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Culture - Festival d’Avignon

« La Parabole des papillons » : enfin, un théâtre d’émotions !

Avec « La Parabole des papillons » mise en scène par Michèle Adala, c’est à un moment de pure émotion et de belle humanité que nous ont conviés la Compagnie Mises en Scène et le Festival In d’Avignon, dans la tradition du théâtre populaire tel que, l’on imagine, l’a voulu Jean Vilar, quand il a lancé son festival en 1947.

On pourrait s’écrier, Dieu que la femme est belle, à l’instar d’un journal local...Photo Christophe Raynault de Lage

À l’Auditorium du Pontet, au cœur des quartiers, cette composition théâtrale de 1h30, basée sur les paroles et les vécus de femmes des quartiers et d’ailleurs, a touché le public, emportant l’adhésion et l’enthousiasme des spectateurs et de la presse locale et nationale.
Elles sont six autour d’une table, qui prépare le café, qui dessine, qui papote, discute, argumente. Une femme arrive avec une poussette et demande: «C’est là l’endroit où l’on parle?» Vous y êtes. Entrez donc, mettez-vous à l’aise, laissez libre cours à la parole, libératrice, délivrante, liante...
Les tableaux qui se succèdent présentent chacun une thématique en rapport avec les femmes. Normal, la thématique sur laquelle a souhaité travailler Michèle Adala cette année est justement «l’être femme». Les comédiennes égrènent des histoires de femmes dans la société, dans le regard des autres, dans le regard des hommes. Des histoires de femmes dans la famille, des histoires de fêlures plus douloureuses, plus intimes. Des histoires qui s’enracinent dans des blessures qui saignent à vif. Et les hommes dans tout ce déballage? Ils ont droit à la parole, bien sûr. Ils débarquent d’ailleurs en force, en bruit et en chorégraphie, sur le plateau. Ils gesticulent en percussions corporelles – guidés par Cheikh Sall, à la tête du projet Fanfarumaine – s’expliquent, se justifient... et la rencontre entre hommes et femmes se transforme très vite en bataille rangée à la chorégraphie calibrée au millimètre. Un moment juste et savoureux. Ce n’est pas le seul, loin s’en faut. Chorégraphie, chant, jeu d’ombres chinoises, voix off, projections vidéo, les techniques scéniques se multiplient au service d’une très belle création. Les moments d’émotion alternent avec des moments drôles; le rire tout le temps suspendu au bord des larmes. C’est jouissif.
«La peur, c’est bien, ça donne la diarrhée, mais ça développe l’imagination », lance une vieille femme à celle qu’elle était il y a 50 ans... Comme un écho à cette autre réplique : «L’homme doit résister, il doit tenir bon, surtout s’il est une femme!» Un travail singulier sous les feux de la rampe.
Des paroles de femmes recueillies, réécrites, mises en forme, mises en scène et transmises avec l’émotion originelle, c’est le pari tenu haut la main par Michèle Adala, la metteuse en scène, et toute l’équipe de la Compagnie Mises en Scène auxquelles la direction du Festival In a passé commande pour ce spectacle. Une compagnie implantée et travaillant dans les quartiers d’Avignon depuis 1982. Avec une technique bien éprouvée, Michèle Adala croise l’écriture poétique et théâtrale avec la parole réelle, brute, urgente. Résultat: un travail en profondeur, en écoute et en exigence. Un théâtre qui se base sur ce qu’appelle la metteuse en scène «l’intelligence collective». Une intelligence à laquelle elle a réussi, grâce au travail effectué depuis 30 ans, à donner corps.
«Avec la poète Valérie Rouzeau et l’écrivain Jean Cagnard, nous avons fait parler des habitantes sur ce que signifie pour elles «l’être femme», raconte Michèle Adala. C’est grâce au processus d’écriture collective et variée que le spectacle déploie une belle richesse de propos et de styles. Les textes ont été recueillis à travers des ateliers de parole menés dans les quartiers populaires d’Avignon pendant plusieurs mois. «Nous avons enregistré et ensuite décrypté soigneusement toutes ces paroles en demandant aux personnes l’autorisation d’utiliser leurs mots, poursuit-elle. Parallèlement, les deux écrivains qui nous ont accompagnés ont assisté aux ateliers et en ont retiré, très librement, selon leur sensibilité, matière à des textes qu’ils nous ont soumis. Nous avons ensuite choisi d’incruster dans ces textes structurés des pages de parole brute ou les entretiens individuels, dont nous entendons les enregistrements sur scène.» Un travail de longue haleine.
C’est d’ailleurs la première année que les femmes des quartiers avec lesquelles se sont déroulés les ateliers de parole ont accepté de monter sur scène. «Chaque année, elles refusaient d’être sur le plateau», raconte Michèle Adala. «Elles devaient donc être le chœur des invisibles. Mais à la suite des ateliers de parole, nous avons organisé des ateliers d’improvisation, pour leur donner une idée de ce que pouvaient donner leurs paroles. Elles ont toutes joué le jeu et y ont pris goût», s’amuse la metteuse en scène.
Sur le plateau, 27 comédiennes et comédiens, entre professionnels et amateurs. Plus le spectacle avance, plus l’on a du mal à distinguer les unes des autres. «Tout le monde s’est exposé, a été fragilisé par ce qui se passait sur scène, d’où le peu de différence entre les amatrices et les professionnelles, explique Gilles Robic, collaborateur à la mise en scène et dramaturge de la pièce. Avec toute la matière que nous avions, il a fallu s’emparer de la parole. Être dans une logique de transmission de parole et non pas de rôle. Une ligne de parole au service de laquelle tout le monde s’est mis.»
Un croisement de paroles et d’expériences dans lequel se sont toutes et tous engagés, à corps perdu. À l’instar de ces papillons qui donnent leur nom au titre. «La Parabole des papillons fait référence à un texte persan du XIIe siècle, explique Gilles Robic. Les papillons s’interrogent sur la nature fascinante de la flamme. Le sage dit: Quoi qu’il en soit, nous ne savons pas ce qu’est une flamme. Un papillon rentre dans la flamme et s’y consume. Et le sage dit alors: Lui sait enfin ce qu’est une flamme. » Et de conclure: «C’est cette notion d’expérience qui est importante. C’est une expérience qui transforme. Je voulais un titre qui rende compte du travail de Michèle Adala et de son équipe qui, dans leur parcours de création, se risquent au feu de rencontres culturelles
nécessaires.»

 

Pour mémoire

Coup d’envoi du Festival d’Avignon avec le Groupe F à la FabricA
À l’Auditorium du Pontet, au cœur des quartiers, cette composition théâtrale de 1h30, basée sur les paroles et les vécus de femmes des quartiers et d’ailleurs, a touché le public, emportant l’adhésion et l’enthousiasme des spectateurs et de la presse locale et nationale.Elles sont six autour d’une table, qui prépare le café, qui dessine, qui papote, discute, argumente. Une...

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