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À La Une - Justice

Violence domestique : précédent historique de la juge libanaise Arlette Tabet

Une magistrate rend justice à une femme et ses deux fillettes, les protégeant des agissements injustes du mari... Elle a agi alors même que le projet de loi pour la protection de la femme de la violence domestique tarde à être voté.

L’avocate générale près la cour d’appel, la magistrate Arlette Tabet, a créé un précédent dans l’histoire de la justice au Liban, en prenant une décision visant à protéger une femme et ses deux fillettes du mari qui les avait injustement mises à la porte. Hier, la juge Tabet a en fait publié une décision contraignant le mari – qui avait vendu la maison conjugale à son ami à l’insu de son épouse – à assurer un logement à cette dernière et aux fillettes, obligeant par la même occasion le nouvel acquéreur du bien-fonds à remettre les clés du domicile à la femme.


Le conflit entre le couple a éclaté il y a quelques mois, après que la femme a découvert que son conjoint la trompait, confie à L’Orient-Le Jour l’avocat de cette dernière, Élias Maroun. Mercredi, la femme, mère de deux fillettes respectivement âgées de 4 ans et de 14 mois, reçoit en fin d’après-midi un message de son mari lui annonçant « une très grande surprise ». Inquiète, la femme qui s’était absentée de la maison pour quelques heures, le temps de faire des courses au supermarché et de rendre visite à ses parents, « se hâte de rentrer chez elle pour découvrir qu’elle ne pouvait plus accéder à sa maison, son mari l’ayant vendue et les serrures ayant été changées ». Toutes les affaires de la femme et de ses filles étaient restées à l’intérieur.


Accompagnée de son oncle maternel et de son avocat, la femme dépose une plainte au poste de gendarmerie de Bickfaya – le couple habite Kornet el-Hamra – où un procès-verbal immédiat a été dressé. Le parquet de la cour d’appel a été également contacté.


Pour la malchance du mari et la chance de l’épouse et de ses fillettes, ce soir-là une juge sensible au dossier de la femme et des enfants était à l’écoute. Immédiatement, la magistrate Arlette Tabet a contraint le mari à assurer à la femme un logement pour la nuit. L’épouse a décidé finalement de rester chez son oncle, d’autant que ses enfants sont en bas âge. Le lendemain (hier), la magistrate a publié une décision visant à rendre à la femme le domicile conjugal, ainsi que les bijoux et les pièces d’identité que le mari avait confisqués.


« C’est un précédent dans l’histoire de la justice sur lequel nous pouvons capitaliser à l’avenir, affirme Me Maroun. Il constitue aussi un facteur dissuasif important pour les conjoints qui penseraient recourir à de telles méthodes. En fait, le mari de ma cliente avait vendu la maison il y a juste une semaine à son collègue de travail, ce qui est une preuve de mauvaise foi, d’autant que le nouvel acquéreur ne savait même pas à quoi ressemble l’appartement. Cette décision oblige le mari à assurer un logement à sa femme et à ses filles. » Des détails prévus d’ailleurs dans le texte du projet de loi pour la protection de la femme de la violence domestique. Un projet de loi « qui tarde à être voté », regrette Me Maroun.

 


La société civile se félicite
La décision prise par la juge Arlette Tabet constitue, selon l’avis d’experts, un précédent qui fait jurisprudence. Ils estiment que cette décision est d’autant plus importante qu’elle fait « prévaloir le droit au domicile conjugal sur le droit du nouvel acquéreur à exploiter son fonds ». « Dans les lois sur les biens immobiliers, le nouvel acquéreur a toujours le droit de disposer de son bien-fonds, expliquent à L’Orient-Le Jour des sources légales. Or, dans la décision qu’elle a prise, la magistrate a renversé ce droit. Elle a restitué à la femme un droit qu’on lui a violé, à savoir son droit à une maison conjugale où elle restera avec ses fillettes jusqu’à ce qu’un domicile équivalent leur soit assuré. »


« Par cette décision, la magistrate rejoint les lois en vigueur en Occident, notamment aux États-Unis, au Canada, en Suède et en Norvège, où même si le domicile est au nom du mari, en cas de divorce ou de séparation, cette propriété est considérée comme faisant partie du patrimoine familial, selon ces sources. Au Liban, dans le code du statut personnel, l’époux a le devoir d’assurer un domicile à sa famille. Dans le cas en question, le parquet, qui est garant de l’ordre public, a fait prévaloir l’esprit des codes du statut personnel sur celui du registre foncier. »
La société civile qui a eu écho de cette décision n’a pas caché sa vive satisfaction, saluant « le courage d’une magistrate qui n’attend pas la promulgation de la loi pour la protection de la femme de la violence domestique pour protéger une femme et ses fillettes des agissements abusifs du mari ».


Contactée par L’Orient-Le Jour, Leila Awada, avocate et membre de l’ONG Kafa, salue cette initiative de la magistrate Arlette Tabet qui « confirme nos revendications, à savoir que la décision de protection doit relever des prérogatives du parquet près la cour d’appel et non du juge des référés, puisque seul le parquet est disponible 24h/24h. »

 

 

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