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Liban - Séminaire

Geagea : Ceux qui prétendent avoir peur pour les chrétiens veulent prolonger le règne d’Assad

À Meerab, un débat qui rejette la théorie de l'alliance des minorités.

Le chef des FL a présidé hier la séance d’ouverture du congrès sur la présence chrétienne au Moyen-Orient. Photo Aldo Ayoub

Le séminaire sur les chrétiens au Liban et au Moyen-Orient, organisé au siège des Forces libanaises à Meerab, en partenariat avec l'association allemande Konrad Adenauer, a fourni les éléments conceptuels, pratiques et historiques, visant à réfuter la théorie de l'alliance des minorités en Orient.


L'idée véhiculée est simple : les sociétés arabes, « dont les chrétiens sont indissociables », réclament « un État civil pluraliste », c'est-à-dire respectueux de la liberté et de la dignité de l'individu, préceptes chrétiens par excellence. Opter pour le maintien des dictatures se prêterait donc à deux interprétations strictes : ce serait un choix visant, sciemment ou pas, à dénaturer la chrétienté ; ou bien la présence des chrétiens ne serait qu'un « outil politique » enrobé de peur, comme celle de la menace fondamentaliste, « une peur entretenue par les mêmes dictatures qui se disent garantes des droits des minorités », comme l'ont répété hier les intervenants, en s'attardant sur le cas de la Syrie. Surmonter ces appréhensions, nées en partie des « politiques d'intimidation », ferait donc partie du combat mené par chaque individu arabe dans son émancipation qui vient à peine d'être amorcée.

Maaloula comme Alep
Dans son allocution d'ouverture, le président des Forces libanaises Samir Geagea a déclaré que « protéger les chrétiens ne signifie pas trouver refuge à l'ombre des dictatures ». Rallier les chrétiens aux dictatures ne serait qu'un « étroit usage politique », qui signerait « notre disparition, au lieu de favoriser notre évolution ».


Transposant cette approche sur la crise syrienne, Samir Geagea a critiqué « l'intégration d'un sujet aussi important et délicat que celui de la présence des chrétiens en Orient dans la politique étroite, d'autant que cette démarche vise uniquement à prolonger la durée du régime de Bachar el-Assad, en le présentant comme le protecteur des minorités ».


Il a stigmatisé les discours « formulés sur un ton dramatique par certains politiques, lorsqu'il s'agit d'atteinte contre des chrétiens, comme cela a été le cas à Maaloula ». « Ce qu'a subi Maaloula s'était produit à Homs, Halba, Daraa et la plupart des grandes villes syriennes », a rappelé M. Geagea. Mais cette réalité est occultée par « ceux qui tentent d'incorporer au conflit syrien une dimension confessionnelle », a-t-il relevé, qualifiant cette approche de « falsification de l'histoire ». « Le conflit en Syrie n'est pas contre les chrétiens, mais s'inscrit dans une marche évolutive de l'histoire », a-t-il souligné.
Au lieu de « nous réfugier à l'ombre de dictatures et disparaître », il est nécessaire de « demeurer honnêtes envers nous-mêmes, de ressentir les tourments des sociétés orientales et d'être le fer de lance de leurs causes. Nul besoin de protection ni de garanties, de quelque partie que ce soit ».


Il ne s'agirait donc pas d'une alliance motivée par la peur, mais d'un appui naturel à une cause indissociable de la liberté humaine, essence du christianisme. Corroborant cette approche, il a souligné qu'« en Syrie, la principale revendication des pôles de la révolution syrienne est l'édification d'un État civil et pluraliste ».

