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À La Une - Transition

Les Égyptiens s’enflamment de nouveau : 10 morts en moins de 24 heures

L’impasse politique toujours aussi aiguë...

Un détracteur blessé du président destitué Mohammad Morsi est aidé par un camarade lors d’affrontements au Caire. Fayrez Nureldine/AFP

L’Égypte a connu hier une nouvelle flambée de violences qui a fait dix morts en moins de 24 heures dans des affrontements entre partisans et adversaires du président islamiste déchu Mohammad Morsi. Six personnes ont péri en début de journée près de l’Université du Caire, selon le ministère de la Santé, et deux d’entre elles au moins ont été tuées par un homme qui a ouvert le feu sur des militants pro-Morsi. Dans l’après-midi, de nouveaux heurts ont éclaté brièvement dans le même secteur. Une quinzaine de véhicules ont été brûlés et des traces de sang étaient visibles sur la chaussée, selon un journaliste de l’AFP. Les abords de l’Université, proches du centre-ville, sont, avec ceux de la mosquée Rabaa al-Adawiya dans le nord-est du Caire, l’un des deux sites occupés en permanence par les islamistes depuis près de trois semaines. Quatre autres Égyptiens avaient été tués lundi soir – trois dans la ville de Qalioub, à la périphérie nord de la capitale, et une au Caire, près de la place Tahrir. En tout, quelque 150 personnes ont péri dans des heurts liés aux troubles politiques depuis les manifestations massives réclamant le départ de M. Morsi fin juin.

Le Sinaï, région instable
De même, au moins une quarantaine d’autres ont été tuées durant cette période dans la région instable du Sinaï, frontalière d’Israël et de la bande de Gaza, principalement lors d’attaques contre l’armée et la police, ou d’opérations militaires contre des radicaux islamistes. Dans cette région d’ailleurs, les autorités israéliennes ont annoncé hier avoir renforcé les défenses antiroquettes le long de la frontière avec l’Égypte, afin de contrer d’éventuels tirs provenant d’islamistes en lutte contre les forces de sécurité égyptiennes dans la péninsule du Sinaï. « Nous apprenons jour après jour que des combats ont lieu, et nous craignons que les canons ne soient pointés dans notre direction », a déclaré le ministre israélien de la Défense, Moshe Yaalon.


Dans un communiqué, le ministère égyptien de l’Intérieur a appelé les Égyptiens, quelle que soit leur affiliation, « à exprimer leur opinion pacifiquement ». Les partisans de Mohammad Morsi réclament son retour après sa déposition par l’armée le 3 juillet, en faisant valoir qu’il est le premier président égyptien à avoir été élu démocratiquement. Ses adversaires estiment eux qu’il s’est disqualifié par une gestion au profit de son seul camp, et ajoutent que les manifestations de fin juin ont traduit sa perte de légitimité. Les organisations de défense des droits de l’homme Human Right Watch (HRW) et Amnesty International ont pour leur part lancé un cri d’alarme face à une recrudescence des violences contre la communauté chrétienne copte (6 à 10 % de la population), reprochant à la police son inertie. Depuis le 3 juillet, « au moins six attaques contre des chrétiens ont eu lieu dans divers gouvernorats d’Égypte », écrit ainsi HRW. La plus grave a eu lieu le 5 juillet à Naga Hassan, près de Louxor, où quatre chrétiens ont été battus à mort, rapporte HRW, tandis qu’Amnesty accuse « les forces de sécurité d’avoir abandonné six hommes encerclés – dont quatre ont été tués et un hospitalisé – à la merci d’une foule en colère ».

« Vêtements blancs » de détenus
Par ailleurs, deux anciens conseillers du président Morsi, détenus par l’armée depuis le renversement de ce dernier, ont demandé à leurs familles des vêtements de prisonniers, laissant entendre qu’ils pourraient être jugés, ont indiqué hier des membres de leurs familles. Khaled el-Qazzaz, ancien secrétaire de M. Morsi pour les affaires internationales, et Essam el-Haddad, l’un de ses plus proches conseillers, ont pu s’entretenir vendredi au téléphone avec leurs familles. « Il a appelé la maison et a demandé des vêtements blancs », a déclaré Mona el-Qazzaz, sœur de Khaled. Abdallah, un des fils d’Essam el-Haddad, a également déclaré que sa mère avait reçu un appel de l’ancien conseiller présidentiel « disant qu’il était en bonne santé et demandant des vêtements blancs ». Les détenus en Égypte portent des vêtements blancs, qui peuvent leur appartenir, en attendant leur jugement. S’ils sont condamnés, ils portent alors des vêtements bleus. Les familles des deux hommes ont indiqué avoir déposé comme convenu les habits blancs demandés au palais présidentiel. Aucune indication n’a été obtenue sur le lieu et les conditions exactes de détention des deux hommes, mais les familles supposent qu’ils sont dans une installation militaire, comme l’ancien président islamiste et d’autres de ses conseillers arrêtés.

 

Les États-Unis et l’Union européenne ont demandé à plusieurs reprises la libération de M. Morsi et des autres personnes détenues sans charges depuis le coup militaire du 3 juillet, organisé à la suite de manifestations monstres pour réclamer le départ de M. Morsi. L’armée s’est bornée jusqu’à présent à dire que l’ancien président était en bonne santé et qu’il était « retenu de façon préventive ». M. Morsi et ses conseillers ne sont pas pour le moment sous le coup d’une inculpation formelle. Pour Hassiba Hadj Sahraoui, directrice du département Moyen-Orient pour Amnesty International, « la manière dont ils sont détenus pourrait s’apparenter à une disparition forcée (...) à l’heure qu’il est, ils auraient dû à tout le moins être présentés à un juge ». Pour la responsable de Human Rights Watch pour l’Égypte, Heba Morayef, « le fait qu’ils soient détenus depuis si longtemps sans ordre de mise en détention de la part d’un procureur est en contradiction avec la loi égyptienne et internationale ».

Feuille de route
Sur le plan politique, l’impasse semblait toujours totale, les Frères musulmans, le mouvement de M. Morsi, comptant sur la mobilisation de rue pour faire plier les nouvelles autorités, qui continuaient d’aller de l’avant dans la mise en place d’institutions transitoires. Les autorités de transition ont poursuivi l’application de leur « feuille de route » pour la transition post-Morsi, avec la prestation de serment d’un ministre chargé de la Réforme administrative Hani Mahmoud, après ceux de la Justice et des Transports, complétant l’équipe gouvernementale déjà en place depuis une semaine. Le nouveau pouvoir a également engagé au cours du week-end le processus de révision de la Constitution qui avait été adopté sous M. Morsi, en prélude à la tenue d’élections législatives en principe début 2014, puis d’une présidentielle.

 

 

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