Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Le point

Et si les extrêmes se touchaient ?...

« Aurons-nous une théocratie? Non ! » Il était catégorique, Theodor Herzl, en écrivant ces mots en 1896. Le théoricien du sionisme précisait, pour lever toute équivoque : « Si la foi maintient notre unité, la science nous libère. » Il semble bien que les Israéliens aient choisi de s’engager sur la première des deux voies, à en juger par les déclarations de certains de leurs dirigeants et, plus éloquents, par les statistiques publiées à intervalles réguliers dans les médias. Certes, l’autorité n’est pas encore exercée par des hommes qui s’estiment investis d’une mission céleste mais les signes se multiplient de l’importance sans cesse grandissante des religieux dans la vie de tous les jours et même au niveau politique.
On l’a constaté au lendemain des élections législatives du 22 janvier, lorsqu’il s’est agi de former un nouveau gouvernement, le trente-troisième depuis 1948 : face à la décision du Shass et des autres formations du même bord d’entrer dans l’opposition, Benjamin Netanyahu avait dû patienter quarante jours avant de mettre sur pied son équipe. Lui qui ne voulait à aucun prix entendre parler de Yaïr Lapid (Yesh Atid, dix-neuf députés), encore moins de Naftali Bennett (Habait Hayehouda, 12 députés), s’était résolu la mort dans l’âme à admettre au sein de son équipe ce « cheval de Troie », ainsi qu’il qualifiait ces deux hommes.
Paradoxalement, jamais autant qu’en ces temps de toutes les contradictions l’État hébreu n’aura donné l’impression de s’orienter vers un messianisme pur et dur alors même que les tenants de cette théorie optent pour un attentisme qui n’est pas exempt d’arrière-pensées. Charles Enderlin, correspondant permanent à Tel-Aviv depuis 1981 de la chaîne de télévision France 2, jette, dans un ouvrage passionnant*, une lumière crue sur cet aspect de la vie publique. Le journaliste cite ainsi une étude du professeur Tamar Herman qui écrit : « Les nationalistes religieux ne représentent, certes, que 13 pour cent mais le taux de natalité qui les caractérise a considérablement augmenté. » De fait, constatent les démographes, il n’est pas rare de trouver parmi eux des couples ayant huit enfants. Selon un sondage effectué en 2009, 51 pour cent des Israéliens croient à la venue du Messie et 67 pour cent sont convaincus de faire partie du peuple élu. Et sait-on qu’il existe depuis longtemps des « patrouilles de la pudeur » chargées de veiller à la stricte observance des codes de conduite ? Que les ultraorthodoxes ont prévu des lunettes équipées de filtres qui brouillent la vision si l’on veut éviter le spectacle de « l’impudeur » étalée au grand jour ?
Conséquence directe de la formidable poussée démographique observée ces deux dernières décennies : le nombre de colons en Cisjordanie passera de 350 000 actuellement à 400 000 l’an prochain, qui tôt ou tard, croit-on, finiront par écouter la voix des serviteurs de YHWH. Autre conséquence : en 2012, les permis de construction, toujours sur la rive occidentale du Jourdain, ont triplé par rapport à l’année précédente. C’est qu’à Tel-Aviv, on se dit convaincu que le temps reste le meilleur allié et que le monde finira par se lasser d’un conflit vieux de deux tiers de siècle, dont d’ailleurs il ne voit pas la fin.
À voir l’état dans lequel se trouve le camp palestinien, on se dit que « Bibi » et ses compagnons n’ont peut-être pas tort. Depuis la mort de Yasser Arafat, ses indignes héritiers n’en finissent pas de se disputer ses maigres dépouilles opimes – et son beaucoup moins maigre « trésor de guerre »... La Mouqataa de Ramallah n’est plus qu’une immonde foire d’empoigne, avec un Abou-Mazen cherchant sans succès à sauver ce qui peut encore l’être, soit trois fois rien. Avec une régularité digne d’un meilleur sort, l’Autorité n’aura cessé depuis 2004, année de la mort d’Abou-Ammar, de se laisser enfermer dans l’inconfortable position de celui qui s’obstine à être toujours en retard d’une solution. Alors que le secrétaire d’État John Kerry tentait une énième relance de sa mission, Naftali Bennett, portant le coup de grâce aux efforts US, déclarait : « Les tentatives d’établir un État palestinien sur notre territoire sont terminées », rejoignant en cela le vice-ministre de la Défense Danny Danon.
La mort lente d’une fonction, celle de président de l’Autorité – un titre taillé à la mesure d’Arafat –, ne peut déboucher, en toute logique, que sur la montée en puissance des irréductibles du Hamas, lequel aura beau jeu de remplir le vide actuel.
Un messianisme, ici, auquel répond, là, le fondamentalisme de Khaled Mechaal et Ismaïl Haniyeh... Il serait intéressant de revoir la théorie des extrêmes.

*« Au nom du Temple » – Israël et l’irrésistible ascension du messianisme, par Charles Enderlin, 375 pages, éd. du Seuil.
« Aurons-nous une théocratie? Non ! » Il était catégorique, Theodor Herzl, en écrivant ces mots en 1896. Le théoricien du sionisme précisait, pour lever toute équivoque : « Si la foi maintient notre unité, la science nous libère. » Il semble bien que les Israéliens aient choisi de s’engager sur la première des deux voies, à en juger par les déclarations de certains de...
commentaires (2)

LES EXTRÊMES NE SE CROISENT JAMAIS MAIS ILS SE TOUCHENT TOUJOURS AUX PÔLES...

SAKR LOUBNAN

18 h 17, le 25 juin 2013

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • LES EXTRÊMES NE SE CROISENT JAMAIS MAIS ILS SE TOUCHENT TOUJOURS AUX PÔLES...

    SAKR LOUBNAN

    18 h 17, le 25 juin 2013

  • Le messianisme d'Israel mérite al-Zawahiri et sa Qaeda comme voisins. Ce serait "le salut" du Moyen-Orient ! Et du monde également !!

    Halim Abou Chacra

    05 h 11, le 25 juin 2013

Retour en haut