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À La Une - Yémen

Le conflit entre chiites et sunnites gagne Sanaa

Les salafistes affirment que les zaïdites viennent de prendre l’appellation « Ansarullah » sur le modèle du Hezbollah.

La frustration des rebelles zaïdites, qui multiplient les manifestations, s’est accentuée avec l’arrivée au pouvoir d’un président sunnite, Abd Rabbo Mansour Hadi. Mohammad Huwais/AFP

Le conflit entre sunnites et chiites qui secoue le monde arabe gagne le Yémen où les tensions entre les fondamentalistes sunnites et les rebelles chiites zaïdites tournent à la guerre pour le contrôle des mosquées à Sanaa. Cette rivalité confessionnelle était jusque-là limitée à la province de Saada dans le Nord, fief du mouvement rebelle Ansarullah, et où des affrontements épisodiques l’opposent aux partisans sunnites du parti islamiste al-Islah. Mais avec le mois de jeûne de ramadan qui a commencé le 10 juillet, la tension a gagné Sanaa. Ainsi, des salafistes ont tenté de prendre le contrôle d’une mosquée dirigée par un imam zaïdite, en riposte à une tentative similaire de la part des partisans d’Ansarullah dans une autre mosquée. Il en a résulté un accrochage à l’arme blanche et une attaque à la bombe ayant fait cinq blessés, selon la police et des témoins. Les autorités sont intervenues pour calmer les esprits dans les deux camps, dont ils ont obtenu « un engagement à ne pas user de la force pour imposer leurs propres rites dans les mosquées », selon le ministre des Waqfs, Hmoud Obad. « Nous n’avons pas au Yémen de mosquées réservées aux zaïdites et d’autres aux sunnites. Les gens cohabitent et prient ensemble depuis des siècles, mais la polarisation politique risque de les diviser », a déclaré M. Obad qui a prévenu qu’il « ne tolérerait pas une réédition des récents événements ».


Les zaïdites, issus d’une branche du chiisme, se concentrent dans le nord du pays alors que les sunnites sont prédominants à l’échelle nationale. Ils représentent au moins 25 % de la population, estimée à 25 millions. Les rebelles zaïdites, appelés houthis en référence à leur chef Abdel Malek al-Houthi, s’étaient soulevés en 2004 contre le pouvoir de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, se plaignant de marginalisation, et les combats avec l’armée ont fait des milliers de morts avant un cessez-le-feu en février 2010. Leur frustration s’est accentuée avec l’arrivée au pouvoir en février 2012, pour la première fois dans l’histoire du Yémen, d’un président sunnite, Abd Rabbo Mansour Hadi, qui a succédé à M. Saleh, un zaïdite poussé au départ sous la pression de la rue, selon un délégué à la conférence du dialogue national. La rébellion, qui a pris part au soulèvement contre M. Saleh, participe à ce dialogue censé préparer une nouvelle Constitution et des élections pour 2014. Ce délégué, qui a requis l’anonymat, affirme que les rebelles « cherchent à appuyer leur rôle politique grandissant par une présence plus forte dans les mosquées » et prévient que « la tension confessionnelle va s’intensifier ».


Mais un délégué d’Ansarullah au dialogue national, Abdelkarim Jadhbane, rend al-Islah, une émanation des Frères musulmans, et ses alliés salafistes, proches de l’Arabie saoudite, responsables de cette tension confessionnelle. « Les Frères musulmans et les salafistes veulent placer toutes les mosquées sous leur contrôle », y compris à Saada « où ils disposent de leurs propres lieux de culte et de leur plus grand centre terroriste à Dammaj », a-t-il affirmé. Dammaj abrite une école d’enseignement de la doctrine sunnite dans la banlieue de Saada et a été au centre de heurts communautaires, parfois meurtriers. Un délégué salafiste à la conférence de dialogue national, Mohammad Chibbiba, dénonce de son côté une instrumentalisation des rebelles houthis par l’Iran et souligne qu’ils viennent de prendre l’appellation « Ansarullah » sur le modèle du Hezbollah. « Le Hezbollah existe au Yémen. Il prend le nom d’Ansarullah, il est soutenu par l’Iran qui cherche à imposer son hégémonie au pays », affirme ce salafiste, affirmant que ses militants « s’entraînent aux armes près de la frontière avec l’Arabie saoudite », dans les régions montagneuses du Nord. Dans ce contexte, l’analyste Farès al-Saqqaf souligne que « les zaïdites et les sunnites ont coexisté pacifiquement pendant des siècles, mais le danger réside dans l’apparition d’un chiisme politique sur le modèle iranien, ce qui est inacceptable pour le peuple yéménite ». L’Iran chiite, qui cherche à étendre son influence régionale, est soupçonné d’attiser les tensions confessionnelles qui ont pris une dimension sanglante en Irak et qui agitent d’autres pays du Moyen-Orient, comme le Liban, la Syrie, Bahreïn ou encore l’est de l’Arabie saoudite où se concentre la minorité chiite du royaume.

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