buzz

L'un a été partagé plus de 8400 fois sur Facebook, l'autre 22000 fois. Les deux articles ont été cliqués 100 à 200 fois plus que la moyenne de nos articles. En janvier, deux de nos articles consacrés à l'émigration et à la diaspora libanaise sont devenus viraux. Décryptage.

L’atelier de fabrication de chaussures Nasser, à Redfern, en Australie. Collection Alice Shehade, circa 1950. (LERC/NDU)

«Ils arrivent! On les attend, le cœur en braise», écrivait notre collègue Fifi Abou Dib en introduction de son billet hebdomadaire du 9 janvier dernier. «Plus que deux semaines. Plus que dix jours. Plus que deux. Plus qu'un. C'est aujourd'hui, c'est aujourd'hui!», lui répondait, comme en écho, Yara Zgheib dans la rubrique «Nos lecteurs ont la parole», deux jours plus tard.
Dans « Le temps d'illuminer », notre collègue évoquait les parents à la fois anxieux et impatients de retrouver leurs enfants expatriés de retour au pays le temps des vacances de Noël. Dans « Mal de vous, papi, mamy », une jeune lectrice nous livrait un témoignage doux-amer sur le retour à Beyrouth pour passer les fêtes en famille. Un même thème abordé en miroir, deux articles publiés dans une période marquée par une actualité chaude, entre attentats à Beyrouth, guerre en Syrie et négociations pour un nouveau gouvernement. Cliqués un nombre record de fois et partagés sur les réseaux sociaux à des niveaux inégalés, ces deux articles ont littéralement fait le buzz.

 

(Témoignages : Jeunes émigrés, ils disent leur soulagement, leur colère, leur tristesse)

 

Mécanismes de l'engouement
Fifi Abou Dib, interpelée par le phénomène, s'est penchée sur la question dans un billet publié deux semaines après, «Le Temps d'illuminer». «Pour créer une telle unanimité, il fallait avoir touché du doigt une plaie vive», écrivait-elle.


«Le mythe du retour à la terre natale caractérise la relation des émigrés avec leur pays d'origine partout dans le monde. Mais ce mythe se manifeste plus profondément chez les émigrés libanais, premièrement parce que le Liban est pour la majorité d'entre eux une terre sacrée plutôt que le pays où ils sont nés et, deuxièmement, parce que leur émigration est souvent forcée et imposée par les conflits et l'insécurité», explique Liliane Haddad, archiviste et responsable du Musée du Liban et de l'Émigration. Cette relation avec la terre natale «s'accroît et se fortifie avec l'insécurité au Liban, les conflits politiques, les bombardements, les assassinats, les problèmes qui n'en finissent pas. C'est une relation d'amour et de haine, de réalité et d'utopie», poursuit Mme Haddad, qui est rattachée au Centre de recherche sur l'émigration libanaise (LERC) de l'Université Notre-Dame (NDU).

 

(Repère : Les grandes vagues de l'émigration libanaise)


Si l'émigration libanaise est ancienne (voir plus bas), elle reste peu documentée, faute de statistiques pertinentes, explique l'archiviste, qui note néanmoins que le profil des candidats à l'émigration a évolué au fil du temps. Au départ surtout le fait d'artisans et de paysans, l'émigration touche à partir de la guerre civile ingénieurs, banquiers, médecins, hommes d'affaires. De nos jours, ce sont les jeunes diplômés qui prennent le chemin de l'exil et «le Liban souffre de la fuite des cerveaux et de l'émigration permanente». Ce à quoi il faut ajouter un phénomène nouveau, selon Liliane Haddad, l'émigration féminine et éduquée.
«Les Libanais émigrent depuis plusieurs siècles et les départs définitifs ou temporaires font partie du quotidien. Mais aujourd'hui, l'émigration a tendance à s'accentuer et à s'étendre à l'ensemble des couches sociales selon les circonstances et les conflits politiques au pays», note Liliane Haddad. En ce qui concerne l'intensité du flux migratoire, les opportunités du marché du travail local semblent constituer le principal régulateur.


Ces départs sont rarement envisagés comme une rupture définitive. Dans ces exils pensés comme temporaires, dans un monde globalisé et hyperconnecté, les émigrés restent, aujourd'hui, en contact direct et permanent avec leur famille et leurs amis restés au pays. «L'émigré réagit, commente, se désole ou se réjouit à chaque nouvelle reçue du Liban, précise l'archiviste. Les Libanais émigrés souhaitent toujours retourner au pays et que ce pays soit idéal, parfait, bien construit, doté d'une forte structure politique isolée des conflits.»
Les émigrés sont sensibles à la nostalgie, aux souvenirs et à l'utopie. «Le Liban dans l'imaginaire des émigrés est une utopie, nécessaire pour eux et pour le Liban, note Mme Haddad. Même si cette utopie est brisée par une réalité toujours décourageante.»

 

Voir aussi notre dossier :  Les jeunes de la diaspora qui font parler d'eux

et notre page spéciale diaspora (réservé aux abonnés)

«Ils arrivent! On les attend, le cœur en braise», écrivait notre collègue Fifi Abou Dib en introduction de son billet hebdomadaire du 9 janvier dernier. «Plus que deux semaines. Plus que dix jours. Plus que deux. Plus qu'un. C'est aujourd'hui, c'est aujourd'hui!», lui répondait, comme en écho, Yara Zgheib dans la rubrique «Nos lecteurs ont la parole», deux jours plus tard.Dans « Le...