La communauté musulmane française redoutait, lundi, une multiplication d'attentats après la mise en examen d'un militaire qui projetait d'attaquer une mosquée près de Lyon, dans le sud-est de la France.
Le militaire de 23 ans, "proche des idées de l'extrême droite radicale", a été arrêté près de Lyon, dans le centre de la France, pour un projet d'attaque contre une mosquée, a annoncé dimanche le ministère français de l'Intérieur.
Au terme de quatre jours de garde à vue dans les locaux de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), le jeune homme, sergent dans l'armée de l'Air, a été mis en examen pour "détention de munitions de quatrième catégorie en relation avec une entreprise terroriste" et "dégradation de lieu de culte en relation avec une entreprise terroriste". Il a été placé en détention provisoire, a dit à l'AFP une source judiciaire.
Le ministère de l'Intérieur a affirmé que le jeune homme, interpellé sur la base aérienne de Lyon Mont Verdun, "avait projeté de tirer à l'arme à feu contre une mosquée de la région lyonnaise".
Selon une source judiciaire, le suspect a reconnu devant les enquêteurs qu'il avait prévu de tirer sur la mosquée des Minguettes, à Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise, le 8 août, à l'occasion de la fin du Ramadan.
Pendant sa garde à vue entamée le 7 août, le suspect a également reconnu avoir lancé, dans la nuit du 20 au 21 août 2012, un cocktail molotov sur la porte de la mosquée de Libourne (Gironde, sud-ouest), qui n'avait fait que peu de dégâts et pas de victimes.
Inquiétant
"Heureusement qu'il a été arrêté à temps, sinon ça aurait été un carnage le jour de l'Aïd et, derrière, il y aurait eu des émeutes", a déclaré Kamel Arioua, président de l'association Essalem qui gère la mosquée des Minguettes."Le fait qu'il soit militaire me choque, il doit normalement être exemplaire. Il est là pour protéger le citoyen français, pas pour lui tirer dessus", a-t-il ajouté, interrogé par Reuters.
Kamel Kabtane, le recteur de la grande mosquée de Lyon, a appelé à un rassemblement ce lundi à 17h30 devant la mosquée des Minguettes. "C'est inquiétant, il y a aujourd'hui une volonté affirmée de nuire à la communauté musulmane", a-t-il dit. "Il y a déjà eu deux attaques de mosquées ce week-end dans le Sud-Ouest, ce ne sont plus des actes isolés, on sent qu'il y a toute une organisation qui se met en place."
Même son de cloche de la part de Abdallah Zekri, président de l'Observatoire contre l'islamophobie, qui s'est "félicité que cet individu ait pu être arrêté avant d'avoir pu commettre un autre acte ignoble visant la communauté musulmane". "Les actions antimusulmanes ont augmenté de 50% au cours du premier semestre de cette année", a-t-il ajouté, interrogé par l'AFP. "Il est bon que des individus pareils soient mis hors d'état de nuire".
Dérive extrémiste
Selon une source proche de l'enquête, le jeune homme, solitaire et fragile psychologiquement, traversait une période difficile à la suite de déboires amoureux. Ce sont des proches qui, alertés notamment par des documents trouvés en sa possession et craignant une dérive extrémiste, ont signalé son cas aux autorités.
D'après la même source, le jeune homme a tenté à trois reprises, sans y parvenir, d'entrer en contact avec Maxime Brunerie, le jeune militant d'extrême droite auteur, le 14 juillet 2002, d'une tentative d'attentat contre le président d'alors, Jacques Chirac, au cours du défilé du 14 juillet (la fête nationale) sur les Champs Élysées à Paris.
Il a également été très touché par le suicide, le 21 mai devant l'autel de Notre Dame, de l'historien d'extrême droite Dominique Venner dont il admirait les travaux, a précisé la même source.
Pour Alexandre Gabriac, conseiller régional et ancien président des Jeunesses Nationalistes, groupe d'extrême droite dissous cet été par le ministère de l'Intérieur, ces attentats sont une conséquence de cette dissolution.
"Le gouvernement doit prendre ses responsabilités. La dissolution de tous les mouvements nationalistes pousse les gens à faire des actions isolées, irréfléchies. Nos groupes permettaient de canaliser la colère qui monte et de la transformer en fondement politique", a-t-il dit. "Ces actions isolées seront de plus en plus fréquentes", a-t-il également averti.
Lundi matin, le calme régnait devant la mosquée de Vénissieux, où aucune surveillance visible n'était mise en place.
Implantée dans le quartier des Minguettes, la mosquée "El Fokrane"est couramment appelée "mosquée Urssaf" car elle était installée dans un ancien bâtiment de l'Urssaf.
L'édifice, à l'architecture soignée, avec des murs rose pâle et un minaret surmonté d'un croissant de lune est implanté près d'une église évangélique, d'un quartier pavillonnaire, et d'une cité. Il a été inauguré en grande pompe le 22 mai dernier après de longues années de levée de fonds, pour en faire un lieu de culte plus spacieux et adapté.
C'est là que l'ancien imam de Vénissieux, Abdelkader Bouziane, officiait avant son expulsion et sa condamnation par la cour d'appel de Lyon à six mois de prison avec sursis en 2004, pour des propos favorables au châtiment corporel des épouses infidèles. Les autorités du conseil régional du culte musulman (CRCM) avaient décidé ensuite de faire le ménage dans cette mosquée fréquentée, alors, par les salafistes.
"Avant que je n'arrive il y a cinq ans, de nombreux salafistes fréquentaient la mosquée, maintenant ils ne sont là que le vendredi et nous considèrent comme de mauvais musulmans", relatait, lundi dans les colonnes du Progrès, Walid Naas, membre du CRCM de Rhône-Alpes.
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L 'autre communauté française est peut être inquiète que vous soyez inquiet...
17 h 28, le 12 août 2013