L'État civil, revendication de Bkerké
D'ailleurs, la demande de l'édification d'un État civil au Liban, comme l'a souligné de son côté le coordinateur du 14 Mars, Farès Souhaid, dans son intervention, « avait émané du synode patriarcal en 2006, et ne se trouve dans aucune des chartes fondatrices des partis politiques libanais à vocation laïque ».
« L'État du vivre ensemble ne peut être qu'un État civil », celui-ci étant à la fois une reconnaissance et une transcendance des appartenances confessionnelles. Et l'État civil serait « un aboutissement inévitable du printemps arabe, qui a exalté la capacité de l'individu citoyen à contribuer activement à l'espace public », a déclaré M. Souhaid. « Cette idée, substantielle, épargnerait au Liban beaucoup de violence », a souligné le coordinateur du secrétariat général du 14 Mars, préconisant, comme substitut à l'alliance des minorités, une dynamique citoyenne.
Endosser cette approche civile libérerait le Liban du fanatisme, « qui n'est pas une fatalité », comme l'a démontré pour sa part l'ancien député Moustapha Allouche. D'ailleurs, le Liban est « la somme de 18 vérités », dont la pérennité ne saurait se dissocier de la modération, a-t-il souligné.

L'humanisme chrétien
La corrélation entre la citoyenneté active pour un État de droit et l'humanisme chrétien, terrain d'émancipation de l'être, a été soulevée par plusieurs dignitaires religieux.
Le père Maroun Audi, chercheur en théologie islamique, a stigmatisé « la vie dans la peur de l'ouverture », et a rappelé que la dignité humaine valorisée dans les textes saints est le fil conducteur de la lutte citoyenne. « Les chrétiens d'Orient portent le legs du pacifisme », a déclaré quant à lui le père Michel Sabeh.
Retraçant pour sa part l'évolution historique des coptes en Égypte, le père Samir Khalil Samir a déclaré que « jamais nous n'avons été désignés comme des minorités. Le mélange est tel que certains se présentent comme coptes musulmans ». Rejetant tout propos sur « une guerre des nombres », il a relevé que « notre mission est de diffuser notre culture, non par prosélytisme chrétien, mais pour contribuer à ancrer l'humanisme dans notre société ».

Brok reprend les appels de Sleiman
Dans ce sens, « l'entité politique libanaise pourrait servir de modèle pour la région, et l'appartenance libanaise ne contredit pas l'arabité », comme l'a relevé Antoine Habchi, directeur de l'académie des Forces libanaises.
Un modèle d'ailleurs valorisé par le député européen et membre de l'Union chrétienne démocrate d'Allemagne, Elmar Brok, en visite officielle au Liban, à la tête d'une délégation. Il a surtout appelé, sur le terrain politique, à immuniser ce modèle, non sans renvoyer dans ce cadre à « l'appel du président de la République à adopter la déclaration de Baabda et à former un gouvernement », un appel en harmonie avec « le regard de l'arbitre juste que pose l'Union européenne sur la région ».
Il a fait remarquer en outre que « l'afflux grandissant de réfugiés est un indicateur clair de la peur pour tous les peuples de la région et non seulement pour les chrétiens ».
« Mon souhait est que les Libanais appliquent leur Constitution et dépouillent les terroristes de leurs armes », a-t-il affirmé.


Pour le chercheur Mohammad Ali Mokalled, « il est certain que l'appui à la révolution syrienne, contre la dictature des fondamentalistes – puisque le régime couve les fondamentalistes –, protégera les chrétiens et les musulmans d'un ennemi commun, qui est la tyrannie ».
Dans ce sens, le député Marwan Hamadé a appelé à ne pas « mélanger le takfirisme – qui rappelle d'ailleurs le christianisme de l'Europe médiévale – avec l'islam politique, proche des démocraties chrétiennes d'Europe, ni avec l'islam arabe modéré ». Dans ce schéma, la seule dynamique à même de briser l'alliance des minorités serait « l'alliance arabe, l'alliance des majorités », qui rejoindrait d'ailleurs, entre autres, « la conscience chrétienne ».
Il s'agirait en effet d'une alliance pour les principes, « pour les priorités », comme l'a indiqué le journaliste Élias Zoghbi, présent dans l'assistance.
Si le sociologue Akram Succaria a préféré le terme de « diversité culturelle » à celui de « pluralisme », pour la valeur qu'il accorde aux nuances de chaque culture, le président de l'association Konrad Adenauer, Peter Rimmele, a écarté, expérience à l'appui, toute perspective d'un « avenir politique sans considération de la diversité ». En dehors de cela, il serait impossible aux soulèvements arabes d'aboutir à un projet viable, quand bien même « ils pourraient raviver à l'heure actuelle les différences », a-t-il conclu.

