Jeudi, Tripoli s'est réveillée groggy après une nuit au cours de laquelle les violences, qui avaient repris dimanche, ont franchi un nouveau palier en terme d'intensité. Selon une source au sein des services de sécurité libanais interrogée par l'AFP, au moins six personnes ont été tuées et 40 blessées dans la nuit de mercredi à jeudi dans cette grande ville du Liban-Nord, lors de violents combats entre partisans et opposants du régime syrien.
"Les accrochages et les obus ont atteint plusieurs quartiers de la ville, y compris au centre", a souligné cette source. Des tirs de mortier, de roquettes RPG et de mitrailleuses ont éclaté dans la nuit, ont précisé à Reuters des sources médicales et sécuritaires.
Après une journée de calme précaire, les combats violents ont repris jeudi soir entre les quartiers rivaux de Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen. "Jeudi, dans la soirée, trois personnes ont été tuées par des tireurs embusqués : un à Qobbé et deux à Jabal Mohsen", a annoncé une source au sein des services de sécurité.
Pourtant, le député de Tripoli, Mohammad Kabbara, a déclaré plus tôt dans la journée que les parties engagées dans les affrontements "sont sur le point de parvenir à un cessez-le-feu".
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De son côté, l'armée libanaise a annoncé dans un communiqué qu'un de ses postes à Tripoli a été visé, jeudi, par des tirs, blessant trois soldats. Par ailleurs, un véhicule civil transportant deux militaires a été touché par des tirs devant un centre hospitalier de la ville, toujours selon le communiqué de l'armée. Les deux soldats ont été grièvement blessés et la troupe a riposté aux sources de tirs.
Au total, 20 personnes, dont deux soldats, ont été tuées et près de 150 autres blessées en quatre jours à Tripoli.
Depuis le début de la révolte en Syrie contre le président Bachar el-Assad, des combats meurtriers opposent régulièrement à Tripoli les habitants du quartier sunnite de Bab el-Tebbaneh à ceux du secteur alaouite de Jabal Mohsen.
Une vidéo diffusée mercredi soir sur YouTube qui montrant les accrochages armés entre des combattants de Bab el-Tebbané et de Jabal Mohsen.
"La nuit de mercredi à jeudi à Tripoli était la pire depuis la guerre civile libanaise (1975-1990)", a affirmé jeudi le ministre de la Jeunesse et des Sports, Fayçal Karamé, originaire de la ville. "Les Tripolitains se demandent si leur ville se situe au Liban ou si elle est une île isolée délaissée à son destin", a-t-il dit à la Voix du Liban, tout en dénonçant le "silence" du gouvernement libanais sur les violences meurtrières qui secouent sa ville. Il a enfin insisté sur la nécessité de restaurer l’autorité de l’Etat à Tripoli : "Nous comptons sur les forces de l’ordre pour restaurer le calme", a-t-il dit.
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"Depuis dimanche, des quartiers de Tripoli, épargnés depuis 1985, ont été soumis à des bombardements. Cette guerre est la continuation de celle de 1985 que la Syrie a menée contre nous", a affirmé jeudi Amine al-Qabbout, le moukhtar (agent de l'état civil) du quartier sunnite de Qobbé.
En 1985, de très violents combats avaient opposé des sunnites de Tripoli à l'armée syrienne qui avait bombardé la ville pendant plusieurs jours.
"L'outil politique, qui mène la guerre est le même, c'est le Parti arabe démocratique (PAD)", pro-syrien, a-t-il dit. Le PAD accuse en revanche les sunnites d'avoir déclenché les combats.
De son côté, le chef intérimaire des Forces de sécurité intérieure (FSI), le brigadier Roger Salem, a affirmé jeudi que les forces de l’ordre font tout leur possible afin de rétablir la stabilité à Tripoli. Il a toutefois mis en garde contre la situation sécuritaire dans la grande ville du nord, affirmant qu’elle était "très dangereuse". "Nous devons redoubler d’efforts afin de rassurer les citoyens", a-t-il ajouté. Depuis le début de ce nouveau round de violences, l'armée s'est massivement déployée.
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Plusieurs développements présagent toutefois de nouvelles escalades, comme l’entrée en scène de nouvelles parties aux combats. Mercredi, un groupe se faisant appelé "Les lions sunnites" a distribué un communiqué appelant "chaque jihadiste sunnite à prendre part au combat pour défendre nos familles, nos biens et notre religion". Le même groupe a déclaré qu’il ne permettra "à aucun alaouite de mettre le pied sur le sol de Tripoli" et a menacé les patrons des commerces qui emploient des alaouites "d’une sanction certaine, puisque plus rien ne nous importe, ni présidents ni ministres". De même, un autre groupe jusque-là inconnu, celui des "Faucons des habitants de Tripoli", a déclaré le début d’opérations spéciales dirigées contre le PAD "responsable de la mort d’innocents dans la ville".
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SAKR LOUBNAN
20 h 04, le 24 mai 2013