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Moyen Orient et Monde

Rêver d’une nouvelle Turquie en plein parc Gezi

Kémalistes et communistes, supporteurs d’équipes de football ou philosophes à barbe fleurie, les manifestants réunis depuis six jours au parc Gezi d’Istanbul pour protester contre le gouvernement islamo-conservateur viennent des horizons les plus divers. Mais tous rêvent d’une Turquie nouvelle.
Dans ce grand patchwork de tentes et de drapeaux aux couleurs de chaque groupuscule qui s’est répandu entre les arbres du parc, ce sont les mouvements d’extrême gauche, organisés et bien équipés, qui sont les plus visibles. Pour eux, c’est un petit avant-goût du « grand soir » tant attendu, le fruit d’années de lutte, au cœur d’Istanbul. « La révolution, ce n’est peut-être pas pour tout de suite, mais toutes les révolutions commencent comme ça. Quand le peuple commence à savoir ce qu’il veut et à le réclamer, tout devient possible », affirme Elif Sinirlioglu, une militante trotskiste de 30 ans. « On veut l’avènement du socialisme, et ici c’est un petit moment de socialisme que nous vivons », souligne la jeune femme, portant un dossard aux couleurs de l’Association pour l’action ouvrière. Autour d’elle, les initiatives d’entraide bénévole se sont multipliées : cuisines populaires, centres de soins, ramassage des ordures, jusqu’à une bibliothèque improvisée.
Des gestes qui impressionnent Birtan Önderyildiz, un lycéen membre du groupe des supporteurs de l’équipe de football de Besiktas. Lui n’est pas venu pour la politique, mais pour « l’honneur » que les policiers ont selon lui perdu en « frappant un père devant ses enfants », et les proches du gouvernement en s’enrichissant éhontément. Interrogé sur ses revendications, le jeune Stambouliote, qui dort depuis cinq jours dans le parc, réclame la démission du gouvernement, avant d’ajouter : « Au Japon, il y a un Premier ministre qui a démissionné et qui ensuite s’est suicidé. Ça, c’est un comportement honorable. »
Gül Cemal Karakoç n’en attend sans doute pas moins du chef du gouvernement, Recep Tayyip Erdogan. À 78 ans, ce vétérinaire retraité a fait le déplacement des plateaux montagneux de Kars (Nord-Est) pour conspuer le « général Tayyip », au nom des principes de la République turque laïque et de son fondateur, Mustafa Kemal Atatürk. « Depuis qu’il est au pouvoir, il oppresse le peuple. Il jette des innocents en prison (...) Il est l’ennemi d’Atatürk et il dilapide les biens de l’État turc », s’enflamme le vieillard, qui arbore fièrement une cravate à l’effigie de son héros.
Tous les participants à cette chaotique kermesse ne sont cependant pas politisés, loin de là. Selon un sondage, ils sont même 70 % à ne se sentir proches d’aucun parti politique. Si Aysegül, c’est un nom d’emprunt, a rallié la protestation, c’est d’abord parce qu’elle est alévie, du nom d’une communauté de confession musulmane hétérodoxe et à la pratique religieuse très libérale, qui s’inquiète de la présence au pouvoir d’un régime islamo-conservateur sunnite. Avec ses sandales, sa longue barbe en désordre et son regard lumineux, Besim Karakadilar, 36 ans, ne se revendique, lui, que d’un seul parti : celui de l’esprit. Philosophe des mathématiques, il vient de rentrer de Finlande où il achève un postdoctorat et s’émerveille des chamboulements en cours dans la société turque.
Kémalistes et communistes, supporteurs d’équipes de football ou philosophes à barbe fleurie, les manifestants réunis depuis six jours au parc Gezi d’Istanbul pour protester contre le gouvernement islamo-conservateur viennent des horizons les plus divers. Mais tous rêvent d’une Turquie nouvelle.Dans ce grand patchwork de tentes et de drapeaux aux couleurs de chaque groupuscule qui...
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