Sur le plateau tout noir, trois faisceaux de lumière tombant du plafond transpercent les vapeurs d’un hammam et jettent un éclairage clair-obscur sur les corps alanguis d’une douzaine de femmes, torses nus, taille et cheveux ceints d’une «fouta» (un bout de tissu). Nous sommes au bain, là où les intrigues se nouent et se dénouent. Le tableau est saisissant de beauté. Nimbé de vapeurs d’eau, il en devient irréel. Des bruits de tuyauterie d’eau se mélangent aux murmures et aux notes de musique diffuses. Les corps exécutent une lente danse, à même le sol, ils s’enroulent les uns sur les autres pour mieux se dérouler; ils s’enchevêtrent pour mieux se séparer. Divisés en deux groupes, de part et d’autre de la scène, les danseurs exécutent des mouvements synchronisés, qui se répondent comme à travers un miroir.
2e tableau: des hommes tout de noir vêtus, les visages encagoulés, envahissent la scène. La violence des gestes qu’ils miment contraste avec la sensualité de la scène précédente. C’est sur les notes orientales et la voix particulière de Natacha Altas que l’action se déroule.
Puis les danseuses, vêtues de robes rouges signées du styliste franco-tunisien Azzeddine Alaïa, juchées sur des «styletos» de 15 cm de haut, se déhanchent sur scène. Sont-elles des Shéhérazade libérées, ou les femmes qui seront sacrifiées à la folie d’un roi paranoïaque?
Les scènes déroulent toutes une esthétique très nette. Répétitives, autant dans la forme que dans le fond, elles finissent par engendrer un sentiment de lassitude, d’ennui.
Si les premiers tableaux échappent au cliché orientaliste, celui-ci s’impose, devenant incontournable, au fur et à mesure que le spectacle déroule ses séquences: hammam, chichas, arabesques ou moucharrabieh... autant de poncifs, d’éléments convenus pour parler d’Orient.
La présence d’artistes originaires du monde arabe qui ont collaboré à la musique (Natacha Atlas & Samy Bishai) et aux costumes (Azzeddine Alaïa) n’a en rien empêché le chorégraphe franco-albanais de signer une œuvre très personnelle, focalisant tout son propos sur l’aspect érotico-sensuel, loin des Mille et Une Nuits et des richesses imaginatives qui s’y déploient. Est-ce là une volonté d’Angelin Preljocaj de jouer sur le registre de la provocation, en dénonçant – à travers sa mise en chorégraphie d’une œuvre arabe (une des plus célèbres, qui plus est) – un monde arabe de plus en plus confit dans sa pudibonderie?
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