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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Lisez bien Lakhdar...

Bachar el-Assad peut contribuer utilement à une transition du pouvoir, mais sans diriger celle-ci ; de paria, il est passé partenaire. Tel est l’atterrant mais fort réaliste constat que dressait, à la veille de sa mission de la dernière chance à Damas, Lakhdar Brahimi.

Anticipant les reproches des officiels syriens, l’envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe jugeait bon de signaler hier que certains passages de son interview à Jeune Afrique avaient souffert, en termes de précision, de la traduction qui en a été faite à la langue arabe, et qu’il convenait donc d’aborder ses propos dans leur intégralité. Aussitôt dit aussitôt fait : une simple visite au site Web du très sérieux hebdomadaire panafricain vous en dira long, dans un français plus que parfait, sur les sombres appréhensions que nourrit cet homme des médiations les plus délicates quant à l’évolution de la crise syrienne.

Le fait demeure que ces dernières semaines, le dictateur de Damas a remonté de plusieurs arpents la pente glissante, même s’il est loin d’être tiré d’affaire. Il a surtout réussi à tirer paradoxalement parti des situations les plus théoriquement défavorables. En lançant des gaz toxiques contre son peuple il commettait, croyait-on ainsi, un crime de trop, susceptible de lui attirer cette fois un châtiment exemplaire de la part des États-Unis. Ce ne fut là, bien au contraire, que l’occasion d’un accord russo-américain aux termes duquel le président syrien récupérait miraculeusement un semblant d’honorabilité en acceptant de se défaire de ses armements prohibés. L’octroi d’un prix Nobel à l’Organisation internationale contre les armes chimiques n’a fait en réalité que souligner, par ricochet, le noble sacrifice que venait de consentir l’amateur de sarin. Qui, s’il devait comparaître devant la justice internationale, mériterait bien, lui, un peu flatteur prix de chimie.

Non moins secourable – encore un paradoxe – aura été cette autre bouée de sauvetage que constituait, pour le régime baassiste, la jihadisation progressive, et même galopante, de la rébellion armée. Face à des combattants aussi puissamment motivés et résolus au martyre, Assad paraît incapable de gagner la guerre. Mais c’est bien grâce à l’épouvantail islamiste qu’il n’est pas en train de la perdre non plus. Car non seulement les extrémistes religieux en sont à croiser le fer avec leurs anciens compagnons de l’Armée syrienne libre, mais ils menacent d’exécuter les personnalités de l’opposition qui accepteraient de se rendre à la conférence de Genève 2. Celle-là même que s’évertue à préparer, sans trop se faire d’illusions semble-t-il, un Lakhdar Brahimi dont la plus angoissante des prédictions, abrégée dans les lignes qui suivent, reste encore celle-ci : personne ne peut gagner cette guerre, personne ne la gagnera ; plutôt que de partition, c’est de somalisation (le règne absolu du chaos) qu’est menacée la Syrie ; et le seul gagnant dans tous les cas de figure est Israël, sans que les Arabes s’en rendent seulement compte.

De tous les Arabes, ce reproche devrait viser en premier ceux qui font précisément commerce politique de la résistance à l’État hébreu. Et qui, au même prétexte, combattent aux côtés du tyran syrien, attirant sur le Liban les flammes du brasier syrien. Pari perdu, claironnait lundi le chef du Hezbollah à l’adresse du 14 Mars qui a misé sur la chute du régime Assad. Mieux que quiconque, Lakhdar Brahimi en sait assez pour lui retourner le compliment.

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Bachar el-Assad peut contribuer utilement à une transition du pouvoir, mais sans diriger celle-ci ; de paria, il est passé partenaire. Tel est l’atterrant mais fort réaliste constat que dressait, à la veille de sa mission de la dernière chance à Damas, Lakhdar Brahimi. Anticipant les reproches des officiels syriens, l’envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe jugeait bon de...
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