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À La Une - Liban

Première journée de liberté hier pour les ex-détenus de Aazaz

La banlieue sud de Beyrouth a célébré durant deux jours le retour de ses neuf fils détenus en Syrie durant plus d’un an et demi.

Le « merci » touchant des ex-otages au ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel.

Les neuf pèlerins chiites libérés de Aazaz se sont réveillés hier dans leurs domiciles, près de leurs proches, pour la première fois depuis près d’un an et demi. Dix-sept longs mois qu’ils avaient passés en captivité dans une Syrie en guerre, depuis ce 22 mai 2012 où ils avaient été enlevés alors qu’ils retournaient d’un pèlerinage en Iran par voie terrestre. Les familles des ex-détenus ont reçu hier pour la deuxième journée consécutive les félicitations pour le retour de leurs proches, sains et saufs, au bureau de la campagne « Badr el-Koubra », à Bir el-Abed, et à celui de la campagne « Sadr » à Hay es-Sellom. Les célébrations avaient duré jusqu’à l’aube la veille, après l’arrivée des pèlerins.


Si la plupart des détenus libérés paraissaient en relative bonne santé, l’un d’eux, Abbas Chouhaib, semble avoir été plus affecté que d’autres physiquement. Son frère, Daniel Chouhaib, qui a souvent joué le rôle de porte-parole des parents des détenus durant cette période, a assuré hier que son frère « a subi des actes de torture dans son lieu de détention ». Il a annoncé que l’ex-détenu allait être hospitalisé durant la journée, qualifiant son état de santé de « délicat ». Chouhaib, qui a été accusé par ses ravisseurs d’être un membre du Hezbollah, avait effectivement été vu en béquilles lors de son arrivée la veille à l’aéroport de Beyrouth. Plus tard dans la journée, Abbas Chouhaib devait raconter qu’il avait subi diverses maltraitances, notamment le jour où il avait tenté de s’évader. Il a démenti avoir critiqué le Hezbollah à son arrivée à Beyrouth, en déclarant avoir parlé de « certains proches qui n’ont pas manifesté comme ils auraient dû ». « Si (le secrétaire général du Hezbollah) Hassan Nasrallah était intervenu, nous n’aurions pas été libérés mais liquidés », a-t-il ajouté.


Les neuf pèlerins étaient donc arrivés la veille à 22 h 45 à bord d’un avion qatari qui les transportaient d’Istanbul, en Turquie, en compagnie du directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, et du chef de la diplomatie qatarie, Khaled al-Attiya.
Les efforts du général Ibrahim, du ministre de l’Intérieur Marwan Charbel et de nombreux autres responsables libanais ont été récompensés après 530 jours de captivité des pèlerins libanais par une faction qui se réclame de l’opposition syrienne, du nom de « la Brigade de la tempête du nord ». Un groupe qui a actuellement disparu, totalement balayé par l’État islamique en Irak et au Levant. Le général Ibrahim avait fait le déplacement en Syrie vendredi pour d’ultimes pourparlers avec le régime syrien, qui a libéré en contrepartie des dizaines de détenues dans ses geôles. Le rôle joué par la Turquie ainsi que celui du Qatar (qui est intervenu dernièrement dans ce dossier) ont été mis en relief dans cette libération.

 


L’attente angoissée des familles
Tous ces détails sont cependant déjà dépassés pour les pèlerins libérés et leurs proches, trop heureux de ces retrouvailles après de longues souffrances. Les ex-otages, fatigués mais heureux, ont été accueillis à l’aéroport dans un mélange chaotique d’embrassades, de cris et de larmes de joie.
Une grande foule de proches des détenus et de représentants politiques s’était entassée dans le salon d’honneur de l’aéroport. L’un des pèlerins libérés a déclaré que « ces instants nous font oublier un an et demi de détention ». Un autre a lancé d’une voix forte : « Aimez le Liban, il n’y a pas de meilleur pays au monde. » Une déclaration qui a causé une vive émotion auprès de tous les présents.


