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À La Une - Éclairage

L’humeur chrétienne mélange les cartes électorales

Depuis la séance parlementaire avortée de mercredi qui a vu la chute du projet dit orthodoxe, la scène chrétienne est en ébullition, revivant des moments douloureux que chacun souhaiterait pourtant effacer de sa mémoire. Le clivage entre les deux camps rivaux, le CPL de Michel Aoun et les Forces libanaises de Samir Geagea, est à son apogée et Geagea ne ménage pas ses critiques directes et personnelles à Aoun, dont les partisans ne sont pas non plus tendres avec lui. Mais au-delà de cette animosité toujours vivace, une partie de la rue chrétienne a été choquée par l’abandon du projet orthodoxe, considéré par certains comme une chance pour les chrétiens de recouvrer les droits dont ils ont été spoliés par l’accord de Taëf. Dans l’entourage du général Aoun, certains se demandent même pourquoi ce dernier n’avait pas prévu le scénario d’un retournement de dernière minute de Geagea contre le projet « orthodoxe », en dépit des engagements pris à Bkerké, alors que plusieurs indices allaient dans ce sens et que les milieux proches de Saad Hariri avaient sciemment révélé les reproches à peine voilés qu’il avait adressés au chef des FL pour son appui à ce projet.


Les sources proches de Rabié précisent à cet égard que le chef du CPL avait évidemment pensé à un tel scénario, mais il avait préféré penser que les hommes peuvent changer et que le chef des FL ne pouvait pas laisser passer cette chance unique. En même temps, les mêmes sources précisent que Aoun était convaincu qu’en changeant d’avis au sujet du projet « orthodoxe », Geagea serait en porte-à-faux avec la rue chrétienne et sa popularité auprès des électeurs en prendrait un sérieux coup. En somme, s’il devait se retourner contre ce projet, il serait en confrontation avec la base chrétienne et non plus avec le CPL. Les même sources ajoutent que ce qui confirme cette thèse, c’est que depuis mercredi, Geagea et ses députés multiplient les apparitions devant la presse pour expliquer leur position et cibler les attaques contre le général Aoun. Par contre, le CPL et son chef, estiment les mêmes sources, ont gagné en crédibilité, étant conséquents avec eux-mêmes et avec leurs positions, évoquant à cet égard les résultats de nouveaux sondages. Le ministre de l’Énergie et de l’Eau, Gebran Bassil, avait d’ailleurs clairement défini la position du CPL en disant que le premier choix est le projet orthodoxe, et le pire la prorogation du mandat du Parlement. Il avait ajouté que quelle que soit la loi, le CPL n’a pas l’intention de boycotter le scrutin. De fait, aujourd’hui, après l’abandon du projet « orthodoxe », le CPL reste pour la tenue des législatives le plus tôt possible, même si elles doivent se dérouler sur la base de la loi de 1960. C’est une position de principe. Mais les sources du CPL estiment aussi qu’avec le climat actuel au sein de la rue chrétienne, les électeurs considérés comme hésitants pourraient donner leurs voix aux candidats aounistes. Et la loi de 1960, considérée généralement comme favorable au 14 Mars, pourrait ne plus l’être. Comme, dans les régions à majorité sunnite et chiite, l’issue des élections est connue à l’avance, ce sera aux régions chrétiennes de déterminer le véritable vainqueur, et cette fois, ce pourrait bien être le CPL et ses alliés. De plus, dans la deuxième circonscription de Beyrouth qui avait fait en 2009 l’objet d’un accord entre le duo chiite et le courant du Futur (qui avait d’ailleurs permis à Tammam Salam d’être élu dans cette circonscription), il y aurait cette fois une véritable bataille...


Sur le plan des positions, Amal et le Hezbollah sont ouvertement hostiles à la tenue des élections sur la base de la loi actuelle. Mais s’il n’y a pas d’accord sur une nouvelle loi et si la prorogation du mandat du Parlement actuel pour une longue période n’est pas adoptée, ils seront sans doute contraints d’accepter le fait accompli. D’autant que le ministre de l’Intérieur a clairement déclaré qu’il est obligé d’appliquer la loi, et que, par conséquent, le dépôt des candidatures serait ouvert dès aujourd’hui (lundi) sur la base de la loi de 1960. Dans ce contexte, il est bon de rappeler que le projet « orthodoxe » n’était pas le premier choix pour Amal et le Hezbollah. Les deux formations chiites l’ont accepté et ont voté en sa faveur dans les commissions parlementaires pour permettre, selon eux, aux chrétiens de se sentir des partenaires à part entière au sein de la nation. Mais quelle que soit la loi électorale, il ne devrait pas y avoir de changement notable sur la scène chiite.


Toutefois, la victoire pourrait ne plus être aussi certaine pour le 14 Mars si la loi actuelle de 1960 était appliquée. C’est donc un retournement de situation à la limite du burlesque que le Liban vit actuellement. Si l’enjeu n’était pas aussi grave, avec tout ce qui se passe dans la région, on pourrait certainement en rire. Mais le moins drôle est qu’au final, c’est la prorogation qui a le plus de chances de l’emporter, tant l’inconnue chrétienne fait peur. La question est de savoir quelle sera la durée de cette prorogation : le 8 Mars et le CPL souhaitant qu’elle soit la plus courte possible, et le 14 Mars la voulant plus longue pour amortir le choc. Il faut aussi compter avec la position du président de la République, directement concerné par les échéances constitutionnelles. Et c’est là le nouveau bras de fer sur la scène politique, qui doit se jouer en principe avant la fin du mois de mai, aucune partie ne voulant en arriver au vide institutionnel.

 

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