Rechercher
Rechercher

À La Une - Eclairage

Que change la levée par l'UE de l'embargo sur les armes destinées aux rebelles syriens ?

Les 27 dirigeants européens se sont mis d’accord lundi pour lever l’embargo sur les livraisons d’armes à destination des rebelles syriens. A l’heure où les soldats d'Assad progressent sur le terrain, cette décision peut-elle encore changer la donne ?

Rebelles syriens à Alep, le 22 mai 2013. AFP/Ricardo Garcia Vilanova

"Comme moyen de pression (sur le régime syrien, ndlr), ce n'est vraiment pas très ambitieux", souffle Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie et professeur à l’université d’Edinburgh, joint par Lorientlejour.com. Le 27 mai, après douze heures de discussions qualifiées de "difficiles" par les diplomates, l’Union européenne a pris sa première décision importante depuis près d’un an et demi au sujet de la guerre en Syrie. "Ce soir, l’UE a décidé de mettre fin à l’embargo sur les armes pour l’opposition syrienne et de maintenir les autres sanctions contre le régime syrien", a déclaré le ministre britannique William Hague à l’issue de la réunion, au milieu de la nuit.

 

 

Des armes, oui. Mais pas tout de suite.

Mais l'annonce européenne laisse l’Armée syrienne libre (ASL) dubitative. "On espère que ce sera une décision effective et non pas des paroles", réagit Kassem Saadeddine, porte-parole du commandement militaire supérieur de la rébellion. Prenant acte d’un pas certes "positif", la coalition nationale de l’opposition syrienne juge néanmoins la levée de l'embargo "insuffisante" et trop tardive.

 

Pour la majorité des observateurs, la levée de l'embargo n’aura que peu d’impact sur le terrain, du moins dans l’immédiat. La décision de l’UE "a un poids davantage diplomatique que militaire", estime David Hartwell, spécialiste du Moyen-Orient pour Jane's, maison d'édition spécialisée dans les questions militaires. De fait, la levée de l'embargo ne signifie pas automatiquement que les pays européens prendront la décision d’acheminer du matériel militaire aux rebelles. "Rien ne garantit pour le moment que des armes soient livrées à l’opposition", poursuit David Hartwell, auteur d'une note sur le sujet.

 

S'ils ont levé l'embargo, les 27 ont en effet convenu qu’aucun pays membre ne fournirait dans l’immédiat d’armes aux rebelles. L’Union "réexaminera sa position avant le 1er août sur la base d'un rapport établi par le Haut représentant de l'UE aux affaires étrangères", a déclaré la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, qui souhaite donner toutes ses chances aux négociations entamées par la Russie et les Etats-Unis pour la tenue d'une conférence internationale sur la Syrie.

 

Début mai, Washington et Moscou ont lancé l’idée d’une conférence internationale, afin de trouver une issue au conflit syrien. Mais les discussions achoppent aujourd’hui sur de nombreux problèmes, de la participation iranienne, rejetée par certains pays, à celle de l'opposition. Or le 30 mai, l'opposition a exclu toute participation à quelque conférence que ce soit tant que "des militants iraniens et du Hezbollah envahissent la Syrie".

"Cela s’annonce plus que mal", commente Thomas Perriet.

 

Anticipant l’échec du sommet, le ministre britannique des Affaires étrangères a affirmé que son pays n’excluait pas de livrer des armes à l’ASL avant le mois d’août. Le Quai d’Orsay a, pour sa part, indiqué que sa décision "dépendra des évolutions en cours sur le terrain et des évolutions diplomatiques."

 

 

Une traçabilité compliquée à mettre en oeuvre

La grande crainte de certains pays européens, est que les armes puissent tomber entre les mains de djihadistes radicaux. "Le Royaume-Uni et la France étaient bien seuls" lors des négociations du 27 mai, rappelle David Hartwell. "Beaucoup d’Etats membres, dont l’Autriche et l’Allemagne, continuent de se montrer très réservés à propos du bien fondé d’armer les factions rebelles", ajoute-t-il.

"Le vrai sujet est celui de la traçabilité des armes", a insisté mardi le porte-parole du Quai d’Orsay. "Si nous décidions de livrer des armes, ce serait à des groupes que nous voulons voir promus dans la Syrie de l'après-Assad", a-t-il ajouté.

 

Or les derniers mois du conflit ont été marqués par une montée en puissance des organisations rebelles jihadistes. Parmi elles, le Front jihadiste al-Nosra, en première ligne dans le combat contre le régime de Bachar el-Assad, qui a prêté allégeance, en avril dernier, au chef d’el-Qaëda Ayman al-Zawahiri. Une déclaration qui avait jeté un froid, au sein de la communauté internationale, quant à la question de l'armement des rebelles syriens.

 

Or selon Joseph Henrotin, chargé de recherches à l'Institut de Stratégie et des Conflits (ISC), la traçabilité des armes légères est tout sauf aisée. "On peut les marquer au laser, un "code barre" très difficile à faire disparaître", explique le spécialiste à Lorientlejour.com. Mais rien n’empêche un rebelle "mal intentionné" de transmettre ses armes à quelqu’un d’autre. Celles-ci "peuvent disparaître extrêmement vite", estime l'expert.  

 

 

Quelles armes livrer aux rebelles ?

