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Économie

Les hydrocarbures au Liban : l’opportunité d’un apaisement politique ?

Les hydrocarbures au Levant, estimés à 3 450 milliards de m3 de gaz et 1,7 milliard de barils de pétrole, peuvent modifier la scène régionale en assurant la sécurité énergétique des États et leur croissance économique à moyen terme. Une coopération régionale axée sur l’eldorado gazier n’est pourtant pas à l’ordre du jour au vu des rivalités en mer Méditerranée. Malmené, le Liban est impuissant à définir une feuille de route économique entre crise politique, aléas de la crise syrienne et jeu des influences régionales. La paralysie de l’État le prive du principal moteur capable de restaurer la croissance et la stabilité : l’exploitation raisonnée des hydrocarbures au Levant.

Urgence économique, attentisme politique
Alors que le conflit s’intensifie au Nord, le Liban reste la première victime collatérale de l’affrontement syrien. La croissance est passée de 8 % avant la crise à 1 % aujourd’hui. Les secteurs-clés ont été touchés : depuis 2012, le tourisme a diminué de moitié et les exportations de 20 %. Malgré la solidité du secteur bancaire, la dette a atteint 138 % du PIB et l’inflation menace de nouveau. Enfin, l’afflux des réfugiés pèse sur l’économie malgré l’aide internationale. Le poids même de cette crise amplifie les difficultés structurelles de l’économie libanaise, à commencer par l’état catastrophique de son réseau énergétique. Le Liban importe 97 % de ses besoins en énergie et possède un réseau de distribution extrêmement inefficace (40 % de pertes) qui creuse le déficit (30 % de la dette consacrée au budget énergétique depuis 1992).
Tout redressement économique appelle, en priorité, une résolution de la question énergétique. La valeur des marchés des hydrocarbures méditerranéens revenant au Liban fluctue autour des 100 milliards de dollars selon le Conseil mondial de l’énergie. Leur exploitation contribuerait à désendetter le pays, réduire la part budgétaire consacrée à l’énergie et dégager les marges nécessaires à une réforme du système économique.
Pourtant, cet enjeu majeur semble n’être perçu qu’à la marge par les responsables politiques, à l’exception remarquée du ministre de l’Énergie Gebran Bassil. La personnalité même de ce responsable semble pourtant être un élément du problème plutôt qu’une contribution à sa résolution : la coalition du 14 Mars le fustige régulièrement pour son incompétence tandis qu’un bras de fer l’oppose au président Sleiman sur le dossier gazier.
Peu de soutien est à attendre des alliés chiites du CPL, peu impliqués au regard de l’urgence du dossier syrien. Les responsables du 14 Mars estiment en privé qu’il n’est pas souhaitable d’extraire les ressources hydrocarbures actuellement, compte tenu de l’incapacité de l’État à sécuriser les richesses générées et d’une possible mainmise du 8 Mars sur ces ressources.
D’autres motifs justifient cet attentisme : le Hezbollah profite de la paralysie de l’État pour gérer le dossier syrien et l’opposition bénéficie en retour d’une légitimité croissante à mesure que la réputation du parti chiite pâtit des événements en Syrie. Malgré l’importance des hydrocarbures pour l’avenir du pays, les deux coalitions semblent paradoxalement unies sur la nécessité de ne rien faire.

Le gaz, base pour un État neutre
Une substitution par la société civile et les milieux d’affaires sur le modèle de Rafic Hariri fait partie des solutions envisageables. L’actuelle discussion d’un État gestionnaire dédié aux dossiers économiques et détaché des luttes politiques le démontre. L’extraction de ces richesses sous l’égide d’un gouvernement neutre peut être dans l’intérêt de tous. Le Hezbollah, sur la défensive par son engagement en Syrie, pourrait tirer avantage d’une reprise économique apaisant la population. Afin de retrouver sa réputation de défenseur des intérêts libanais, il pourrait concéder la formation d’un gouvernement neutre s’il a la garantie que ce dernier ne lui nuira pas. À l’opposé, la mise en place de cadres techniques tels que la création d’un fonds souverain sur lequel seraient sécurisées les recettes gazières serait une formule acceptable pour le 14 Mars. La formation d’un tel cabinet est d’ailleurs à l’étude avec le soutien du 14 Mars et de Walid Joumblatt. Changer l’ordre des priorités, du politique vers l’économique via les champs gaziers, ne permettrait en aucun cas une sortie de crise. Au mieux pourrait-on parler d’un arrangement, permettant une gestion raisonnée des ressources du pays en attendant le dénouement du conflit syrien. Pourtant, les hydrocarbures sont l’impulsion nécessaire à cette vision certes limitée et fragile, mais réaliste, d’un État fondé sur la volonté commune de dépolitiser les affaires courantes du pays dans l’intérêt supérieur du peuple libanais. Associé aux bénéfices économiques attendus, il pourrait contribuer au renforcement de la capacité de résilience du pays, alors que les scénarios de sortie de conflit induisent tous un déplacement des lignes interconfessionnelles au Liban.

*Étudiant en master International Energy à Sciences Po Paris avec un focus sur le Moyen-Orient.
Les hydrocarbures au Levant, estimés à 3 450 milliards de m3 de gaz et 1,7 milliard de barils de pétrole, peuvent modifier la scène régionale en assurant la sécurité énergétique des États et leur croissance économique à moyen terme. Une coopération régionale axée sur l’eldorado gazier n’est pourtant pas à l’ordre du jour au vu des rivalités en mer Méditerranée. Malmené,...

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