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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Le grand balancier

Un jour au Caire et l’autre à Riyad, un bref intermède à Varsovie et dès ce matin Jérusalem et Ramallah, tout cela en prélude à une tournée-éclair en Afrique du Nord : il est clair que John Kerry fait des heures supplémentaires, et aussi qu’il ne redoute pas trop le jet lag. Mais tant de remue-ménage est-il vaiment, pour la diplomatie américaine, signe de santé ?

Oui, est-on tenté de répondre, au spectacle d’une administration Obama tendant la main à ses vieux ennemis. Non, dira-t-on plutôt, en voyant tout le mal qu’elle se donne pour rasséréner, sinon reprendre en main, ses non moins vieux alliés. Pour justifiable qu’elle soit par la nécessité de traiter pacifiquement le brûlant dossier du nucléaire iranien, l’ouverture sur l’Iran de Hassan Rohani n’a pas fait que des heureux ; et le moins heureux de tous est certes l’Arabie saoudite, qui en redoute en effet un surcroît d’influence de Téhéran dans la région du Golfe.

Il en va de même d’ailleurs pour l’accord russo-américain, aux termes duquel Washington renonçait à lancer des frappes militaires contre la Syrie qui, de son côté, acceptait de se défaire de son arsenal chimique. Pour manifester son mécontentement du deal survenu le mois dernier entre les deux puissances, le royaume saoudite était allé jusqu’à refuser le siège de membre non permanent qui lui était offert au Conseil de sécurité de l’ONU. Et c’est avec des sourires littéralement forcés que Saoudiens et Américains viennent de réaffirmer la cohésion d’un couple que commandent, malgré les accidents de parcours, toutes sortes de
considérations.

Non moins acrobatique cependant aura été l’assainissement des rapports US avec cet autre allié immuable qu’est l’Égypte. Des décennies durant, et tout en prêchant la démocratie, l’Amérique a soutenu sans trop d’états d’âme la dictature de Hosni Moubarak. Elle a réservé un accueil des plus favorables à cette véritable première qu’était l’élection du président islamiste Mohammad Morsi. Et elle n’a pas fait secret de ses appréhensions et réserves lors de la destitution de celui-ci, en venant à geler partiellement son assistance à l’Égypte. Or voilà que par l’ironie d’un agenda très serré, c’est à la veille même de l’ouverture du procès Morsi que John Kerry débarque au Caire pour rétablir les ponts avec les nouveaux maîtres du pays. En estimant que le programme de démocratisation était mis en œuvre, c’est en définitive une amorce de satisfecit que John Kerry a délivrée à l’ami et partenaire égyptien désormais incarné, bien qu’en coulisse, par l’implacable général Abdel-Fattah al-Sissi.

Ces savantes contorsions sont l’inévitable conséquence d’une politique étrangère erratique, toute en dents de scie : une politique qui vient de se trouver encore fragilisée, au sein même du camp occidental, par l’affaire des écoutes électroniques auxquelles se livre, à l’échelle mondiale, l’Agence de sécurité nationale américaine. C’est en antithèse de George W. Bush, en adversaire de toute aventure militaire, que s’était posé – et que fut élu, puis réélu – Barack Obama. C’était tout à son honneur, bien sûr. Mais pour une Amérique assagie et invariablement jalouse néanmoins de son leadership mondial, il ne suffisait pas de remplacer les GI’s par des drones. Ni de prétendre à un rôle de justicier en Syrie pour finir par paraître absoudre les criminels. Au motif de bonne conduite.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb
Un jour au Caire et l’autre à Riyad, un bref intermède à Varsovie et dès ce matin Jérusalem et Ramallah, tout cela en prélude à une tournée-éclair en Afrique du Nord : il est clair que John Kerry fait des heures supplémentaires, et aussi qu’il ne redoute pas trop le jet lag. Mais tant de remue-ménage est-il vaiment, pour la diplomatie américaine, signe de santé ?Oui,...

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