Le dirigeant chinois Bo Xilai lors de son procès hier, au cours duquel il a qualifié sa femme de « folle ». CCTV/AFP
« Elle est folle et elle ment », a ainsi lâché hier l’officiel déchu en parlant de sa propre femme, Gu Kailai. Celle-ci venait de l’accuser d’être au courant de pots-de-vin reçus par leur famille, dans un témoignage vidéo diffusé au tribunal. Mme Gu, actuellement écrouée après avoir été l’an dernier reconnue coupable de l’assassinat d’un Britannique, Neil Heywood, est apparue pâle et amincie dans cette séquence préenregistrée. Interrogée sur le fait de savoir si son mari était au courant de billets d’avion et d’autres largesses offerts par Xu Ming, un homme d’affaires proche du couple, Gu Kailai a finalement admis : «Je le lui avais dit. »
Les choses se sont compliquées pour Bo hier, quand les juges ont convoqué un passé tumultueux récent (2011-2012) et confronté des témoignages émanant de personnes qui ont toutes bien connu ce leader, vu alors comme l’étoile
montante du PC chinois. Dans ce cercle d’intimes, en plus du fils (Bo Guagua) et de l’épouse (Gu Kailai), figuraient les amis hommes d’affaires (Xu Ming et Tang Xiaolin) et les amis étrangers (Neil Heywood et le Français Patrick Devillers), bien utiles pour servir de relais en Europe. Selon l’accusation, les deux hommes d’affaires chinois ont abondamment versé des pots-de-vin, recevant en échange des facilités d’investissement dans la région industrielle de Dalian que gouvernait Bo Xilai. Et Heywood et Devillers ont aidé Gu et Bo à utiliser cette manne financière, que ce soit pour des voyages, l’argent de poche et les études de Guagua en Angleterre, ou l’achat d’une luxueuse villa à Cannes. C’est justement cette villa qui a fait voler en éclats cette « petite entreprise » où, d’après le procureur, chacun trouvait son compte. Selon Gu Kailai, Neil Heywood, furieux d’avoir été mis à l’écart des bénéfices qu’aurait apporté la villa, menace de s’en prendre à son fils Guagua, que le Britannique aurait même projeté d’enlever et tuer. La Chinoise décide alors de tendre un piège au Britannique, qu’elle empoisonnera le 15 novembre 2011. Wang Lijun révèle ce crime en février 2012 et déclenche ainsi l’affaire retentissante.
Fausse impression
Mais en diffusant sur l’Internet les arguments de défense que Bo Xilai expose à son procès, les autorités chinoises veulent donner une impression d’équité alors que le verdict est déjà décidé, soulignent les experts, selon lesquels le sort de Bo a fait l’objet de longues tractations au plus haut niveau de l’État. La presse étrangère n’a pas accès à la salle du procès et il est impossible de s’assurer que ces microblogs rendent compte de la réalité d’une façon fidèle et exhaustive. De plus, personne d’indépendant ne rapporte les débats depuis l’intérieur du tribunal et la censure s’exerce sur les commentaires des internautes. En outre, selon He Weifang, professeur de droit à l’Université de Pékin, la diffusion sur le réseau Sina Weibo (l’équivalent chinois de Twitter) d’éléments de l’audience n’a pu se faire qu’avec l’aval des plus hautes autorités. « Je pense qu’en faisant cela, les dirigeants pensent (...) pouvoir davantage convaincre les gens que le procès était équitable », même si « évidement, ce n’est pas complètement le cas », a-il observé.
(Source : AFP)