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Liban - Éclairage

L’énigme de Maged al-Maged alias Mohammad Taleb

Mort, le Saoudien Maged al-Maged, chef déclaré des Brigades Abdallah Azzam (groupe proche d'el-Qaëda), suscite une grande polémique régionale. Si le maintenir en vie pouvait probablement embarrasser les autorités libanaises, sa mort leur cause encore plus de soucis. D'autant que cette affaire complexe a poussé pour la première fois des responsables iraniens à s'en prendre directement à l'Arabie saoudite. Jusqu'à présent, l'Iran préférait éviter d'attaquer ouvertement le royaume wahhabite et multipliait au contraire les déclarations de bonnes intentions à son égard, maintenant une politique de la main tendue, en dépit des refus successifs, et laissant le Hezbollah lancer les accusations directes. Mais le décès dans des circonstances floues de Maged al-Maged, dont le mouvement avait officiellement revendiqué l'attentat contre l'ambassade d'Iran le 19 novembre dernier, a visiblement changé la donne.

À tour de rôle, le vice-président de la commission parlementaire de la Sécurité Mansour Hakikat Bor, le ministre de la Sécurité Mahmoud Aloui et le président de la commission parlementaire des Affaires étrangères Alaeddine Boroujerdi ont mis en cause le rôle de l'Arabie et exigé de participer à l'enquête sur le décès de Maged. Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif est même attendu à Beyrouth la semaine prochaine dans ce but. De leur côté, les autorités saoudiennes réclament le rapatriement de la dépouille de Maged al-Maged et accusent l'Iran de l'avoir enrôlé, tout en essayant de savoir s'il a fait des révélations aux services de renseignements militaires qui l'avaient arrêté. C'est dire que la mort de « l'émir des Brigades Abdallah Azzam » est devenue un problème de plus pour les Libanais. Si Maged a fait des aveux, ils sont sûrement trop graves pour être utilisés efficacement, et s'il n'en a pas fait, d'une part le Liban aura alors raté une occasion en or d'éclaircir une partie des nombreux mystères de ces dernières années et, d'autre part, le doute demeurera.

Aujourd'hui, il est toutefois devenu possible de reconstituer les détails de son dernier voyage au Liban, où il est entré en passant par Ersal, au début du mois de décembre, sous la fausse identité d'un Syrien nommé Mohammad Taleb. C'est dans une ambulance que Maged al-Maged serait donc arrivé à Ersal en raison de la détérioration de son état de santé, venant de la région de Yabroud en Syrie, où il combattait les forces du régime depuis plus d'un an. Il aurait été immédiatement transporté à l'hôpital Hamed Farhat à Kamed el-Loz, où de nombreux blessés syriens sont traités. Un groupe de cinq personnes originaires de cette localité l'ont pris en charge et ont tenté de le faire soigner. Interrogés plus tard par les services de l'armée, ils ont affirmé ne pas connaître sa véritable identité. Ils l'auraient donc aidé en tant que blessé syrien qui a toutefois payé 5 000 dollars en contrepartie de son séjour dans cet hôpital. Ce qui est assez rare chez les blessés syriens généralement accueillis dans ce lieu...

Toutefois, l'état du malade s'est aggravé et les équipements de l'hôpital de Kamed el-Loz se sont rapidement avérés insuffisants. Il a donc été décidé, à sa demande, de l'envoyer dans un hôpital à Beyrouth. C'est celui des Makassed qui a été choisi. Maged al-Maged y a été admis sous le nom de Mohammad Taleb, mais son état s'étant encore détérioré, il aurait demandé à quitter l'hôpital pour s'installer dans une maison dans la Békaa, avec les équipements nécessaires à son traitement médical. Le tout aurait d'ailleurs coûté 30 000 dollars que le patient a payés rubis sur l'ongle. Le paiement de cette somme en espèces aurait dû alerter la direction de l'hôpital, mais par les temps qui courent, tout le monde évite de poser trop de questions. Pendant ce temps, les services américains auraient alerté les services militaires libanais au sujet de ce patient, et ceux-ci l'avaient placé sous une étroite surveillance. Ne voulant pas intervenir dans l'enceinte de l'hôpital, ils ont attendu que le patient soit emmené dans une ambulance vers la Békaa pour l'intercepter, l'arrêter et l'emmener à l'hôpital militaire où il n'a pas tardé à rendre son dernier soupir. Les officiers libanais ont-ils pu l'interroger avant son décès ? Il n'y a pas encore de réponse claire à cette question, les médias se contentant de véhiculer des supputations ou des rumeurs.

