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À La Une - Reportage

Imprimer à Beyrouth en 3D ? Oui, c'est possible !

RapidManufactory propose, pour la première fois au Moyen-Orient, des impressions tridimensionnelles au grand public.

L'architecte français Guillaume Crédoz et un de ses assistants enlèvent la poudre d'un objet imprimé en 3D à Beyrouth. Photo Anne Ilcinkas.

Cette année, avec le printemps est arrivée, dans le quartier de Mar Mikhaël à Beyrouth, une nouveauté : la première imprimerie 3D du Liban et du Moyen-Orient.

 

Aux commandes, un architecte français, Guillaume Crédoz, qui n'avait initialement pas l'intention de lancer ce projet au Liban, mais en Syrie. "En 2006, j'ai acheté un ancien palais ottoman dans la vieille ville de Damas à côté de la mosquée des Omeyyades. J'ai commencé la rénovation de l'endroit dans l'espoir d'y installer mes ateliers", raconte l'architecte qui s'était installé en Syrie avec sa famille. "Le chantier a été arrêté il y a un an et nous nous sommes réfugiés au Liban. Nous avons déprimé un peu, puis nous avons trouvé cet endroit, une ancienne boulangerie que nous avons transformé en atelier", poursuit M. Crédoz, également sculpteur.

 




 

Inventées au début des années 1990, les imprimantes 3D permettent notamment la création de prototypes, principalement en plastique ou en métal. Ces machines façonnent des objets à partir d'un logiciel ou d'une copie originale numérisée.

 

"Certains dentistes et bijoutiers qui impriment très petit, très précis et très cher possèdent des imprimantes 3D depuis quelques années. Mais dans la région, il n'y en avait pas d'accessibles au grand public, pas d'imprimerie où un client peut venir avec un objet, le numériser et obtenir une copie ou venir avec un fichier créé à partir d'un logiciel 3D et faire imprimer l'objet", explique Guillaume Crédoz, qui a fait des études de design de l'environnement au Canada.

 

D'après l'architecte, le premier magasin au monde proposant un service d'impression tridimensionnelle a ouvert à New York il y a quatre mois seulement. "Nous avons ouvert à Beyrouth il y a un mois et demi, nous sommes probablement les deuxièmes au monde", estime M. Crédoz en souriant.

 



Guillaume Crédoz et son imprimante 3D. Photo Anne Ilcinkas


Comment ça marche ?

Guillaume Crédoz utilise deux machines. La première permet le "rapid prototyping" ou prototypage rapide d'objets, c'est-à-dire la réalisation rapide de modèles par ajout de matière. La seconde imprime grâce à un laser qui solidifie un matériau en poudre.

 

"La première fonctionne avec du plâtre et des colles colorées, elle imprime en couleur dans la masse des formes qui sont relativement fragiles. La deuxième machine fonctionne avec du polyamide, c'est à dire du nylon, comme celui qui est utilisé dans les vêtements, ou avec du polystyrène, qu'on peut aussi remplacer par un métal. Plusieurs mélanges sont possibles, avec différents types de polyamides et du titane (pour durcir l'objet) ou des fibres de carbone", explique M. Crédoz. L'architecte a même créé sa propre recette de béton "avec un mélange de ciment et de polyamide utilisé surtout pour les maquettes".

 

Chez lui, l'impression 3D aurait en outre un petit côté écolo : "Une des poudres qu'on utilise est à base de ricin, une plante". Autre avantage, "avec cette méthode d'impression, pas besoin d'importer des matériaux", précise-t-il.

 

Côté tarif, les prix sont de plus en plus abordables. "La première fois que j'ai imprimé en 3D c'était il y a 16 ans aux États-Unis, ça marchait très bien à l'époque, mais c'était extrêmement cher. Aujourd'hui, le centimètre cube varie entre un et deux dollars. Une petite pièce coûte environ 10 dollars, les petites maquettes environ 300$. C'est un prix abordable, surtout pour les architectes", estime Guillaume Crédoz.

 

 


L'architecte français montre une maquette en béton et polyamide
imprimée en 3D. Photo Elie Wehbe

 


"Une révolution industrielle"

Avec cette machine et un minimum de connaissances dans le domaine, n'importe quel professionnel, artiste, designer ou architecte, peut modéliser en 3D un objet ou un prototype qu'il a lui-même conçu, puis l'imprimer. Un particulier peut aussi se faire imprimer une pièce de rechange, pour peu qu'il puisse la modéliser correctement et la faire réaliser dans un matériau adéquat. Ce qui permet d'éviter de passer commande auprès d'un fournisseur officiel.

 

"L'impression 3D est la révolution industrielle 2.0", estime Guillaume Crédoz, qui justifie son postulat en donnant l'exemple suivant : "Mon garagiste, qui conduit une Audi, m'a montré une petite pièce de sa voiture cassée en deux. Il s'agit d'une hélice nécessaire pour pomper l'eau et refroidir le moteur. La pièce de rechange coûte 300 euros et il faut attendre deux mois, après l'avoir commandée, pour qu'elle arrive d'Allemagne. Moi, j'ai recollé le morceau cassé, puis j'ai numérisé l’hélice et je l'ai imprimée en 3D. Mon garagiste a installé la pièce et elle fonctionne très bien". Le tout pour un coût bien inférieur à la pièce originale.


Pour l'architecte, pas de doute, l'impression tridimensionnelle va très rapidement bouleverser les flux de production. "Aujourd'hui, mes enfants fabriquent leur propres jouets après avoir appris à travailler sur "Sketchup", un logiciel 3D", affirme-t-il, précisant que "produire par impression 3D vaut le coût pour des quantités inférieures à 1.000 unités".




Un objet imprimé en 3D. Photo Élie Wehbé

 

Les réactions des professionnels face à son imprimerie beyrouthine sont en tout cas très positives. "C'est grâce à eux que j'ai pu lancer le projet", raconte-t-il, tout en reconnaissant que les profanes ne saisissent pas tout de suite de quoi il s'agit. "Nous devons éduquer les gens pour que cette technologie soit mieux comprise. Certains viennent nous voir avec une photo qu'ils veulent transformer en objet. Ça ne marche pas comme ça", dit-il.

 

Quant à ceux, inspirés par Cody Wilson, l'étudiant américain de 25 ans qui vient de produire un pistolet grâce à une imprimante 3D, qui seraient tentés de se faire fabriquer une kalachnikov chez Guillaume Crédoz, l'architecte répond : "N'y pensez même pas!"

 

Rapid Manufactory envisage de lancer un concours lors de la Beirut Design Week en juin prochain. L'entreprise y tiendra aussi des conférences et des ateliers pour parler de l'impression tridimensionnelle.

Cette année, avec le printemps est arrivée, dans le quartier de Mar Mikhaël à Beyrouth, une nouveauté : la première imprimerie 3D du Liban et du Moyen-Orient.
 
Aux commandes, un architecte français, Guillaume Crédoz, qui n'avait initialement pas l'intention de lancer ce projet au Liban, mais en Syrie. "En 2006, j'ai acheté un ancien palais ottoman dans la vieille ville de Damas à...

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