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Liban - Crise

Pour les Libanais de Wadi Khaled, les réfugiés syriens sont désormais un lourd fardeau

Quelques mois avant le début de la crise syrienne, le PNUD avait lancé une série de projets de développement à Wadi Khaled, l’une des zones les plus pauvres du Liban.

Nabeh es-Safa, l’une des sources d’al-Nahr el-Kabir. À cause du manque de projets de développement, les habitants de Wadi Khaled ne profitent pas de leurs ressources hydrauliques.

Depuis déjà deux ans, les habitants de Wadi Khaled accueillent les déplacés syriens. Pauvres et démunis à la base, les habitants de cette région, ouverte sur la Syrie, ont perdu une importante part de leurs revenus avec la crise syrienne. À cela viennent s’ajouter les besoins et les problèmes d’une population étrangère fuyant la guerre vers le Liban et dont le nombre ne fait que grossir.


Déjà quelques mois avant la crise syrienne, en 2010, le PNUD avait lancé des projets de développement à Wadi Khaled, l’une des régions les plus pauvres du Liban. Aujourd’hui, ces projets aident, dans la mesure du possible, les habitants à mieux gérer la crise des déplacés syriens, et cela notamment à travers les municipalités recemment créées dans cette partie du pays.


Quand les habitants de Wadi Khaled, qui sont au nombre de 30 000, ont ouvert leurs portes aux réfugiés syriens au printemps 2011, ils pensaient que la crise durerait quelques mois et que leurs voisins syriens rentreront rapidement chez eux. Aujourd’hui, la zone compte 25 000 réfugiés et le nombre ne fait que grossir.
Au cours des dernières 48 heures, 4 000 habitants de deux villages syriens sont arrivés à Wadi Khaled, fuyant les combats, ainsi que 400 familles de Libanais qui travaillaient et habitaient depuis de longues années dans les villages de Tell el-Farah et Sawani en Syrie.


« Nous ne savons plus que faire. Ces Libanais par exemple ne bénéficieront jamais de l’aide de l’UNHCR », indique Noureddine Ahmad, président de la municipalité de Wadi Khaled. « Chaque maison accueille une ou deux familles syriennes. Nous avons mis à la disposition des réfugiés également des maisons en cours de construction. Nos besoins ont doublé et nos revenus ont diminué. Les aides de la communauté internationale parviennent aux réfugiés syriens et non à la communauté hôte qui est déjà très pauvre », explique-t-il.


La région de Wadi Khaled compte sept municipalités toutes âgées d’à peine un an. La région, délaissée par le gouvernement libanais, n’a jamais bénéficié d’un quelconque projet de développement. Ses habitants n’ont d’ailleurs été naturalisés libanais qu’en 1994 et n’ont pu donc qu’à partir de 2004 profiter des emplois que l’on peut occuper dans l’administration ou dans l’armée, générant ainsi des revenus fixes.
Wadi Khaled, région de tribus arabes, en compte deux : les Attik, 80 % de la population, et les Ghannam, 20 %.

Chômage et maladie
La zone, qui misait sur le trafic à partir de la Syrie de mazout et d’autres produits, étouffe actuellement. « Nous tentons tant bien que mal de nous tourner vers l’agriculture, notamment l’élevage. La plaine de Boukaya est l’une des plus fertiles du Liban, mais nous n’arrivons pas à la développer car il n’y a pratiquement pas de canaux d’irrigation. Actuellement, nous nous serrons la ceinture en espérant que les choses changeront », souligne Moustapha Yassine, président de la municipalité de Amayer.
Pour les habitants de Wadi Khaled, les réfugiés syriens sont devenus un véritable fardeau. Ils sont notamment devenus synonyme de « chômage » et de « maladie », de « problèmes socio-économiques », indiquent certains membres de conseil municipal.
Ainsi, les Syriens arrivés au Liban proposent de travailler à un prix moindre que les habitants de Wadi Khaled. Certains aussi conduisent des taxis ou ouvrent des épiceries ou des boulangeries dans la région, faisant directement la concurrence à la population locale. Pauvres, démunis et vivant dans la précarité, ces réfugiés développent des maladies, comme la tuberculose et la gale.


Joanne Nassar, chargée d’un projet visant à soutenir la paix civile au sein du PNUD, souligne que « l’organisme onusien travaille depuis plusieurs mois avec les sept municipalités de Wadi Khaled à travers des formations permettant aux membres de ces municipalité de mieux définir leurs besoins à l’intention des responsables d’ONG ou d’organisations internationales venues inspecter la région, ou encore pour les aider à mieux gérer certaines affaires administratives, comme les formulaires administratifs que chaque municipalité libanaise doit remettre au ministère de l’Intérieur concernant le recensement des réfugiés syriens ».


Le ressentiment à l’égard des réfugiés grandit notamment dans les écoles. Certaines fonctionnent déjà à deux horaires avec des cours l’avant-midi dispensés aux élèves libanais et l’après-midi aux Syriens. Mais la majorité des établissements a opté pour un horaire normal en augmentant les sections, avec des classes mixtes. Dans certaines salles de classe, les élèves syriens sont majoritaires.


Gardenia est libanaise, elle a 9 ans et préfère passer son temps avec son frère Ali, 11 ans. Elle affirme qu’elle n’aime pas jouer avec les enfants syriens, sans pour autant pouvoir en expliquer les raisons. Elle n’est pas la seule élève libanaise de cette école de Amayer à être de cet avis. Rejetés par leurs camarades libanais, les élèves syriens restent entre eux et partagent leur angoisse relative à leurs pères, cousins ou oncles qui se battent dans les rangs de l’Armée syrienne libre.

