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Un défi majeur pour les pays du M-O : assurer la sécurité hydro-politique des populations - Développement

Un défi majeur pour les pays du M-O : assurer la sécurité hydro-politique des populations

L’eau se raréfie à l’échelle mondiale. Au Moyen-Orient, ce phénomène risque de déclencher de nouvelles guerres ou, au contraire, être un facteur de paix en fonction de la gestion des ressources hydrauliques.

Israël ne permettrait pas au Liban d’édifier des barrages sur le Litani.

Le changement climatique et la croissance démographique s’accentuant au Moyen-Orient, l’eau est incontestablement l’un des défis les plus inquiétants du XXIe siècle. Sa mauvaise gestion à l’échelle régionale risque de mener à des guerres. Les accords et les traités signés dans ce domaine ont prouvé qu’ils ne sont pas à l’épreuve du temps, voire qu’ils ne tiendront pas face à un conflit autour de l’eau.


Cet élément est si précieux, si vital qu’il n’a pas cessé de faire, défaire et refaire les frontières, parfois sur base de décisions de l’ONU mais le plus souvent par les la force des armes. C’est son importance pour l’agriculture dans tous les pays du Moyen-Orient qui compte dans la mesure où 85 % de l’eau douce est utilisée à des fins agricoles. Sauf qu’une augmentation de la température de la terre de 1ºC dans un proche avenir va entraîner un accroissement de 10 % de la demande en eau pour irriguer les terres agricoles.


Selon l’étude menée par l’Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en 2008 sur ce sujet, le coût économique moyen des changements climatiques actuels au Moyen-Orient sera équivalent à une perte d’environ 1,9 % du PIB et pourra atteindre 3,5 % dans des conditions de sécheresse extrême à cause des menaces sur les villes côtières. Ce phénomène pousserait les États à importer plus de nourriture. Aussi, les pays de la région du Moyen-Orient se doivent de s’engager dès à présent à résoudre le problème de l’eau de façon équitable afin d’assurer la sécurité hydro-politique de leurs populations. Le Liban n’est pas à l’abri des secousses qui pourraient résulter d’un conflit régional autour de l’eau, d’autant que ces ressources sont convoitées par Israël qui verrait d’un mauvais œil la construction de barrages au niveau du Litani.


Dans ce cadre, il serait intéressant de relever que 68 % de l’eau consommée en Israël (ce qui équivaut à 1 million de mètres cubes par an) vient de l’extérieur de ses frontières actuelles. Les sources d’eau israéliennes se répartissent comme suit : 28 % en provenance du mont Hermon occupé-Liban, 25 % de la Cisjordanie palestinienne et 15 % de la bande de gaza ; en plus de son exploitation de 80 % des bassins hydriques partagés avec les Palestiniens.
Les chiffres suivants expliquent les raisons pour lesquelles la question de l’eau devrait être intégrée dans les fichiers de négociations bilatérales et multilatérales entre Israël et les pays arabes avoisinants : l’invasion du Liban par Israël en 1982 a permis à cet État d’acquérir une grande quantité d’eau douce du fleuve Litani. Celle-ci équivaut à 150 millions m3/an afin d’irriguer 25 000 hectares et d’accueillir environ 1 million de migrants au nord d’Israël. De plus, Israël aurait utilisé des canaux souterrains pour convertir une partie du fleuve Wazzani au Liban-Sud vers les régions agricoles du nord d’Israël. La construction de barrages sur le fleuve du Litani irait ainsi incontestablement à l’encontre des intérêts économiques de l’État hébreu.

 


Le problème du Jourdain
La consommation annuelle d’eau par habitant palestinien (pour les usages domestique, industriel et agricole) est d’environ 80 mètres cubes, comparée à 323 mètres cubes par habitant israélien, soit quatre fois plus. Parallèlement, la consommation de l’eau par habitant jordanien ne dépasse pas 150 m3/an, ce qui place le royaume hachémite parmi les dix premiers pays les plus pauvres en eau dans le monde, bien qu’il soit riverain du Jourdain.


Mais celui-ci souffre d’un problème de surexploitation qui le rend vulnérable. À l’extraction excessive de l’eau, la forte pollution de son cours et sa salinisation durant les années de sécheresse, il faut ajouter le problème du détournement des eaux par les Israéliens. La construction d’un grand nombre de barrages par l’État hébreu sur le Jourdain a fait que son eau a été convertie aux besoins de l’irrigation agricole en Israël. Son écoulement naturel a été arrêté de façon dramatique de sorte que 5 à 20  % uniquement de l’eau courante se verse dans la mer Morte. Son débit annuel qui a diminué de 1,3 milliard m3 dans les années dernières a régressé à 30 millions m3 à l’heure actuelle. Ce phénomène a des conséquences politiques, sociales et environnementales graves, parmi lesquelles la formation des trous de drainage et l’abaissement du niveau de la mer Morte.


Israël exploite aussi la rivière de Yarmouk (le principal affluent du Jourdain) en provenance du Golan pour des fins de production d’énergie électrique. La partie syrienne du Yarmouk est en outre convertie par Israël pour desservir le lac de Tibériade. Conformément au traité de paix jordano-israélien de 1994, une partie du Jourdain est répartie entre les deux pays d’une façon inégale dans la mesure où Tel-Aviv exploite entre autres les réservoirs de la région du Ghor jordanien qui se remplissent pendant l’hiver.

*Rania Bou Kheir est professeure à l’Université libanaise en télédétection et environnement, lauréate du prix de la Francophonie pour jeunes chercheurs en 2011, habilitée à diriger des recherches par l’Université Pierre et Marie Curie, Paris XI, qualifiée professeure par le ministère français de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.


 

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