Les fronts de Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen, à Tripoli, se sont de nouveau embrasés, durant le week-end, faisant au moins 9 morts et plusieurs dizaines de blessés, un bilan qui devrait être corrigé à la hausse, puisqu'on indique de sources sécuritaires que les affrontements pourraient avoir fait au moins cinq morts de plus : trois civils libanais ainsi qu'un Palestinien et un Syrien. Pour sa part, l'armée, souvent prise entre deux feux, a annoncé avoir eu 7 blessés en deux jours.
La situation a été jugée suffisamment grave, hier soir, pour que toutes les écoles de Tripoli décident de rester fermées aujourd'hui, ainsi que la plupart des branches de l'Université libanaise. En effet, à la tombée de la nuit, dans des quartiers privés d'électricité et illuminés de temps à autre par des fusées éclairantes, des dizaines d'obus de mortier ont été échangés.
« Tripoli est à découvert », a averti hier le patriarche maronite Béchara Raï. Comme pour illustrer cet avertissement, des combattants cagoulés se promettaient hier d'abattre désormais les Alaouites qui se hasarderaient hors de leur quartier et non plus de se contenter de leur tirer des balles dans les jambes. La montée de la haine sectaire a désormais quelque chose d'effrayant qu'aucun effort officiel ne parvient à enrayer, comme devait l'admettre Nagib Mikati.
La violence avait repris, samedi, à la suite d'un tir qui a blessé aux jambes un habitant de Jabal Mohsen. Aussitôt la nouvelle propagée, les tireurs embusqués de Jabal Mohsen sont entrés en action sur tous les axes, prenant par surprise une population civile qui vaquait à ses occupations quotidiennes.
Cette flambée de violence devait faire six morts en quelques heures, dont un élève du primaire, Omar Haswani (7 ans), un adolescent, Misbah Merheb (16 ans), une femme, Ramzié Zohbi, et un septuagénaire, Mahmoud Cheikh Hussein (70 ans), mort d'une crise cardiaque après avoir été frôlé par une balle. Toutes les victimes sont tombées du côté de Bab el-Tebbaneh, pris au dépourvu.
Une affolante cohue a accompagné cette flambée, dont les effets se sont fait sentir loin des axes de combats proprement dits. Commerçants fermant boutique, parents paniqués venus prendre leurs enfants, civils fuyant les zones de tirs (rendues indistinctes par l'écho des rafales) ont provoqué d'inextricables embouteillages, qui ont compliqué la tâche de l'armée. Celle-ci a eu ce jour-là quatre blessés, dont un lieutenant atteint grièvement au cou.
Comme d'habitude, la troupe a répondu avec mesure, ciblant les sources de tirs, mais ne s'aventurant pas à des ripostes dures, de crainte de faire des blessés dans les rangs de la population civile. A ce jour, aucun incident de ce genre n'a été enregistré.
Les tirs ont notamment pris au piège les élèves de l'école al-Lokman, dont les élèves ont été évacués à bord de VTT. L'armée a évacué l'établissement scolaire après le décès de l'un des élèves. Les autres établissements scolaires de Tripoli l'ont imitée.
Les tirs d'hier ont fait au moins trois tués. Selon une source de sécurité, un tireur embusqué a abattu deux hommes qui circulaient à bord d'un camion dans le quartier de Bab el-Tebbaneh et un soldat en permission, qui circulait en tenue civile, mais le bilan devrait sans doute s'alourdir. En outre, on annonçait de source militaire que l'un des chefs de secteur de Bab el-Tebbaneh, Hatem Janzarli, proche d'Achraf Rifi, ancien directeur général des FSI, a été arrêté.
18e round de violences
Cet embrasement, le 18e depuis mars 2011 et le début du soulèvement en Syrie, s'est poursuivi durant la nuit et la journée d'hier, contrairement à ce qui se passait auparavant, où des périodes de calme ponctuaient la journée.
Hier soir, des appels émanant des mosquées de Bab el-Tebbaneh et de lieux de culte à Jabal Mohsen appelaient la population civile des deux quartiers à descendre dans les étages inférieurs.
En soirée, une forte explosion s'est fait entendre à Jabal Mohsen, entraînant l'effondrement de trois des cinq étages d'un immeuble, très probablement dynamité.
Aux accusations lancées par les combattants de Bab el-Tebbaneh, le Hezbollah a répondu en assurant qu'aucun de ses miliciens ne se battait aux côtés des hommes de Ali Eid, à Jabal Mohsen.
(Pour mémoire : À Tripoli, la chasse... à « l'homme alaouite » a commencé)
Réunion sécuritaire
Comme à chaque flambée, les principaux responsables politiques se sont réunis pour examiner la gravité de la situation et prendre les mesures nécessaires pour rétablir le calme. C'est ainsi qu'une réunion s'est tenue dans la discrétion au domicile du Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati à Tripoli, en présence du ministre de l'Intérieur, Marwan Charbel, et d'un certain nombre de notables et de responsables politiques locaux.
La réunion n'a rien donné de concret et l'on sait à l'avance qu'elle n'aura aucun effet à long terme. Un plan de sécurité ne saurait être imposé aux deux quartiers ennemis, tant que le pouvoir judiciaire et l'exécutif ne joignent pas leurs efforts pour décider d'interpeller, sinon arrêter, les auteurs des attentats contre les deux mosquées de Tripoli, qui ont fait en août dernier 42 morts et des dizaines de blessés.
L'action terroriste, a-t-on établi, avait été commanditée par le PAD, dont le chef, Ali Eid, refuse de répondre aux convocations du juge d'instruction.
Drapeaux
Les tensions s'étaient aggravées jeudi, après que des drapeaux syriens eurent été hissés à Jabal Mohsen qui surplombe Bab el-Tebbaneh. En réponse, des drapeaux de la rébellion syrienne y ont été hissés aussi. Le jour même, des hommes armés ont blessé par balles, à Tripoli, quatre ouvriers de confession alaouite, suscitant la colère dans les milieux alaouites.
La population de Tripoli est, rappelle-t-on, composée à 80 % de sunnites et 11 % d'alaouites, et les tensions entre les deux communautés sont attisées par le conflit syrien.
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commentaires (4)
ON PARLE DES TRIPOLITAINS EN GÉNÉRAL SANS SAVOIR QUE LA VILLE COMPTE 500.000 HABITANTS, ET SANS SAVOIR QUE LA RIVALITÉ ENTRE JABAL MOHSEN ET BAB EL TEBBANEH EST VIEILLE D'AU MOINS TROIS DÉCENNIES. IL EST BIEN SÛR VRAI QUE LA POLITIQUE A EXACERBÉ CETTE VIEILLE RIVALITÉ. AUSSI À NOTER QUE DES ÉTRANGERS, DES DEUX CÔTÉS, ONT UN ACCÈS LIBRE DANS LA VILLE DERNIÈREMENT EN GRAND NOMBRE. DONC IL NE FAUT PAS CRIER HARO SUR LES TRIPOLITAINS MAIS DEMANDER À L'ETAT DE S'IMPOSER ÉQUITABLEMENT PARTOUT. JE GARANTI QUE LES TRIPOLITAINS SONT AUSSI LIBANAIS QUE LES AUTRES LIBANAIS !
LA LIBRE EXPRESSION
16 h 06, le 02 décembre 2013