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Moyen Orient et Monde - Analyse

Les cent et un défis (majeurs) de l’équipe Beblawi

Restaurer la sécurité et tenir ses promesses de démocratisation, priorités pour le nouveau gouvernement.

Le président égyptien par intérim, Adly Mansour, a accusé hier certains de vouloir précipiter l’Égypte dans le « chaos ». « Nous traversons une phase critique. Certains veulent que nous basculions dans le chaos, alors que nous voulons aller vers la stabilité. Certains veulent suivre la voie du sang », a ainsi déclaré le président par intérim dans un discours, son premier depuis son investiture le 4 juillet. « Nous nous battrons jusqu’au bout pour assurer la sécurité », a-t-il ajouté.
Dans ce contexte, le gouvernement égyptien fait face à d’énormes défis pour redresser une économie à la dérive, soulignent des analystes.
Les nouvelles autorités bénéficient de plusieurs atouts : un large rejet du président déposé Mohamed Morsi par la population, de nombreux ministres aux compétences reconnues, ou encore l’appui des plus hautes autorités religieuses du pays, musulmanes et chrétiennes. Les 12 milliards de dollars au total promis par trois pays du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït) semblent éloigner, au moins temporairement, le spectre d’une faillite du pays, que de nombreux experts prédisaient pour les tout prochains mois.
Mais le risque de poursuite d’une confrontation violente avec les Frères musulmans, les difficultés pour réaliser rapidement un ambitieux calendrier de réformes constitutionnelles et d’élections législatives et présidentielle, et la persistance des problèmes économiques pèsent sur les chances de succès. S’y ajoute le regain de tension dans le Sinaï depuis deux semaines, avec des meurtres quasi quotidiens de soldats et policiers, qui oblige l’armée à renforcer son dispositif dans ce secteur et à envisager une opération de grande ampleur au succès incertain.
Le gouvernement dirigé par Hazem Beblawi, un ancien ministre des Finances de 76 ans, « fait face à toutes sortes de défis, qui pourraient malheureusement le submerger », affirme Samer Chehata, spécialiste de l’Égypte à la Georgetown University, aux États-Unis.
Le gouvernement, dans lequel ne figure aucun représentant d’un parti islamiste, aligne une équipe aux fortes compétences techniques : aux Affaires étrangères Nabil Fahmy, un vétéran de la diplomatie égyptienne, ancien ambassadeur à Washington ; aux Finances un ex de la Banque mondiale, Ahmad Galal, et à la Coopération internationale un expert en finance, Ziad Bahaeddine. Une volonté d’agir sur le terrain social se traduit par la nomination d’un militant de gauche, défenseur du syndicalisme indépendant, Kamal Abou Eita, au ministère du Travail. La promotion du ministre de la Défense, le général Abdel Fattah al-Sissi, au rang de vice-Premier ministre traduit l’appui de l’armée à la nouvelle équipe, mais au risque de renforcer le sentiment d’un gouvernement sous tutelle militaire.

La clé
Pour Samer Chehata, le retour de la sécurité, qui s’est fortement dégradée depuis la chute de Hosni Moubarak en 2011, constitue la clé du redressement du pays. « Ramener les investissements étrangers et les touristes », deux piliers de l’économie locale, « dépend pour beaucoup du retour à une forme de sécurité et de stabilité », souligne-t-il. La réforme de la police, aux méthodes brutales et à la hiérarchie largement héritées de l’ère Moubarak, que beaucoup d’Égyptiens attendent, risque toutefois d’être difficile à réaliser dans un contexte où cette même police va continuer d’être sollicitée pour rétablir l’ordre. « J’ai peur que les appels à réformer le ministère de l’Intérieur ne puissent ni être entendus ni être mis en œuvre », estime-t-il.
L’armée qui a déposé M. Morsi, aujourd’hui applaudie par de nombreux Égyptiens, a prouvé par le passé qu’elle était « très loin des démocrates » et « un très mauvais gestionnaire », souligne M. Chehata. Pour Sophie Pommier, spécialiste du monde arabe à Sciences po Paris, « ce gouvernement n’ayant pas la légitimité des urnes, il va lui falloir en acquérir une avec des résultats concrets ». Outre une relance de l’économie, « il lui faut répondre à de fortes attentes sociales en matière de redistribution » « des richesses », estime-t-elle. La population « attend des signaux rapides que les choses vont dans le bon sens », mais si la violence continue, « cela va compliquer la situation ».
Les Frères musulmans, même affaiblis après le renversement de M. Morsi, n’ont pas dit leur dernier mot. Outre leur capacité à maintenir un climat de troubles, leur éviction du pouvoir peut leur permettre de se repositionner politiquement pour mener la vie dure au nouveau pouvoir, estiment certains. Le succès de la transition actuelle « n’est pas un acquis. Il y a beaucoup à faire avec tous les islamistes qui sont dans la rue ou dans le Sinaï. C’est une tâche immense », reconnaît Sameh Makram Ebeid, un ex-député du Bloc égyptien, une formation libérale. « La prochaine grande bataille sera celle des législatives (prévues début 2014). Il n’est pas exclu que les islamistes aient encore la capacité d’avoir une majorité, même si elle n’est que relative », affirme-t-il.

(Source : AFP)
Le président égyptien par intérim, Adly Mansour, a accusé hier certains de vouloir précipiter l’Égypte dans le « chaos ». « Nous traversons une phase critique. Certains veulent que nous basculions dans le chaos, alors que nous voulons aller vers la stabilité. Certains veulent suivre la voie du sang », a ainsi déclaré le président par intérim dans un discours, son premier...

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