C'est désormais un fait avéré. Le président de la Chambre, Nabih Berry, qui fut des années durant le principal allié de la Syrie au Liban et prenait soin constamment d'inclure Damas dans toutes les recettes en préparation pour le pays du Cèdre, ne jure plus que par l'entente saoudo-iranienne. Elle seule, à ses yeux, peut aujourd'hui débloquer la situation politique dans ce pays et y calmer un tant soit peu le jeu.
Mais au stade actuel, cette entente demeure un vœu pieux, même si l'accord conclu entre Téhéran et l'Occident sur le dossier du nucléaire permet une évolution dans la bonne direction.
Interrogé par L'Orient-Le Jour, le chef du bloc parlementaire du Futur, Fouad Siniora, qui a rencontré hier M. Berry après le voyage effectué par ce dernier à Téhéran, souligne que l'accord sur le nucléaire a pour effet de réintégrer l'Iran au sein de la communauté internationale, ce qui est en soi un bon début.
Nonobstant les cris de victoire entendus dans les milieux libanais proches de l'axe irano-syrien, cette réintégration a bien sûr un prix et ce prix est l'abandon clair et net par Téhéran de son rêve atomique, du moins dans son volet militaire.
Mais M. Siniora concède que l'accord ne porte pour l'instant que sur la question du nucléaire et que l'autre volet fondamental pour la région, représenté par la problématique des relations irano-arabes, n'a pas été abordé. D'où la nécessité, à ses yeux, pour l'Iran de prendre une décision à ce niveau ; et, en face, pour les Arabes, d'adopter une position unifiée afin d'entamer le dialogue avec Téhéran.
Sur le plan strictement libanais, l'ancien Premier ministre souligne que son entrevue avec M. Berry, la quatrième ces derniers mois, entre dans le cadre d'une décision de maintien des contacts entre eux en dépit des blocages ambiants.
« Nous tentons d'élargir les espaces communs », affirme-t-il, soulignant que le climat de la rencontre, tout comme dans le cas des précédentes entrevues, est « positif ». Mais M. Siniora reste lucide. Il ne voit guère d'issue proche à la crise politique et il s'attend à ce que les six prochains moins soient une période d'attentisme.
Le drame, c'est que ce n'est guère d'une attente sereine qu'il s'agira nécessairement. Le dix-huitième round d'affrontements meurtriers ces jours derniers à Tripoli montre bien que les abcès de fixation du conflit syrien en territoire libanais continueront de saigner, au moins tant que ce conflit perdurera.
Et puis dans l'intervalle, il y a l'échéance présidentielle, menacée elle aussi de blocage, au même titre que la formation du gouvernement et la reprise de la vie parlementaire. Une délégation du Futur avait abordé le sujet de l'élection présidentielle la semaine dernière à Bkerké et M. Siniora doit poursuivre dans les jours qui viennent la concertation avec le patriarche Béchara Raï. Mais l'ex-Premier ministre souligne qu'on n'en est encore qu'aux prémisses, et certainement pas au stade des noms.
Pour en revenir à M. Berry, tout porte à croire qu'il est pleinement engagé à l'heure actuelle dans des efforts visant à favoriser un rapprochement salutaire entre Riyad et Téhéran. Des informations concordantes mais non vérifiées font état d'une visite qu'effectuerait prochainement le président de la Chambre en Arabie saoudite. Certes, si cette visite a lieu, il ne saura être question pour lui de jouer les médiateurs, un rôle qu'un John Kerry, pas moins, peut tenir à ce stade. En revanche, une telle visite pourrait contribuer à briser la glace dans le cadre d'un processus visant à remettre les relations sunnito-chiites sur les rails.
Pour nombre d'observateurs, le voyage de M. Berry en Iran au lendemain même de la conclusion de l'accord sur le nucléaire suggère que le président de la Chambre est appelé désormais à jouer un rôle important dans ce cadre. Ce n'est pas Hassan Nasrallah, l'allié, qui s'est rendu à Téhéran après l'accord, c'est Nabih Berry, l'allié de l'allié – et qui fut longtemps le rival.
Pour la diplomatie iranienne, la période qui s'ouvre est donc celle du recours au chiite « modéré » autant ou même plus qu'au chiite « extrémiste ». Le second renforce certes la position de Téhéran à la table des négociations. Mais seul le premier peut servir de passerelle en direction de la partie adverse.
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commentaires (3)
On aura beau dire tout ce qu'on veut de berrynard, mais il est l'homme des situations perilleuses, le funambule par excellence qui avance pas a pas, orteil par orteil. Il est la perche que tient l'Iran pour atteindre la psycho-rigidite bensaoudique , mais ne surestimons pas les decisions des democraties du desert, elles sont sur le siege arriere et si elles ne se conforment pas aux ordres du patron , une trappe les fera glisser dans le coffre avant d'etre evacuees, bandarisees... quoi !!!
FRIK-A-FRAK
14 h 05, le 02 décembre 2013