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Culture - Exposition

De la mémoire sur « Pellicula »

À la galerie Janine Rubeiz, jusqu’au 15 mai, « Pellicula ». Une exposition collective réunit 4 artistes qui ont abordé, chacun avec ses moyens, la pellicule : François Sargologo, Gregory Buchakjian, Hanibal Srouji et Geitani.

Buchakjian et l’amnésie qui menace.

Deux artistes ont présenté des œuvres directement liées à la pellicule photographique, celle qui capte une mémoire et qui, par là même, est confrontée à fragmentation, à dissolution, à disparition... Les deux autres artistes ont abordé le thème sur un registre plus métaphorique, la pellicule représentant tout support sur lequel la mémoire se reflète.
Avec «Au-delà de la mer», François Sargologo questionne à travers son installation composée de 25 pièces – un livre, 12 photos, 12 textes – le temps qui passe. C’est «une exploration méditative sur l’“impermanence” de la vie et la persistance de la mémoire», écrit Nada Koleilat Doany, dans sa présentation du travail de François Sargologo.
Un mur décrépi, portant des graffitis; une belle maison abandonnée ; une chaise seule éclairée par une lumière filtrée de fin du jour... Dans les photos de François Sargologo, le temps semble avoir suspendu son vol. Pas de complainte ni de regret, pas de tristesse ni de larmes, mais juste un constat: le temps passe. Ces photos pourraient être désuètes. Il n’en est rien. Elles sont chargées d’une histoire. Elles ont réussi à figer le temps; à en fixer un instant. Elles sont toutes assorties d’un texte, quelques lignes pour attraper encore quelques fils, avant que la mémoire ne se soit complètement dissoute.


Sous le mur décrépi, ces mots: «...ces pages contenaient peut-être la vérité, elles pouvaient aussi sûrement contenir le mensonge, ou les deux.» Sous la chaise vide, ces réflexions: «Sélim a disparu un matin de septembre, il reste le souvenir de cet été passé ensemble.» Et sous la maison abandonnée, un souvenir: «Et la maison du professeur, où celui-ci vivait peut-être encore?»


Et comme pour contrebalancer toute cette mémoire, un livre écartelé entre deux plaques de plexiglas exhibe une double page au texte biffé, à l’illustration noircie, « à l’image de notre mémoire, censurée », constate le photographe.
«Ces photos, en couleurs, proviennent d’un matériau que j’ai retrouvé par hasard. Ces photos ont été prises entre 1980 et 1984, explique François Sargologo. Ces photos étaient belles, mais pas suffisantes. Elles m’ont inspiré des textes, courts, pas toujours en lien avec elles.» Ces textes sont comme des morceaux d’histoires, des mots mis sur une mémoire pour la préserver de la dissolution. Les douze tirages présentés sont une petite partie du matériel qui reste encore à trier. «Cette série une fois complétée sera composée de 24 photos et de films en Super 8», précise Sargologo.
La pellicule photographique, qui se montre parfois étonnamment résistante – preuve en est ces pellicules qui ont résisté à l’usure pendant plus de 30 ans –, supporte souvent bien mal les aléas notamment météorologiques. C’est le cas des photos qu’expose Gregory Buchakjian.


Sous le titre «Leningrad», Gregory Buchakjian donne à voir une petite série de photos de cartes postales et diapositives – reproduites à l’échelle – qu’il a récupérées dans une maison en ruine «comme il y en a tant encore à Beyrouth et alentours», explique-t-il. Depuis 2009, Gregory Buchakjian, dans une course effrénée contre les promoteurs, repère les maisons anciennes, abandonnées, en «danger» de destruction, obtient les autorisations pour y entrer – ou pas – et y récupère tout ce qui peut l’être: des trésors qui n’intéressent ni revendeurs ni antiquaires, mais qui, lui, le fascinent: tout genre de documents, photos, diapos, agendas, courriers, cahiers de note... Comme pour lutter, parcelle après parcelle, contre l’alzheimer qui gagne petit à petit du terrain.


Quand François Sargologo l’invite à participer à cette exposition, il propose ce miniprojet «Leningrad», fragment d’un projet plus global de récupération et de sauvegarde des mémoires. Projet titanesque sur lequel Buchakjian, professeur d’histoire de l’art à l’ALBA, travaille depuis 2009; et il n’est pas le seul, souligne-t-il, comme pour se rassurer. Et il en a bien besoin. «Nous vivons dans une ville qui détruit à une vitesse galopante sa mémoire, dans un pays qui revendique une farouche volonté d’amnésie», remarque-t-il.


Ces images de Leningrad, «elles étaient très belles, mais en piteux état, s’effritant à la moindre manipulation. La maison qui les abritait avait été bombardée en 1989 et laissée en l’état.» Il prend donc ces diapositives et photos... en photo. «Je prends ces choses car personne n’en veut, explique-t-il. Je suis leur hôte provisoire, en attendant de les remettre aux archives nationales ou à d’autres fonds (comme par exemple l’association Beit Beyrouth)».
Avec «Circles», Hanibal Srouji donne à voir des cercles à la texture grumeleuse, flottant sur les murs comme des bulles de mémoires que le moindre souffle de vent s’apprête à emporter au loin. À moins qu’un vent un peu plus violent ne nous les éclate à la figure...


Prenant un peu le contre-pied de ses coexposants, Bassam Geitani, lui, avec «Merry-go-round», utilise l’anamorphose – une image née d’une perspective distordue – pour, à partir d’une réalité déformée – des poupées en chiffon bizarrement élongées –, obtenir, sur un cône en argent, une image proportionnée.

 

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