« C’est un Syrien, il ne comprend pas... »
Nour a 11 ans. Elle est syrienne. Elle préfère rester avec ses compatriotes durant la récréation. Arrivée au Liban en 2011, elle raconte que le système scolaire est plus difficile qu’en Syrie, surtout pour les cours de langue française. Mais depuis le début de l’année, elle est la première de sa classe.


Fatmé et Roudeina sont enseignantes dans une école publique de Amayer. L’établissement compte 313 élèves dont 138 Syriens. Elles parlent de l’attitude des élèves libanais vis-à-vis de leurs camarades syriens. Les Libanais se moquent des Syriens quand ils font les moindres erreurs, surtout durant les cours de français. Ils lancent par exemple : « C’est un Syrien, il ne comprend pas », quand un petit réfugié passe au tableau. De plus, ces très jeunes nouveaux venus sont traumatisés par la guerre et personne ne les prend en charge.


Le PNUD a mis en place des cours destinés aux enseignants afin de les aider à pouvoir intégrer les enfants syriens dans les classes libanaises en estompant les différences entre les tout-petits venus de deux sociétés différentes.
L’organisme onusien travaille également avec dix-huit établissements scolaires, en leur fournissant notamment des équipements, de la maternelle aux classes complémentaires. « Ici, les écoles manquent du minimum », note Abdallah Muhieddine, responsable du Liban-Nord au sein du PNUD.


Il met l’accent également sur un projet destiné aux jeunes dans la localité de Amayer. Les locaux d’un club de jeunes ont été financés et équipés par le PNUD (ordinateurs, pupitres, chaises, LCD, lecteurs DVD...). Géré par une ONG, ce club dispense des cours de langues étrangères et des sessions d’informatique. Il organise également des rencontres de sensibilisation à des sujets précis. Il projette des films et propose d’autres animations
Nabeh es-Safa est une source d’eau de Wadi Khaled, elle alimente al-Nahr el-Kabir. Jusqu’à présent, la région manque d’un réseau d’eau potable. Les habitants remplissent donc des bouteilles, voire des camions-citernes au point de naissance de cette source.


Le PNUD a également remis un camion-citerne et une camionnette à la municipalité qui distribue désormais à bas prix de l’eau potable aux habitants.
Non loin de la source, une jeune femme en abaya demande de l’aide. « Ça fait trois jours que nous sommes sans eau. Nous venons d’arriver de Syrie », indique Chadia, 21 ans. Originaire d’un village près de Qousseir, qui est sous le feu, elle a quitté la semaine dernière son village natal avec sa famille. « Ma sœur a perdu son mari, mon époux est blessé à la jambe. Il se fait soigner dans un hôpital de Tripoli. Il se battait avec mon gendre (qui a été tué) dans les rangs de l’Armée syrienne libre », dit-elle. Chadia raconte son périple : « Les miliciens du Hezbollah sont entrés dans notre village. Nous avons fui. Des bienfaiteurs nous ont aidés à venir à pied au Liban. Le chemin était long. Il nous a fallu trois jours pour arriver à Ersal. Mes parents sont à Zahlé, et moi ici avec mes beaux-parents. »
Chadia, mère de deux enfants, dort actuellement à même le sol avec toute sa famille et ses proches dans une maison en construction de Wadi Khaled. « Certains nous ont donné des couvertures, nous les avons utilisées pour couvrir les fenêtres », dit-elle.


Ersal est une localité exclusivement sunnite de la Békaa ; elle a soixante kilomètres de frontière commune avec la Syrie. L’armée syrienne s’était retirée de cette frontière en décembre 2012. Aujourd’hui, selon les réfugiés syriens et les Libanais favorables à l’Armée syrienne libre, ce sont les miliciens du Hezbollah qui sont déployés le long de cette frontière... du côté de la Syrie.

 

 

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Depuis déjà deux ans, les habitants de Wadi Khaled accueillent les déplacés syriens. Pauvres et démunis à la base, les habitants de cette région, ouverte sur la Syrie, ont perdu une importante part de leurs revenus avec la crise syrienne. À cela viennent s’ajouter les besoins et les problèmes d’une population étrangère fuyant la guerre vers le Liban et dont le nombre ne fait que...

commentaires (1)

Je pense qu'une journaliste de talent l'avait dit depuis bien longtemps, on s'est moqué d'elle. Le fait de dire , on pensait que ça n'allait pas durer aussi logtemps, revient à dire à ceux qui voyaient le régime lègitime partir en 2 semaines étaient bien riducules de le croire, ça fait penser aux palestiniens qui avaient quitté leur pays en 48, quand les arabes leur ont dit qittez tout, ne vous en faites pas on vous ramènera at home !!!

Jaber Kamel

11 h 26, le 21 mai 2013

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Commentaires (1)

  • Je pense qu'une journaliste de talent l'avait dit depuis bien longtemps, on s'est moqué d'elle. Le fait de dire , on pensait que ça n'allait pas durer aussi logtemps, revient à dire à ceux qui voyaient le régime lègitime partir en 2 semaines étaient bien riducules de le croire, ça fait penser aux palestiniens qui avaient quitté leur pays en 48, quand les arabes leur ont dit qittez tout, ne vous en faites pas on vous ramènera at home !!!

    Jaber Kamel

    11 h 26, le 21 mai 2013

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