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À La Une - Crise

Et au milieu des deux Corées... Kaesong

Pyongyang empêche l’accès du complexe aux Sud-Coréens, Séoul menace ; Pékin demande « calme et retenue » ; Moscou et Paris s’inquiètent et Washington déploie des missiles à Guam.

L’armée nord-coréenne a annoncé hier qu’elle avait reçu l’approbation finale pour déclencher des opérations militaires contre les États-Unis, y compris d’éventuelles frappes nucléaires. Dans un communiqué cité par l’agence de presse officielle nord-coréenne KCNA, l’état-major général de l’armée déclare informer officiellement Washington que les menaces américaines seront « écrasées » par des « moyens de frappe nucléaire ». « L’opération impitoyable » des forces nord-coréennes « a été définitivement examinée et ratifiée », affirme aussi le communiqué.


Plus tôt dans la journée, le secrétaire d’État américain John Kerry avait dénoncé, aux côtés de son homologue sud-coréen Yun Byung-se, « la rhétorique inacceptable (...) du gouvernement nord-coréen ces derniers jours ». Et de poursuivre : « En fin de compte, ce que (le dirigeant nord-coréen) Kim Jong-un choisit de faire, c’est de la provocation. C’est dangereux, imprudent, et les États-Unis n’accepteront pas la République populaire démocratique de Corée en tant qu’État nucléaire. » C’est pourquoi les États-Unis vont déployer « dans les prochaines semaines » une batterie antimissile Thaad sur l’île de Guam, où ils disposent d’une importante base militaire, face aux menaces nord-coréennes, a annoncé hier le Pentagone.


En recourant à la politique du pire, le jeune dirigeant nord-coréen Kim Jong-un ne fait que perpétuer une pratique chère à ses aïeuls, mais ses provocations, souligne-t-on à Washington, visent désormais plus clairement les États-Unis. Son père Kim Jong-il et son grand père Kim Il-sung étaient déjà des adeptes de cette méthode, mais la personnalité méconnue de leur héritier et la rareté des renseignements sur l’état de son régime laissent planer le doute sur ses réelles intentions et sa détermination. « Tout le monde se demande si ce gars-là sait où sont les limites », résume un membre de l’administration américaine. « On n’en sait pas assez sur lui pour déterminer s’il a la subtilité dont son père faisait preuve dans la confrontation diplomatique », ajoute-t-il.


La Corée du Nord a empêché hier les employés sud-coréens d’entrer dans le complexe industriel intercoréen de Kaesong, qui produit deux milliards de dollars de revenus annuels, poussant Séoul à ne pas exclure une action militaire pour protéger ses ressortissants. Ce complexe, situé en territoire nord-coréen et symbole de la coopération entre les deux pays, est ainsi devenu le dernier foyer de crispation dans la péninsule coréenne qui connaît une très nette escalade des tensions. « Le Nord nous a indiqué ce matin qu’il n’autoriserait que les départs depuis Kaesong et interdirait les trajets vers » le complexe, a déclaré mercredi Kim Hyung-suk, porte-parole du ministère sud-coréen de l’Unification, en charge des relations entre les deux pays.


Séoul a prévenu qu’il disposait d’un plan d’urgence, qui prévoit un possible recours à la force, pour garantir la sécurité de ses citoyens travaillant à Kaesong. Les 484 Sud-Coréens qui devaient se rendre au sein du complexe n’ont pas été autorisés à le faire par la Corée du Nord, selon le ministère. Sur les 861 Sud-Coréens présents à Kaesong hier, 33 avaient quitté le site hier après-midi, des centaines ayant décidé de rester pour assurer le bon fonctionnement des entreprises. « Nous avons préparé un plan d’urgence, y compris une possible action militaire, en cas de situation grave », a fait savoir le ministère de la Défense à propos de la protection des Sud-Coréens sur le site. « Ici, ça marche comme d’habitude. Il ne semble pas que le site sera fermé », a déclaré un cadre sud-coréen depuis l’intérieur du site, Kim Dong-kyu, d’un ton calme. La zone industrielle implantée à 10 km à l’intérieur de la Corée du Nord a été inaugurée en 2004 dans une volonté symbolique d’établir une coopération entre les deux Corées.

Dictateur « imprévisible »
La Russie s’est dit très préoccupée par la situation « explosive, à proximité de (ses) frontières en Extrême-Orient », tandis que la Chine, seul allié de poids de Pyongyang, a demandé à « toutes les parties concernées de garder leur calme et de faire preuve de retenue ». Pour sa part, la France a souhaité hier que la Chine, qui a « du pouvoir sur la Corée du Nord », intervienne dans la crise, par la voix de son chef de la diplomatie, Laurent Fabius, qui n’a pas exclu un recours à l’arme nucléaire par un dictateur « imprévisible ». Celui-ci a ajouté avoir « demandé une réunion du Conseil de sécurité » de l’ONU, annonçant qu’il se rendrait « en Chine à la fin de la semaine prochaine ». À Berlin, un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Andreas Peschke, a également appelé Pékin à jouer un rôle apaisant vis-à-vis de Pyongyang. « Nous attendons de la Chine, qui a un rôle particulier, en tant que voisin et jusqu’ici plus important allié de la Corée du Nord, de jouer ce rôle de façon responsable et apaisante », a-t-il dit hier.

Émeutes
Précieuse source de devises étrangères dont la Corée du Nord a grand besoin, le complexe de Kaesong est toujours resté ouvert malgré les crises répétées sur la péninsule, à l’exception d’une seule journée, en 2009. Pyongyang en avait bloqué l’accès pour protester contre des manœuvres militaires conjointes américano-sud-coréennes. Kaesong accueille environ 53 000 Nord-Coréens travaillant pour le compte de 120 entreprises sud-coréennes, dans le secteur manufacturier principalement. Cho Han-bum, analyste à l’Institut coréen pour l’unification nationale, juge peu probable une fermeture du site par Pyongyang. « Fermer l’ensemble du site aurait des conséquences financières suffisamment graves pour provoquer des émeutes » parmi les employés nord-coréens, estime-t-il. Le fonctionnement du site est considéré comme un baromètre des relations intercoréennes et sa fermeture prolongée marquerait une nette escalade des tensions.


Malgré les mises en garde des États-Unis et de la Corée du Sud, le Nord a multiplié les annonces et les actes de défi depuis le lancement réussi en décembre d’une fusée, considéré par la communauté internationale comme un tir d’essai de missile balistique, puis un troisième essai nucléaire en février. Et dans son bras de fer avec le reste du monde, la Corée du Nord a été plus loin mardi en annonçant son intention de redémarrer un réacteur nucléaire arrêté en 2007 en dépit des résolutions de l’ONU lui interdisant tout programme atomique.

 

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L’armée nord-coréenne a annoncé hier qu’elle avait reçu l’approbation finale pour déclencher des opérations militaires contre les États-Unis, y compris d’éventuelles frappes nucléaires. Dans un communiqué cité par l’agence de presse officielle nord-coréenne KCNA, l’état-major général de l’armée déclare informer officiellement Washington que les menaces américaines...
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