Thomas Samson/AFP
Le pouvoir installé par l’armée en Égypte, engagé dans une féroce répression contre les Frères musulmans du président destitué Mohammad Morsi, a porté un rude coup hier à la confrérie en arrêtant son guide suprême qui sera jugé pour « incitation au meurtre ».
Mohammad Badie, 70 ans, a été arrêté avant l’aube dans un appartement de la capitale puis transféré à la prison de Tora au Caire, où se trouvent ses deux adjoints, Khairat al-Chater et Rachad Bayoumi, avec lesquels il sera jugé dimanche. Après l’arrestation de M. Badie, les Frères ont nommé Mahmoud Ezzat guide par intérim. Ce dernier « a la réputation d’être un faucon (...) Il pourrait s’agir d’un signal envoyé, montrant qu’on peut répondre à l’autoritarisme par un autre autoritarisme », note Karim Bitar, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). L’un des dirigeants de la coalition pro-Morsi a en outre affirmé qu’une « énorme manifestation » était prévue vendredi pour poursuivre la mobilisation contre la destitution et la détention le 3 juillet par l’armée de M. Morsi. Également détenu à Tora, Hosni Moubarak, le président chassé du pouvoir par une révolte populaire début 2011, déposera par ailleurs aujourd’hui une demande de libération conditionnelle dans le cadre d’une affaire de corruption, la dernière pour laquelle il est encore détenu.
La Maison-Blanche a critiqué hier l’arrestation de M. Badie, estimant que le gouvernement avait trahi par cette action « son engagement à un processus politique rassembleur ». Le président américain Barack Obama devait en outre discuter hier de l’aide des États-Unis à l’Égypte (1,5 milliard de dollars par an) avec son équipe de sécurité nationale, a annoncé un porte-parole de la Maison-Blanche, qui a précisé dans la foulée que les informations de presse selon lesquelles l’aide américaine à l’Égypte a été suspendue sont erronées, expliquant que la question n’avait pas encore été tranchée. Les pays de l’Union européenne, qui se sont dit prêts à « réexaminer » leurs relations avec Le Caire, tiendront, eux, aujourd’hui une réunion ministérielle.
(Lire aussi : Face aux violences en Egypte, le Vatican est (très) gêné...)
Erdogan accuse
Toujours au niveau diplomatique, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui soutient l’ex-président islamiste Mohammad Morsi, a affirmé qu’Israël se trouvait derrière sa destitution : « Qui est derrière tout ça ? Israël. Nous avons des documents en notre possession. » Ces déclarations sont « sans fondement », selon le gouvernement intérimaire égyptien qui a prévenu que la « patience de l’Égypte arrivait à sa limite ». Même son de cloche pour la Maison-Blanche, qui a condamné hier les propos du Premier ministre turc. Ces propos sont très « agressifs, sans fondements et faux », a affirmé un porte-parole de la présidence, Josh Earnest.
Dans ce contexte, le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les Affaires politiques Jeffrey Feltman est arrivé hier au Caire pour une série d’entretiens jusqu’à vendredi avec les autorités égyptiennes et des responsables des Frères musulmans, ont indiqué les Nations unies. L’objectif de cette visite est de tenter de « définir comment l’ONU pourrait soutenir au mieux des initiatives afin de restaurer la paix et d’œuvrer à la réconciliation en Égypte », a déclaré le porte-parole de l’ONU Martin Nesirky.
Enfin, Mohammad el-Baradei, ancien vice-président égyptien, va être poursuivi en justice pour « rupture de confiance » pour avoir déserté le gouvernement installé par l’armée au lendemain de l’assaut lancé par les forces de l’ordre contre les partisans de M. Morsi. La plainte sera instruite le 19 septembre devant un tribunal cairote, disait-on hier de sources judiciaires.
Analyse
Dans l’océan des printemps arabes, seul le Yémen...
Pour mémoire
Hague : La crise au Moyen-Orient pourrait durer des décennies
Commentaire
Mohammad Badie, 70 ans, a été arrêté avant l’aube dans un appartement de la capitale puis transféré à la...