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À La Une - En dents de scie

Bagatelles pour un massacre (bis)

Trente-cinquième semaine de 2013.
Voici l’axiome : le gang Assad est le pire fléau qu’ont dû subir et que continuent de subir, plus pour longtemps pourtant, la Syrie, ses sunnites, ses chrétiens et ses alaouites. Et, bien sûr, le Liban. Quel(s) que soi(en)t le(s) successeur(s), ce sera, en comparaison, comme un ultradoux goût de barazeks à peine sortis d’un four damascène.
Voici le théorème : l’attaque au gaz chimique qui a anéanti des centaines et des centaines de Syriens n’a pu être conçue, commanditée et exécutée que par ce gang Assad. Ce n’est pas que les autres, intellectuels ou cannibales, soient des saintes nitouches, loin de là ; mais si ces rebelles possédaient ou avaient volé des armes chimiques, Walid Moallem en personne se serait fait un plaisir fou à le hurler une bonne douzaine de fois par heure et par jour. Quant à Bachar el-Assad, il est suffisamment déconnecté désormais, suffisamment adolfisé, pour se refuser quelques petits et pervers plaisirs. Comme, par exemple, lancer ses sarin et ses moutarde sous les narines mêmes des experts onusiens.
Voici le problème : comment exercer cet urgent droit d’ingérence, cette incontournable assistance à peuple en danger en limitant au maximum les dommages, directs soient-ils ou collatéraux? Comment empêcher le monstre de recommencer et aider les rebelles autant que faire se peut sans reproduire les catastrophiques scenarii irakien et afghan ?
Le monde serait tellement plus fascinant s’il n’était régi que par la mathématique. Aujourd’hui, le manque de coordination, de préparation, de sérieux et de professionnalisme de la part des Occidentaux et de leurs alliés musulmans qui veulent punir Bachar el-Assad est tellement hénaurme qu’on pourrait penser que cela est fait exprès. Que cela est un épisode-clé dans cette préguerre psychologique. Dans tous les cas, c’en est navrant.
Sauf qu’on arrive encore à trouver dans ce maelström abscons de sympathiques petites compensations. De grands moments. Barack Obama en Alfred Hitchcock jeune, black, hipster et furieusement Ubu-roi qui répète à intervalles tellement réguliers qu’on dirait Big Ben qu’il n’a pas encore pris sa décision. David Cameron qui est autant fait pour le 10 Downing Street qu’Angela Merkel pour chanter en duo avec Lady Gaga. François Hollande qui depuis le Mali se rase tous les matins habillé de la combinaison anthracite-SM de Batman juste pour en voir les reflets dans la glace. Vladimir Poutine en pseudo-tsarévitch grotesque qui ne sait plus quoi inventer et dans quels marécages s’embourber pour ressembler à Ivan le Terrible. Recep Tayyip Erdogan qui donnerait un rein pour ressusciter la Sublime Porte et anschlusser la Syrie, la Jordanie, l’Irak et le Liban. Abdallah ben Abdel Aziz qui signe des chèques et des virements pharaoniques des deux mains. Ali Khamenei qui multiplie les petits livres verts pour expliquer aux pasdarans comment envoyer des missiles de Damas sur Tel-Aviv et aux hezbollahis comment mieux mourir pour autrui. Benjamin Netanyahu qui a compris l’erreur fatale d’un État hébreu persuadé que seul l’alaouite peut être son allié et qui se mord les doigts jusqu’à la clavicule en suppliant ces démocrates qu’il abhorre de frapper, refrapper et frapper encore le régime syrien.
Enfin, ultime pied de nez de cette gueuse d’histoire, il y a la naissance, comme Aphrodite née de l’écume de la Méditerranée, ce nouveau couple un peu Burton-Taylor, un peu Je t’aime moi non plus, Paris et Washington, Washington et Paris, seuls au monde ou presque, en lune de miel au large des côtes syriennes, dix ans exactement après l’épisode irakien où les Français se faisaient traiter de singes capitulards bouffeurs de fromage et où Dominique de Villepin entrait dans l’histoire en se faisant applaudir au Palais de Verre par le chœur des nations devant un Colin Powell déconfit, terreux, pas dupe et triste. Paris et Washington qui vont tirer. Qui vont punir.
Les paris sont ouverts : une baffe ? Une claque ? Une fessée ? Une curée ? Peu importe. Toute la planète ne serait pas mécontente de voir la guerre syrienne durer des lustres, mais arrivera bien un moment où il faudra en finir. Virer le gang Assad. Laisser la nature reprendre ses droits. Un moment où le maintien au poste de l’ex-ophtalmologue sera infiniment plus dangereux que son départ. Quelle que soit son intensité, l’attaque franco-américaine, imminente, sera un prologue. Le chapitre I tardera probablement à être écrit, mais il arrive(ra). Et puis les Syriens se débrouilleront – à l’égyptienne, à la libyenne, à la tunisienne, peu importe.
En attendant, le nombre de morts doublera ou triplera en Syrie, celui des réfugiés syriens aussi, Barack Obama et François Hollande concrétiseront leur nouvelle relation spéciale en partageant leurs vacances communes entre les Hamptons et le Lubéron, le Liban sera toujours sans gouvernement, les voitures piégées fleuriront aux quatre coins de ces 10 452km2, et Michel Sleiman continuera de recevoir le chef du bloc parlementaire du Hezbollah Mohammad Raad jusqu’à ce que tous les cadres de la milice soient en train de combattre aux côtés de leurs collègues chabbiha en Syrie.

P.S. : cette farce est une honte. La communauté internationale aurait dû, dès son baptême du feu et ses premiers massacres aux armes conventionnelles, faire de Bachar el-Assad le Slobodan Milosević du Proche-Orient. Une honte et une immense, une gargantuesque ânerie.
Trente-cinquième semaine de 2013.Voici l’axiome : le gang Assad est le pire fléau qu’ont dû subir et que continuent de subir, plus pour longtemps pourtant, la Syrie, ses sunnites, ses chrétiens et ses alaouites. Et, bien sûr, le Liban. Quel(s) que soi(en)t le(s) successeur(s), ce sera, en comparaison, comme un ultradoux goût de barazeks à peine sortis d’un four damascène.Voici le...

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