 

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Le séminaire sur les chrétiens au Liban et au Moyen-Orient, organisé au siège des Forces libanaises à Meerab, en partenariat avec l'association allemande Konrad Adenauer, a fourni les éléments conceptuels, pratiques et historiques, visant à réfuter la théorie de l'alliance des minorités en Orient.
L'idée véhiculée est simple : les sociétés arabes, « dont les chrétiens sont...
commentaires (5)

Avec le takfirisme politique qui triomphe dans presque touts les pays arabes , on voit mal comment cette minorité chrétienne qui diminue en nombre dramatique et en plus elle est divisée peut subsister encore et survivre avec tout ce fanatisme fou .

Sabbagha Antoine

14 h 09, le 21 décembre 2013

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Commentaires (5)

  • Avec le takfirisme politique qui triomphe dans presque touts les pays arabes , on voit mal comment cette minorité chrétienne qui diminue en nombre dramatique et en plus elle est divisée peut subsister encore et survivre avec tout ce fanatisme fou .

    Sabbagha Antoine

    14 h 09, le 21 décembre 2013

  • Vous croyez que dans la "nouvelle Syrie" les chrétiens auront leurs mots à dire. il faut voir comment sont traités les chrétiens dans les autres pays musulmans. Se sont des citoyens de seconde zone, et même pire. Et puis les chrétiens libanais qui critiquent se sont les mêmes qui se sont alliés avec israel, pendant la guerre, et ont aussi tués, torturés et massacrés

    Talaat Dominique

    10 h 46, le 21 décembre 2013

  • Lui , Geagix est tombe dedans quand il etait petit , je parle de la potion magix couleur noire petrol , mais le commun des mortels Xtiens ou de la minorite n'a pas eu cette chance , donc il devra faire comme tout le village phenicien pour survivre , sinon ce que nous dit Geagix c'est suicidaire et surtout tellement inconscient !!

    FRIK-A-FRAK

    09 h 53, le 21 décembre 2013

  • NE MÉLANGEONS PAS : RALLIER LIBREMENT LES DICTATURES EST UNE CHOSE... ET LE FAIRE POUR SE PROTÉGER DES ENRAGÉS POUR QUI LE SANG CHRÉTIEN EST HALAL EST UNE AUTRE CHOSE... QUAND ON NE RISQUE PAS DE VOIR SA FAMILLE EXTERMINÉE ON A LE CHOIX, SINON L'OBLIGATION...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 35, le 21 décembre 2013

  • Tandis que dans les pays et chez les peuples Modernes et Développés, le problème essentiel se pose déjà sous la forme Développement politique ou pouvoir de la Société sur la religion, il se pose encore au Liban sous la forme étriquée Arriération conFessionnelle ou pouvoir de la religion sur la Pensée ! Il s'agit donc, chez les Modernes et Développés, d'abolir Confessionnalisme qui a été poussé jusqu'à ses dernières conséquences ; et il s'agit ici au Liban d'aller jusqu'aux dernières conséquences de ce même confessionnalisme. Là, il s'agit de la Solution, ici il ne s'agit encore que de la Collision. Et on voit ainsi suffisamment, sous quelle forme pathétique ces problèmes Modernes se posent encore au Liban ; et ceci montre bien que cette Histoire éhhh libanaise, semblable à une jeune recrue ébaubie, paumée et pâmée, n'a eu jusqu'ici que la tâche de ressasser des Typiques histoires libanaises Campagnardes parfaitement et tout à fait.... banales !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 56, le 21 décembre 2013

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