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L’Érythrée, « injustement jugée », veut s’ouvrir sur l’extérieur - Afrique

L’Érythrée, « injustement jugée », veut s’ouvrir sur l’extérieur

Asmara est l’objet de sanctions de l’ONU qui l’accuse de déstabiliser la Corne en soutenant des rébellions en Éthiopie et en Somalie, notamment les shebab.

Le dur service national, obligatoire pour garçons et filles, pousse chaque mois, selon le HCR, des milliers de jeunes Érythréens, interdits de quitter le pays avant d’avoir été libérés de leurs obligations, à risquer leur vie ou la prison pour fuir vers les camps de réfugiés d’Éthiopie ou du Soudan.  Jenny Vaughan/AFP

Sanctionnée par la communauté internationale pour son soutien supposé à divers groupes armés de la Corne de l’Afrique et critiquée pour son régime ultrarépressif, l’Érythrée se dit déterminée à sortir de son isolement pour se développer, tout en s’estimant injustement jugée.
« Nous ne pouvons pas vivre isolés parce que, en fin de compte, on ne peut prospérer que dans un environnement propice au commerce entre pays voisins », estime, interrogé par l’AFP à Asmara, Yemane Ghebremeskel, tout-puissant directeur de cabinet du président Issaias Afeworki, maître de l’Érythrée depuis 1991 sans avoir jamais été élu.
Le commerce et les investissements se sont effondrés dans la foulée du sanglant conflit frontalier avec l’Éthiopie entre 1998 et 2000, et stagnent depuis à la faveur d’une politique stricte d’autosuffisance, assortie d’une méfiance à l’égard de l’extérieur.
Aujourd’hui, Asmara montre de timides signes d’ouverture aux investissements étrangers, notamment dans l’industrie minière où une vingtaine d’entreprises – notamment chinoises, australiennes et canadiennes – prospectent le sol érythréen.
Mais les relations avec ses voisins – particulièrement le géant éthiopien – restent tendues, et le pays, ultramilitarisé, continue de consacrer une large part de ses maigres ressources à son armée.
Pour arracher son indépendance, l’Érythrée a livré 30 ans de guérilla (1961-1991) contre l’Ethiopie, à laquelle elle avait été rattachée en 1952. Et 13 ans après la fin de la guerre de 1998-2000, les armées des deux pays sont toujours en alerte maximum, le long de leurs frontières contestées.
« Nous préférerions que notre attention ne soit pas distraite, ne pas nous disperser, ne pas accorder du temps et de l’énergie à notre défense (...) mais l’environnement extérieur ne nous a pas beaucoup aidés », assure M. Yemane à l’AFP.

« Checklist »
Outre l’Éthiopie, les relations avec Djibouti sont également au plus bas depuis des combats frontaliers en 2008 et l’Érythrée s’est coupée de ses voisins en suspendant en 2007 sa participation à l’organisation sous-régionale Igad qui regroupe Djibouti, l’Éthiopie, le Kenya, l’Ouganda, la Somalie et le Soudan. Elle tente aujourd’hui de la réintégrer.
Asmara est en outre l’objet de sanctions de l’ONU qui l’accuse de déstabiliser la Corne en soutenant des rébellions en Éthiopie et en Somalie, particulièrement les islamistes shebab liés à el-Qaëda. Accusations sans preuve, selon M. Yemane.
Quant au réchauffement actuel des relations avec le Soudan – alors qu’Asmara soutint un temps les rebelles du Darfour opposés à Khartoum –, il est à double tranchant, l’inculpation du président soudanais Omar el-Béchir par la Cour pénale internationale (CPI) pour génocide en faisant un personnage peu fréquentable.
Malgré sa volonté affichée d’ouverture, le régime continue de balayer les critiques, invoquant la nécessité de parer aux innombrables menaces extérieures. Simple prétexte, selon ses contempteurs, pour s’attaquer à ses opposants de l’intérieur.
La mise en place de la Constitution adoptée en 1997 et instaurant le multipartisme est suspendue depuis le déclenchement du conflit avec l’Éthiopie l’année suivante. Aucun scrutin présidentiel ou législatif n’a eu lieu dans le pays depuis qu’il a formellement proclamé son indépendance en 1993. La presse privée est suspendue depuis 2001 et toute voix critique risque de longues années de prison.
Les élections « ont été reportées en raison des menaces auxquelles nous faisons face, réelles ou supposées », explique M. Yemane. Le gouvernement « est réellement décidé » à faire entrer en vigueur la Constitution, mais « le processus est interrompu et nous n’avons pas encore réfléchi à son redémarrage », poursuit-il.
Le dur service national, obligatoire pour garçons et filles et censé durer 18 mois – pour partie dans l’armée puis consacré à des travaux de développement du pays –, peut désormais être prolongé quasi indéfiniment, poussant chaque mois, selon le HCR, des milliers de jeunes Érythréens, interdits de quitter le pays avant d’avoir été libérés de leurs obligations, à risquer leur vie ou la prison pour fuir vers les camps de réfugiés d’Éthiopie ou du Soudan.
« Le service national a été prolongé en raison de la guerre et de la situation », justifie M. Yemane. L’exil d’une partie de la jeunesse érythréenne « n’est pas un vrai problème », balaie-t-il, ça n’est pas lié « au patriotisme, mais à la capacité ou non de supporter ce genre d’engagement à long terme ».
Pour M. Yemane, le pays est jugé de façon injuste, sans que soit pris en compte le contexte historique ayant façonné l’Érythrée.
« Vous pouvez prendre un instantané, avoir une “checklist” et dire “OK, la presse est aux mains du gouvernement, il n’y a pas d’opposition politique”, et aboutir à ce genre de conclusion simpliste, rétorque Yemane Gebremeskel. Ou vous pouvez prendre en compte la complexité des questions, la trajectoire par laquelle nous sommes passés, les problèmes et les menaces extérieures auxquels nous faisons face. »

 

Source: AFP

Sanctionnée par la communauté internationale pour son soutien supposé à divers groupes armés de la Corne de l’Afrique et critiquée pour son régime ultrarépressif, l’Érythrée se dit déterminée à sortir de son isolement pour se développer, tout en s’estimant injustement jugée.« Nous ne pouvons pas vivre isolés parce que, en fin de compte, on ne peut prospérer que dans un...