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Liban - Rencontre

L’œuvre de Nabila Farès, un alliage rare d’éthique et de style

 « J'ai toujours vingt ans pour servir », assure la présidente d'Acsauvel et « moukhtara » de Rabieh.

Nabila Farès : simplicité, pudeur, vérité.

«Chacun de nous cache au fond de lui-même une tragédie, mais rien ne te grandit comme la tragédie!» Nabila Farès se confie. Elle lance là une maxime qui la résume parfaitement. «Moukhtara» de Rabieh depuis 1985, présidente de l'Association civile pour la sauvegarde de l'enfant libanais (Acsauvel) depuis 2003, Nabila Farès a été forgée par un drame qui changea sa vie et dont elle fait le récit dans l'un des six livres composant ses œuvres complètes, joliment intitulées Kalimat moukhtara (jeu de mots libanais entre «paroles de moukhtara» et «mots
choisis»), parues en deux volumes chez Naufal.
La vie de Nabila Hanna Jabbour, présidente de la municipalité de Lattaquié, bascula à un très jeune âge, à la suite d'une chute grave que fit sa sœur aînée, Noha, et dans laquelle fut entraînée sa mère enceinte. Il en résulta une diminution permanente des facultés intellectuelles de sa sœur qui a souffert d'une lésion cérébrale, et une fausse couche qui s'est compliquée et a gardé sa mère alitée. «J'ai été séparée très tôt de ma sœur, confie-t-elle. C'était une enfant admirable. Mes parents ont remué ciel et terre pour la guérir. Pas un couvent qu'ils n'aient été visité, pas un saint qu'ils n'aient invoqué. Ma mère s'est même rendue en France pour consulter de grands spécialistes. En vain.»
Ce fut sa tante restée célibataire, Ketty, qui prit en charge l'éducation de la petite Nabila. Présidente d'une association de défense des droits de la femme, elle transmit à sa nièce son sens de la justice et l'encouragea à suivre des études universitaires. À une époque où la femme était considérée comme socialement inférieure à l'homme, elle aida la jeune fille à surmonter son chagrin et sa solitude, à regagner son équilibre après le drame et à devenir la femme dynamique qu'elle est aujourd'hui. Une grande dame qui jouit de la considération de tous, à commencer par celle de ses quatre enfants et qui, en 1985, a été la première femme au Liban à assumer la fonction de «moukhtara». Mais le léger voile de tristesse que l'on voit passer devant ses yeux, pendant qu'elle évoque ce passé, et des précautions de langage sont là pour dire que certaines blessures sont inguérissables et que le «non-dit» continuera d'alourdir son cœur. «Je n'ai pas vécu avec ma mère», dira-t-elle à deux reprises, au cours de notre entretien.
Simplicité, pudeur, vérité caractérisent la prose intimiste de cette femme qui, tout au long de sa vie et de son action sociale, se plut à écrire, d'abord pour elle-même, puis pour les autres. Longtemps, elle tint une chronique dans la page culturelle du quotidien al-Anwar. Son style, celui du «simple inimitable», célèbre dans la littérature arabe, y fit merveille. Charles Hélou rendit hommage en son temps à cet alliage rare «de l'éthique et du style» qui caractérisent ses œuvres et sa personne.
Plusieurs décennies de travail social ininterrompu sont cachées dans ces deux tomes écrits notamment pour baliser l'avenir, mettre en garde une jeune génération contre ce qui la menace. «J'ai envie que les jeunes lisent les textes qui parlent de notre patrimoine libanais, d'éthique, de franchise et de droiture, de compassions et d'amour», dit-elle. Mais les pièces maîtresses de ces deux volumes agréables et très bien présentés restent le pudique récit autobiographique de son auteur et celui qu'elle a consacré à son modèle de femme, sa tante.
L'ouvrage rend aussi compte de l'espérance qui anime Nabila Farès au service des enfants à besoins spéciaux, encadrés par Acsauvel, qu'elle préside depuis 2003, et l'école créée pour leur assurer un avenir. «Mon amour pour les enfants à besoins spéciaux est quelque chose qui sort du cœur. Ce n'est ni de la comédie ni un hobby», se défend-elle, dans une référence à sa longue familiarité avec la sœur qu'elle perdit. Cette sympathie transparaît dans le récit intitulé «Souvenirs de Wassim», où elle s'identifie à ceux qu'un auteur n'a pas hésité à appeler «les petits verbes de Dieu».
«J'ai appris à aimer jusqu'à l'ivresse, en dépit de mes blessures. J'ai été privée d'une sœur, mais toutes les personnes amies sont devenues mes frères et sœurs. J'ai été entourée d'amour. Je ne reproche rien à personne. J'ai toujours vingt ans pour servir», lance-t-elle.

«Chacun de nous cache au fond de lui-même une tragédie, mais rien ne te grandit comme la tragédie!» Nabila Farès se confie. Elle lance là une maxime qui la résume parfaitement. «Moukhtara» de Rabieh depuis 1985, présidente de l'Association civile pour la sauvegarde de l'enfant libanais (Acsauvel) depuis 2003, Nabila Farès a été forgée par un drame qui changea sa vie et dont elle...
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