Ce qui est sûr, c'est que Maged al-Maged est un « gros poisson », en tout cas un personnage-clé dans la mouvance el-Qaëda, dont les secrets pourraient déranger plus d'une partie. Ce qu'on sait de lui jusqu'à présent, c'est qu'il était un ancien officier de l'armée saoudienne et il aurait combattu en Afghanistan, en Irak (c'est à partir de là qu'il aurait commencé à être recherché par les services américains) et en Syrie, tout en faisant des visites au Liban, où il lui arrivait de séjourner dans le camp de Aïn el-Héloué. Pour le reste, sa disparition soulève encore plus de questions qu'elle ne ferme de dossiers, et il sera donc difficile de tourner cette page inquiétante pour le Liban, mais aussi pour des parties régionales. Si celles-ci veulent connaître ses secrets, le Liban, lui, est surtout intéressé à connaître ses réseaux et toute cette chaîne qui lui a permis de venir au Liban et de circuler entre Ersal, Beyrouth et Aïn el-Héloué, où il avait établi son quartier général jusqu'en juillet 2012, en échappant aux filets qui lui étaient tendus. Mission difficile s'il en est...

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Mort, le Saoudien Maged al-Maged, chef déclaré des Brigades Abdallah Azzam (groupe proche d'el-Qaëda), suscite une grande polémique régionale. Si le maintenir en vie pouvait probablement embarrasser les autorités libanaises, sa mort leur cause encore plus de soucis. D'autant que cette affaire complexe a poussé pour la première fois des responsables iraniens à s'en prendre directement à...

commentaires (5)

J'espere qu'il a fini par reveler certaines choses importantes avant de mourir....

Michele Aoun

19 h 22, le 08 janvier 2014

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Commentaires (5)

  • J'espere qu'il a fini par reveler certaines choses importantes avant de mourir....

    Michele Aoun

    19 h 22, le 08 janvier 2014

  • Lire... la suspicion ne peut QUE se transformer en certitude .... etc , merci .

    FRIK-A-FRAK

    14 h 34, le 08 janvier 2014

  • Sa mort est donc diplomatique plus que militaire ? Scarlett a l'honnêteté de nous dire tout ce qui peut etre dit est supputation ou rumeur , mais son parcours à cette canaille , armée bensaoudique , Irak , Syrie , Ain el Helwe , Ersal , et des payements en cash , nous donne des faisceaux d'indices qui ne trompent pas, si l'Iran avait des ramifications ou des influences à ces endroits cités , je pense que le bordel ambiant n'aurait pas autant duré . Surtout la lenteur avec laquelle la bensaoudie a réagi à son arrestation et au rapatriement du corps est chargé de points sur lesquels la suspicion ne peut pas se transformer en certitude que les ss bensaoudiques de bandar alliés au sionisme sont impliqués jusqu'au cou .Et rien qu'eux.

    FRIK-A-FRAK

    13 h 40, le 08 janvier 2014

  • Chercher chez vos amis a Damas et vous aurez toutes les réponses cher Mme.

    Pierre Hadjigeorgiou

    13 h 26, le 08 janvier 2014

  • Que peuvent bien nous importer des dires ou des ouï-dire qui contestent leur propre existence même, accompagnés en sus d’une déclaration d’incompétence ? Ce sont les mêmes raconteurs prolixes qui vont répondre. Ils expliquent comment il faut ouïr leurs prétentieux dires. Ils se bornent à balancer des fragments qu’ils laissent à la perspicacité des auditeurs le soin de juxtaposer et de relier, ce qui est la méthode la mieux appropriée à cette sorte de Propagande. Et même si on juxtapose et relie, ce n’est pas leur faute à ces auditeurs si leurs souhaits ne se transforment pas en couronne de roses. Ils déclarent ainsi qu’une partie qui répand des informations fausses sur la "résistancielle" et les Per(s)cés mollâhs, montre par là que ses intentions ne sont pas honnêtes ; et qu’il lui importe donc moins d’instruire et d’éclairer le peuple que d’atteindre d’autres objectifs. Si tel est leur avis, la "partie" en question ne peut avoir d’autre intention que d’atteindre ces objectifs qui ne tarderont pas d’ailleurs à se révéler. L’État libanais en plus, eh ben oui ; ouï-t-on encore dire, yâ hassirtihhh ; n’a pas seulement le droit, mais le devoir de couper court aux menées des bavards non qualifiés. Les raconteurs veulent parler ainsi des adversaires de leur opinion ; car depuis bien longtemps ils sont d’accord avec eux-mêmes sur ce point : ils sont, eux, des vrais bavards qualifiés.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 43, le 08 janvier 2014

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