Ni la France ni la Grande-Bretagne n'ont encore annoncé quel type d'armes elles pourraient envisager de livrer à l'opposition syrienne. L'affaire est d'autant plus complexe que, comme l’a rappelé Catherine Ashton, la fourniture d’armes sera strictement "destinée à la protection des civils" et soumise à un certain nombre de conditions. Les Etats devront prendre des "garanties suffisantes", en particulier sur "les informations concernant la destination de l'utilisateur final et définitif de la livraison". Ils seront contraints de se conformer à la Position Commune adoptée par les 27 en 2008 "définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires". Le document stipule notamment que tout pays européen se doit de refuser la livraison d'équipements militaires "s’il existe un risque manifeste" que ceux-ci "servent à commettre des violations graves du droit humanitaire international". 

 

D’ores et déjà, certaines demandes présentées par l'opposition se heurtent au refus catégorique des occidentaux. En premier lieu, les missiles anti-aériens, trop dangereux pour la sécurité des avions civils.

De même, les Américains ne souhaitent en aucun cas que soient livrés des lance-missiles sol-air à courte portée de type Stinger. Ces derniers avaient été abondamment offerts par les Etats-Unis aux moudjahidines afghans dans les années 80 pour lutter contre l'invasion soviétique. L'arme fut d'une efficacité redoutable -333 hélicoptères russes furent détruits grâce à elle selon un rapport du Foreign Military Studies Office-, mais se trouva très rapidement revendue sur les marchés du Moyen-Orient. "Les Américains ont du les racheter pièce par pièce !, explique Joseph Henrotin. Aujourd'hui, ils ne souhaitent pas renouveler l'expérience, AQMI (El-Qaëda au Maghreb islamique, organisation islamiste armée d'origine algérienne, ndlr) serait trop heureux de pouvoir se procurer ces armes"

 

La rébellion a pourtant cruellement besoin de matériel pour lutter contre les blindés et l’aviation, "colonne vertébrale du régime", selon Thomas Pierret.

Pour Joseph Henrotin, la solution idéale résiderait dans la livraison de lance-roquettes anti-char. Ceux-ci "ne peuvent pas atteindre les avions en vol, ne nécessitent pas de longues formations pour en apprendre le fonctionnement, et la maintenance n’est pas très compliquée non plus", argumente-t-il.

 

 

 

Lance-missile antichar Milan français, en 2007 (Wikicommons/davric)

 

 

 

Des armes qui pourraient changer la donne dans le Nord et l'Est du pays

Mais des livraisons d’armes seraient-elles encore capables de modifier le rapport de force en Syrie, alors que le régime progresse sur le terrain, aidé notamment en cela par son allié du Hezbollah ? "Oui, mais essentiellement dans les provinces périphériques du Nord et du Nord-Est", estime Thomas Pierret. "Dans ces zones, il faudrait peu de chose pour que les rebelles l’emportent. Aujourd'hui, si ces derniers ne réussissent pas à l’emporter, c’est essentiellement parce qu’ils sont mal armés pour attaquer les bases militaires du régime", explique le spécialiste.

 

A l’inverse, les provinces centrales, autour de Damas et de Homs, seraient bien plus compliquées à libérer, même en cas de livraisons massives d’armes par les occidentaux. "Près de 60% de l’armée syrienne est concentrée à Damas, et de l’artillerie lourde, très difficile à déloger, est installée sur les collines alentours", rappelle Thomas Pierret. Équipée de matériel militaire plus performant, la rébellion pourrait, au mieux, espérer progresser dans la banlieue damascène. 

 

"Livrer des armes ne réglera pas tous les problèmes, loin de là !", insiste Joseph Henrotin. "Les rebelles sont aujourd’hui gazés, encerclés, divisés, sans unité de commandement et sans plan précis pour l’après-guerre…", rappelle ce spécialiste en stratégie militaire, pour qui "la qualité de l’armement " n’est qu’un des nombreux paramètres permettant à l’opposition de l’emporter.

 

 

Pour mémoire

Armes chimiques en Syrie : un état des lieux

Les leçons de la Syrie, commentaire de Anne-Marie Slaughter

Dans le caza de Baalbeck, presque chaque localité a perdu un combattant du Hezbollah à Qousseir

 

"Comme moyen de pression (sur le régime syrien, ndlr), ce n'est vraiment pas très ambitieux", souffle Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie et professeur à l’université d’Edinburgh, joint par Lorientlejour.com. Le 27 mai, après douze heures de discussions qualifiées de "difficiles" par les diplomates, l’Union européenne a pris sa première décision importante depuis près d’un...

commentaires (3)

D'ABRUTISSEMENTS ET DE CONNERIES A LA PELLE !

SAKR LOUBNAN

19 h 33, le 31 mai 2013

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • D'ABRUTISSEMENTS ET DE CONNERIES A LA PELLE !

    SAKR LOUBNAN

    19 h 33, le 31 mai 2013

  • Cela dépend pour qui ? Dans touuus les Cas, cela sera une Grande Cata pour ces fakîîîdio-bääSSdiots-là(h).... Yâ hassratâhhh !

    Antoine-Serge Karamaoun

    17 h 31, le 31 mai 2013

  • C'est comme dire à un enfant tu veux un bonbon ou un jouet ? je veux un bonbon, ok aux fraises ou aux fruits rouges ? aux fraises, ok, avec sucre ou sans sucre ? avec sucre , ok, sucre de canne ou sucre de betterave ? de canne , ok enveloppé dans du papier ou de l'alu ? du papier , ok papier transparent ou papier opaque ?... ainsi de suite jusqu'à ce que l'enfant se fasse bouffer par le loup qui se promenait dans les bois et qui n'aura rien demandé au chaperon rouge , loooollllll !!!!......

    Jaber Kamel

    14 h 48, le 31 mai 2013

Retour en haut