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Hommage à Abdallah Ramez Ghazzaoui

À mon oncle
Quand on est aussi peiné, l'on préfère souvent rentrer en soi.
L'on craint que les mots ne soient pas assez parlants.
L'on appréhende que si peu de lignes trahissent tant d'années.
L'on a peur de trouver soudain plus beau que la réalité celui qui n'est plus.
Mais comment pourrais-je ne pas lui parler pour une dernière fois?
Khalo,
Deux petites syllabes qui en disent long.
Tu étais malade il est vrai, mais tu es aussi mort de chagrin n'ayant pu survivre à ta moitié, partie il y a si peu de temps encore.
Tu avais cette intelligence remarquable, ce bagage étonnant, cet œil vif et critique. Tu étais mon repère, ma référence. Depuis enfant, je me surprenais en train de me dire à chaque fois que j'achoppais sur un sujet « je vais demander à mon oncle, il saura sûrement me répondre ». Désormais, je devrais faire sans. Sans ces mots exquis que tu m'écrivais à chaque anniversaire. Sans nos ententes à demi-mot, sans ta façon adorable de répéter quand tu étais excédé : Mais quelles histoires au pluriel !
Tu étais « quelqu'un de bien », un « khaweja », comme l'exprime si bien la langue arabe. Tu avais hélas placé la barre bien haut, tu voulais révolutionner le monde, donner des leçons de politesse à tout le quartier, tu parlais sans tarir de sens civique, de morale, d'éthique, de droiture, refusant de quitter tes shorts et ton totem de président du scoutisme et leurs idéaux et d'admettre que le monde a bien changé depuis.
Tu ponctuais la plupart de tes phrases de traits d'humour que l'on comprenait à retardement tellement tu étais fin et pince-sans-rire.
Mon khalo, tu avais des mains qui m'inspiraient une telle confiance ! Des mains qui me fascinaient lorsqu'elles dansaient alliance au doigt pendant que tu parlais en trouvant toujours le mot juste.
Tu as été agent de Barco à tes débuts à Bab Idriss, nous étions donc parmi les tout premiers à avoir une TV couleur, il fallait nous voir sauter de joie comme des lutins autour de toi, le jour où débarqua chez nous ce feu d'artifice !
Tu avais « ce je-ne-sais-quoi » tellement propre aux Ghazzaoui, cette pureté, cette authenticité, ce profil bas pourtant si élégant, cette façon de continuer à t'émerveiller de tout, et cette larme qui montait quand tu écoutais Blue Spanish Eye, ta chanson préférée.
Et puis, et puis... tu cachais comme un gosse des chocolats près de ton lit pour que tu puisses les manger sans être chopé... faudra faire gaffe aux abus là-haut, préserver ta santé pour le jour où je viendrai me précipiter dans tes bras et te dire, et te redire encore, que je n'ai pas cessé un seul jour de t'aimer.

Lina SINNO

À mon oncleQuand on est aussi peiné, l'on préfère souvent rentrer en soi.L'on craint que les mots ne soient pas assez parlants.L'on appréhende que si peu de lignes trahissent tant d'années.L'on a peur de trouver soudain plus beau que la réalité celui qui n'est plus.Mais comment pourrais-je ne pas lui parler pour une dernière fois?Khalo,Deux petites syllabes qui en disent long.Tu étais...