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Chambres froides

Ralph Bunche (1904-1971) fut le premier Américain d'origine africaine à décrocher un doctorat en sciences politiques, discipline qu'il enseigna longtemps par la suite dans les universités les plus prestigieuses du pays. Devenu diplomate, il fut aussi le premier Américain de couleur à diriger en titre une section du département d'État. Mais il fut surtout, bien avant Nelson Mandela, le premier homme de race noire à obtenir un Nobel, en récompense de ses efforts, déployés cette fois en tant que médiateur de l'ONU en Palestine : ceux-ci avaient abouti, un an auparavant, à la signature d'accords d'armistice entre Israël et ses quatre voisins arabes.


Précurseur de la politique des petits pas qui devait faire, plus tard, la fortune de Henry Kissinger, Ralph Bunche avait imaginé de réunir, dans un premier temps, dans des salles différentes de son QG de l'île de Rhodes, ces protagonistes qui ne se connaissaient même pas encore (et se reconnaissaient encore moins) ailleurs que sur les champs de bataille. Aidé de ses assistants, il entreprit alors une laborieuse navette entre Israéliens d'une part et Égyptiens, Syriens, Libanais et Transjordaniens d'autre part. C'est ainsi que de fil en aiguille, on put en venir des tractations en chambre à part aux pourparlers directs.


C'est à ce même sport que s'est adonné, durant les deux derniers jours, ce diplomate chevronné qu'est le médiateur de l'ONU pour la Syrie, Lakhdar Brahimi. Saisissante situation, au cas où elle se serait prolongée, s'agissant en effet non point de Terriens et de Martiens tombant nez à nez pour la première fois mais de fils du même pays : si tant est que ce pays existe encore, dévasté, affamé et saigné à blanc qu'il est par un tyran se posant en premier adversaire d'Israël mais qui n'aura fait usage que sur son seul peuple de sa formidable machine de guerre.


Toujours est-il que Brahimi parvenait hier à repêcher in extremis une conférence de Genève 2 menacée de naufrage à peine était-elle entamée, les rebelles exigeant que Damas approuve par écrit le principe d'un pouvoir de transition sans Bachar el-Assad et la délégation officielle de Syrie menaçant de faire ses valises. C'est dans la même pièce que se réuniront ce matin les deux camps, exploit à mettre au crédit du diplomate algérien, même si la suite demeure des plus incertaines et que les Nobel sont encore bien loin.


Au singulier festival de Montreux qui a servi de prélude à Genève, c'est en revanche le ministre syrien des Affaires étrangères qui a remporté, haut la main, la palme de l'effronterie, et aussi du ridicule ; évoquant, entre autres outrances, l'assiduité proverbiale de son gouvernement à respecter sa parole, Walid Moallem n'a réussi qu'à susciter une tempête de ricanements dans la salle. Pour ce qui est du prix qu'il faudrait attribuer, pour sa triste performance, à son homologue libanais Adnane Mansour, qui a défendu l'engagement du Hezbollah dans le conflit syrien, on a l'embarras du choix.


À l'heure où la formation du nouveau gouvernement se trouve retardée par la prétention d'aucuns à conserver leurs juteux domaines réservés, la rotation des ministères est plus nécessaire que jamais : ne serait-ce que pour libaniser enfin ces Affaires qui n'ont jamais été aussi totalement, aussi scandaleusement étrangères.


Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Ralph Bunche (1904-1971) fut le premier Américain d'origine africaine à décrocher un doctorat en sciences politiques, discipline qu'il enseigna longtemps par la suite dans les universités les plus prestigieuses du pays. Devenu diplomate, il fut aussi le premier Américain de couleur à diriger en titre une section du département d'État. Mais il fut surtout, bien avant Nelson Mandela, le...