« Nous avons vécu les pires moments de notre vie (...). Nos ravisseurs ne nous ont pas respectés, ils nous ont maltraités, nous n’en avons pas rencontré un seul qui ait des valeurs », a déclaré pour sa part Ali Zogheib, un des pèlerins. « Ils (les ravisseurs, NDLR) ont même placé une bombe dans notre cellule à un moment », a renchéri un de ses compagnons d’infortune. « Nous étions (détenus) dans une petite pièce sans fenêtre, pendant de longues périodes », a déclaré un autre pèlerin, qui a assuré qu’aucune rançon n’a été versée. Selon le quotidien panarabe Acharq el-Awsat, rappelons-le, les ravisseurs ont reçu la somme de 100 millions d’euros afin de libérer les Libanais. Le journal n’a pas précisé la partie qui a versé cette somme. Un autre ex-otage a affirmé qu’ils étaient détenus non loin de la frontière turque.


« Pour que notre joie soit complète, nous souhaitons la libération des deux évêques enlevés en Syrie », a, pour sa part, souligné Hassan Hammoud, l’un des pèlerins. On est toujours sans nouvelles de Mgr Boulos Yazigi et de Mgr Youhanna Ibrahim, deux évêques orthodoxes enlevés le 22 avril près d’Alep.
Dans la banlieue sud de Beyrouth, des centaines de personnes se sont rassemblées pour célébrer le retour des ex-otages, qui sont arrivés accompagnés de convois géants. Certains brandissaient le drapeau du Liban, d’autres celui du Hezbollah en scandant « Merci Nasrallah ! » Les enfants tiraient des feux d’artifice pour exprimer leur joie. Ces quartiers sont restés réveillés jusqu’à l’aube, dans le feu des célébrations.

 

 

L'un des neuf pèlerins retrouve sa femme à l'aéroport de Beyrouth. REUTERS/Mohamed Azakir 


Branle-bas politique
La libération des pèlerins chiites, tout comme les efforts qui l’ont précédée, ont fait l’objet d’une attention particulière de la part de toute la classe politique. Le président de la République Michel Sleiman a suivi pas à pas les derniers instants qui ont précédé la libération des détenus. Il a d’ailleurs contacté l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad, pour le remercier des efforts déployés par son pays en vue de concrétiser la libération des neuf Libanais. Il a également été contacté par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, qui l’a félicité. À signaler que les Palestiniens, via leur ambassade en Turquie, ont joué un rôle dans les négociations.
Par ailleurs, M. Sleiman et le Premier ministre Nagib Mikati avaient demandé au ministre de l’Intérieur Marwan Charbel de les représenter à l’accueil des pèlerins à l’aéroport, tandis que le ministre des Affaires étrangères, Adnane Mansour, représentait le président du Parlement Nabih Berry. M. Mikati avait d’ailleurs appelé M. Berry pour le féliciter à cette occasion.


À l’aéroport, M. Charbel a évoqué le général Wissam el-Hassan, chef du service de renseignements des Forces de sécurité intérieure, assassiné il y a un an jour pour jour, et qui « avait joué un rôle important dans cette affaire, bien qu’il soit resté discret et ne voulait pas l’afficher ». « Un an après son assassinat, on pourra dire à Wissam el-Hassan, par cette libération qui coïncide avec la première commémoration de sa mort, que son esprit ne nous a pas quittés », a ajouté le ministre.
Quant à M. Mansour, qui a remercié tous ceux qui ont participé aux négociations, il avait reçu un appel téléphonique de la part de son homologue syrien Walid Moallem le félicitant de la libération des pèlerins.
Nombreuses sont les personnalités de tous bords qui se sont exprimées à l’aéroport sur l’importance de cette conclusion heureuse. Plusieurs d’entre elles, à l’instar du ministre Hassan Khalil, par exemple, ont évoqué la nécessité de travailler à la libération des deux évêques et à celle de tous les autres détenus. Dimanche, le patriarche d’Antioche et de tout l’Orient des grecs-orthodoxes, Youhanna Yazigi, a également déclaré : « Notre joie sera complète quand nous verrons les deux évêques libres. »


