En dépit des efforts du Hezbollah visant à inverser le rapport de forces actuel au plan libanais en sa faveur, en s’appuyant sur l’ouverture américaine en direction de l’Iran et ses retombées à l’échelle régionale, le 14 Mars refuse net de faire des concessions, notamment sur la question du nouveau cabinet.
Des sources politiques du camp souverainiste qui ont rencontré l’ancien Premier ministre Saad Hariri à Paris font état dans ce sens d’un regain de détermination du courant du Futur pour contrer la dynamique interne du Hezbollah, sans guère se laisser impressionner par la rhétorique sur « la victoire et la défaite » en Syrie, utilisée par le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, lors de sa dernière prestation télévisée. Une rhétorique qui, selon ces sources, constituerait bien plus une preuve de faiblesse que de puissance de la part du Hezbollah, comme l’atteste la volonté de Nasrallah d’endosser prestement les gains politiques au Liban de sa « victoire » virtuelle en Syrie, où ses combattants subissent des revers importants et comptent les morts, loin des fanfaronnades destinées au grand public local.
La logique de Nasrallah a certes trouvé un écho favorable chez le chef du Front de lutte nationale, Walid Joumblatt, qui constatait hier dans une déclaration à la presse « la victoire du Hezbollah » (et même d’Assad) en Syrie, laquelle ne saurait être, selon lui, reconnue au Liban dans l’équilibre des forces ministériel. En d’autres termes, Joumblatt a redit hier ce qu’il s’était déjà décidé à accepter lorsque le Hezbollah avait fait chuter Qousseir en présentant cette bataille comme celle de la « reconquista » en vue d’assiéger Alep – en l’occurrence l’octroi du tiers de blocage au Hezbollah. Ou plutôt ce qu’il s’était déjà résigné à subir depuis le 7 mai 2008 : tant que le Hezbollah est surarmé et que la politique américaine dans la région n’est pas agressive contre l’axe irano-syrien, il faut plier, sans casser.
Qu’à cela ne tienne, des sources proches du courant du Futur affirment ne pas être impressionnées outre mesure par les positions de Walid Joumblatt, qui, d’une part, souhaiterait selon elles continuer à jouer son rôle du décideur-équilibriste qu’il s’est assigné depuis un moment au pouvoir, et, de l’autre, ne voit toujours pas le régime syrien chuter aussi rapidement qu’il l’avait escompté. Sans pour autant basculer dans le sens inverse et reconnaître vraiment un retour en force du régime. En bref, Joumblatt jouerait la carte de l’attentisme flexible en attendant que le panorama régional se précise.
À en croire ses hôtes parisiens – le dernier en date étant le Premier ministre désigné Tammam Salam, qui l’a rencontré hier – Saad Hariri a donné ses consignes : pas de participation du courant du Futur à un cabinet où le Hezbollah bénéficierait du tiers de blocage, en vertu de la formule dite des « 6-9-9 ». Ce son de cloche a d’ailleurs été répercuté hier par deux des principaux artilleurs du Futur, l’ancien député Moustapha Allouche, qui s’exprimait, fait significatif, à partir de Meerab à l’issue d’une rencontre avec Samir Geagea, et le député Ahmad Fatfat. Les deux ont rejeté toute formation à l’ombre de l’attitude belliqueuse de Hassan Nasrallah, appelant ce dernier à « former un cabinet tout seul et à le présenter devant la Chambre pour obtenir la confiance ». « Nous ne sommes pas prêts à assurer une couverture à sa participation aux crimes qui sont commis en Syrie ni à légitimer les armes illégales qui constituent une menace réelle », a souligné Allouche, soulignant que les FL partagent ce point de vue, ainsi que le 14 Mars en général... Seuls les Kataëb caresseraient l’idée de participer au cabinet sur base de la formule des « 6-9-9 », non pas par égard pour cette formule, encore moins pour reconnaître une quelconque suprématie au Hezbollah, ou le principe du tiers de blocage, mais par souci de former un nouveau gouvernement et de ne pas laisser le pays s’engouffrer dans le piège du vide institutionnel à la veille de l’échéance présidentielle.
Souhaid
En fait, plus qu’un simple refus de l’octroi du tiers de blocage au Hezbollah, le courant du Futur a décidé de fonder sa participation au cabinet sur un certain nombre de principes : retrait par le parti chiite de ses combattants de Syrie, adoption par tous du principe de la neutralité du Liban vis-à-vis du conflit syrien et de la déclaration de Baabda comme déclaration ministérielle. Dans ce sens, le coordinateur général du 14 Mars, Farès Souhaid, a rappelé hier à l’issue de la réunion du secrétariat général à Achrafieh qu’au-delà des considérations régionales et des contingences diverses, « le 14 Mars continuera de réclamer le monopole de la violence légitime et, plus spécifiquement, de rejeter les milices qui échappent au contrôle de l’État ». « C’est une question de respect de la Constitution, de l’accord de Taëf et des résolutions internationales, notamment la 1559 et la 1701, sans oublier le Tribunal spécial pour le Liban », a ajouté l’ancien député de Jbeil, estimant qu’il s’agissait là « des constantes communes à l’ensemble du 14 Mars ». Farès Souhaid, qui fait partie des personnalités qui ont rencontré Saad Hariri à Paris, a également rejeté « les appels de Hassan Nasrallah à se soumettre au Hezbollah ». « S’il se considère vraiment comme victorieux, qu’il forme le cabinet qu’il juge opportun, sans prendre en considération l’existence d’autres forces », a-t-il lancé à l’adresse du chef du parti chiite, estimant que « ce qu’il nous propose, c’est un projet de reddition et non de partenariat ».
C’est dans ce contexte de blocage total qu’à l’appel de Nabih Berry, la commission parlementaire chargée de plancher sur la loi électorale a repris hier ses activités. Même si, de toute évidence, le cœur des différentes parties n’y est toujours pas.
Le 14 Mars refuse donc de céder du terrain au Hezbollah. Mais il ne s’agit pas de nouvelles bravades insensées, soulignent des sources proches du camp souverainiste. Car, hors du contexte de la propagande distillée par le Hezbollah, le parti chiite et son chef n’ont aucune raison de crier victoire, estiment-elles. Loin d’être ostracisée, et en dépit de l’ouverture iranienne, l’Arabie saoudite est actuellement en pourparlers avancés avec Washington pour trouver une solution à la crise syrienne, sur base de certains principes, dont le départ d’Assad. Cette solution devrait notamment permettre à l’Armée syrienne libre de faire le ménage dans ses rangs pour se débarrasser du boulet constitué par les différentes mouvances islamistes radicales. De plus, le sort du président syrien aurait déjà été scellé entre Moscou et Washington : le président syrien s’en ira, immanquablement. Il ne reste plus à savoir comment, dans le cadre de quelle formule. Quant au Hezbollah, il n’a plus d’autre choix, face à la « solution politique » dont Nasrallah reconnaît lui-même le caractère inéluctable en Syrie, que de retirer ses troupes de l’arène syrienne et de tenter de revenir, tant bien que mal, à de meilleurs sentiments avec les modérés de la communauté sunnite au Liban – après les avoir bien gentiment et méthodiquement laminés au cours des huit dernières années...
En guise de « victoire », on pourrait vraiment faire mieux.
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commentaires (7)
ET RIRA TOUJOURS... QUI RIRA LE DERNIER !
SAKR LOUBNAN
21 h 35, le 31 octobre 2013