Cela dure depuis plus de 70 ans et les Libanais ne sont toujours pas sortis de l'auberge. Irresponsabilité collective, allégeances externes, calculs confessionnels, tiraillements idéologiques, guéguerres politiques : c'est à toutes les sauces que la cuisine interne s'est nourrie, c'est aux mêmes sources empoisonnées qu'elle s'est désaltérée.
Le résultat est bien évidemment catastrophique et les Libanais n'arrêtent pas d'en payer le prix, d'en être les victimes expiatoires, une longue et effroyable pénitence consentie sur l'autel d'intérêts égoïstes extranationaux. Cela fait plus de 70 ans que l'imposture détruit les corps et les âmes, jette les derniers résistants sur les routes de l'exode et réduit le citoyen au statut de mineur assisté, de cobaye impuissant entraîné dans des conflits suicidaires.
Sacrée libanité dont on nous rebat les oreilles depuis la nuit des temps, dont on a fait un exemple unique pour l'humanité entière; sacrée libanité qui n'a servi que de tremplin aux inféodations externes, de soumission aux agendas des uns et des autres ; sacrée libanité qui n'a été que de la poudre aux yeux, une drogue administrée à doses savamment calculées pour mieux faire passer les pilules de nos amères réalités.
Au départ, une double négation : non aux tentations et tentatives de dissolution dans le carcan arabe, non à une protection occidentale synonyme de tutelle réinventée. Le pacte fondateur s'est vite égaré dans les oubliettes de l'histoire et n'a vécu que ce que vivent les roses, l'espace d'un matin...
Un espace rapidement investi par un nassérisme envahissant qui a jeté les foules sunnites dans les rues des capitales arabes et assujetti Beyrouth, des années durant, aux états d'âme dévastateurs d'unionistes en recherche d'identité transnationale. Un espace occupé ensuite par une « palestinité » envahissante qui a entraîné le Liban dans une guerre civile atroce, alimentée par la « Syrie-sœur » , et l'a cadenassé dans un « Fathland » dont il n'a pas fini de subir les tragiques conséquences, le Hezbollah prenant le relais à travers une « libanité » rebelle, hostile à tout « souverainisme » étatique.
Et de menaces israéliennes en agressions dévastatrices, d'une résistance en roue libre à un enlisement désastreux dans les sables mouvants syriens, les conséquences étaient prévisibles : un chiisme revanchard embrigadé par un Hezbollah aux ordres d'une théocratie iranienne totalement assumée, une exacerbation des haines intercommunautaires et un jihadisme fou qui sème déjà la mort aux quatre coins du Liban
Vous avez dit libanité ? Même la mise en place d'un gouvernement a besoin d'un blanc-seing étranger pour se concrétiser, même le choix des ministres nécessite un accord jumelé des Saoudiens et des Iraniens, des Américains et des Russes, même la justice a besoin d'une couverture internationale pour espérer un regain de crédibilité.
Assez ! Cela fait plus de 70 ans que le Liban souffre le martyre pour des causes qui ne sont pas les siennes ; cela fait plus de sept décennies qu'il paye le prix du sang au nom du peuple palestinien, de toute la nation arabe et de la « oumma » musulmane ; cela fait plus de 70 ans que la guerre des autres se livre sur notre sol et que les Libanais servent de chair à canon pour couvrir la trahison des uns et la compromission des autres.
Assez ! Le Liban se meurt et à son chevet ne restent que les vautours, le Liban se meurt et les dépeceurs ne pensent déjà qu'à se partager les meilleurs morceaux de sa dépouille...
Vous avez dit libanité ?
OLJ / Par Nagib AOUN, le 03 février 2014 à 00h00
MAURICE MOUBARAK
16 h 08, le 30 mai 2020