Des délégations du Hezbollah et d’Amal étaient notamment présentes, mais aussi un représentant du Parti socialiste progressiste, Nasser Zeidane. La libération des pèlerins a également fourni l’occasion de mettre en relief une certaine unité nationale. À l’accueil des neuf ex-otages, étaient présents des représentants de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, le député Khaled Zahramane, et du chef du bloc parlementaire du Futur Fouad Siniora, et le député Assem Araji.

 

 

Le temps des retrouvailles. AFP / ANWAR AMRO


Libération des pilotes turcs
La libération du pilote turc et de son copilote de la Turkish Airlines, détenus dans la Békaa depuis le 9 août dernier en représailles de l’enlèvement des pèlerins, a eu lieu simultanément samedi. Vers 20 h, les deux pilotes turcs avaient été libérés et remis aux autorités libanaises. Ils sont arrivés à l’aéroport à bord d’un hélicoptère de l’armée. Un peu plus tard, ils se sont envolés à bord d’un avion de Qatar Airways pour la Turquie, au même moment que s’envolait depuis la Turquie l’avion des pèlerins libanais. Les pilotes ont été accueillis à Istanbul par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan.
À leur arrivée à Istanbul, Murat Akpinar et Murat Agca ont donné quelques détails sur les conditions de leur détention. « Le premier mois a été très difficile, a déclaré M. Akpinar, dont les propos étaient retransmis par les chaînes de télévision turques. Nous avons été déplacés huit fois, et à chaque fois, c’était comme un nouvel enlèvement. Juste après avoir été kidnappés, nous avons été détenus à un endroit très proche de l’aéroport. Nous pouvions entendre le bruit des avions. » Et d’ajouter : « Nous avions décidé d’avoir de bonnes relations avec nos ravisseurs. Nous n’avons pas été maltraités. » Il a également remercié les autorités turques. « Nous savions qu’elles ne nous abandonneraient pas », a-t-il lancé.
À noter que lors de la cérémonie dans la banlieue sud de Beyrouth, Abbas Chouhaib avait déclaré : « Si les deux pilotes turcs n’avaient pas été enlevés au Liban, nous n’aurions jamais été libérés. »

 


Et les prisonnières syriennes ?
Cette opération de libération d’otages avait également un troisième volet, celui de la libération de prisonnières syriennes des geôles du régime. Samedi, M. Charbel avait indiqué que les pèlerins chiites ne seraient remis aux autorités libanaises que lorsque celles-ci auraient obtenu du régime syrien qu’il libère près de 200 prisonnières de ses geôles. « Il y aura concomitance entre la remise des otages libanais et celle des prisonnières syriennes », avait indiqué M. Charbel.
Selon le quotidien syrien al-Watan, citant hier des sources médiatiques, Damas a finalement libéré 128 détenues en échange de la libération des pèlerins dans le cadre de cet accord. Les autorités syriennes n’ont néanmoins pas officiellement confirmé cette information et restaient muettes hier sur un éventuel élargissement de dizaines de détenues réclamé par les rebelles.


Selon des sources proches des négociateurs, les femmes auraient été placées dans des avions pour Adana, mais des militants syriens de l’opposition, dont certains basés en Turquie, n’avaient aucune nouvelle concernant leur arrivée. « Il n’y a aucune information confirmée », a expliqué la militante des droits de l’homme syrienne Sima Nassar. L’ambassadeur de Palestine à Istanbul a indiqué à la LBC que les prisonnières ont été libérées en Syrie, et qu’on leur a laissé le choix de leur destination. Mais ni leur libération ni le nombre de prisonnières incluses dans l’accord n’ont été confirmés par personne.

 

 

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