Attaqué par l'opposition qui réclame des démissions après le scandale Cahuzac, le président français François Hollande a annoncé mercredi des projets de loi sur la transparence de la vie politique et assuré que son ex-ministre n'avait bénéficié d'aucune protection de l'Etat.
"J'affirme ici que Jérôme Cahuzac n'a bénéficié d'aucune protection autre que celle de la présomption d'innocence et il a quitté le gouvernement à ma demande dès l'ouverture d'une information judiciaire", a affirmé François Hollande dans une déclaration télévisée solennelle, enregistrée avant un départ de France pour une visite officielle au Maroc.
Le président a dénoncé "un outrage fait à la République" en évoquant les mensonges de son ancien ministre chargé de la lutte contre la fraude fiscale et titulaire d'un compte à l'étranger totalisant 600.000 euros. Et il a annoncé plusieurs projets de lois sur la transparence de la vie politique.
Le gouvernement soumettra au Parlement "dans les semaines qui viennent" un projet visant à "assurer la publication et le contrôle sur les patrimoines des ministres et de tous les parlementaires", a ainsi précisé le président. Afin de lutter de "manière impitoyable contre les conflits entre les intérêts publics et les intérêts privés", il est aussi prévu d'interdire à l'avenir de mandat tout condamné pour corruption ou fraude fiscale, a ajouté le chef de l'Etat.
La déclaration télévisée solennelle de François Hollande.
Après avoir nié depuis décembre la possession d'un compte secret à l'étranger, Jérôme Cahuzac, ancien président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale et ex-chirurgien, a admis mardi avoir menti au président, au Premier ministre, au gouvernement, au Parlement et à plusieurs médias. Il a été mise en examen (inculpé) pour blanchiment de fraude fiscale, ce qui peut lui valoir jusqu'à cinq ans de prison en sus d'une amende.
Appels à de nouvelles démissions
L'affaire Cahuzac a sidéré ses anciens partenaires politiques, qui crient à la trahison. Elle provoque aussi dans l'opposition depuis mercredi des appels à de nouvelles démissions de membres du gouvernement.
Le député de droite UMP Claude Goasguen a ainsi réclamé mercredi "dans les plus brefs délais" le départ du ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, qui avait autorité dans ses fonctions sur Jérôme Cahuzac.
"Comment peut-on se dire que le ministre Moscovici lui non plus ne savait rien alors que c'est lui le ministre essentiel de Bercy (ministère de l'Economie et des Finances)?", a aussi lancé le chef de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, en demandant : "Où s'arrête la chaîne du mensonge?"
Début février, Pierre Moscovici avait confirmé avoir reçu un document des autorités suisses dans le cadre de l'enquête Cahuzac sans toutefois en dévoiler le contenu, au nom du "secret fiscal".
"Qui peut croire aujourd'hui que François Hollande et (le Premier ministre) Jean-Marc Ayrault n'étaient au courant de rien?", s'est aussi étonné le président de l'UMP, Jean-François Copé, tandis que la présidente du Front national (extrême droite), Marine Le Pen, réclamait la démission du gouvernement et la dissolution de l'Assemblée nationale.
Dans la majorité de gauche, le responsable du parti socialiste, Harlem Désir, a annoncé que "Cahuzac s'était exclu de fait" de cette formation. "Il n'en sera plus membre", a-t-il dit, alors que l'ex-ministre, 60 ans, pouvait, selon le droit constitutionnel, redevenir député dans trois semaines.
Cofondateur du site internet Mediapart qui a révélé l'affaire Cahuzac, Edwy Plenel a jugé mercredi que François Hollande n'avait "pas d'excuse" pour ne pas avoir réagi plus vite alors qu'il "savait exactement ce que tout le monde savait".
Mardi, l'ex-ministre français du Budget Jérôme Cahuzac, inculpé pour blanchiment de fraude fiscale, a reconnu avoir menti aux plus hautes autorités de l'Etat. Miguel Medina/AFP
Dans la presse
La presse française fustige également le mensonge et dénonce la trahison de Jérôme Cahuzac, ancien ministre du Bugge
"C'est une ignominie. Avec ses dissimulations, ses mensonges, Jérôme Cahuzac a fait bien plus que salir son honneur", écrit Eric Decouty dans Libération, pour qui "l'existence de son compte en Suisse est la première des fautes" de l'ancien ministre du Budget, qui a jeté "l'opprobre sur son action, discrédité la parole politique et soulevé des doutes quant à l'autorité du chef de l'Etat".
Pour Paul-Henri du Limbert du Figaro, "à l'heure où la France s'enfonce chaque jour un peu plus dans la crise, rien n'est plus grave que l'atmosphère de suspicion généralisée que provoquera inévitablement l'affaire Cahuzac".
"Le scandale politique est énorme", clame également Patrick Apel-Muller dans L'Humanité, car "l'homme qui tenait entre ses mains le budget de la France, qui pilotait l'administration fiscale et traquait les fraudeurs était lui-même un malfaiteur, auteur depuis plus de vingt ans d'évasions de capitaux et de dissimulation de ressources".
La Une de Libération et celle du Figaro.
"Dans la stratégie du mensonge éhonté devant micros et caméras, on ne voit guère que Lance Armstrong pour rivaliser avec Jérôme Cahuzac !", ironise Hervé Favre dans La Voix du Nord.
"Depuis des mois (...) l'ancien ministre du Budget a multiplié les mensonges avec une constance qui n'avait d'égale que sa morgue à l'encontre de ses accusateurs", rappelle, pour sa part Dominique Garraud dans la Charente Libre, ajoutant que cette affaire est "symptomatique de dérives individuelles nourries par un sentiment insupportable d'impunité".
Un sentiment partagé par Jacques Camus (La Montagne Centre France) soulignant que "comme d'autres avant lui", Jérôme Cahuzac s'est "fourvoyé dans la spirale du mensonge en espérant une trompeuse impunité".
Dans le Midi Libre, Jean-Michel Servant ose un rapprochement avec l'affaire DSK, jugeant qu'au final, cela concerne "deux mensonges, deux hommes rattrapés par la justice, deux gâchis énormes et une classe politique sonnée, humiliée, trahie".
Répercussions
Plusieurs éditorialistes estiment en outre que ces aveux pourrait avoir des répercussions jusque dans les plus hautes sphères de l'Etat.
"Ce rebondissement n'est pas moins dévastateur pour le président de la République qui a accordé sa confiance à un homme brillant, mais fragile", selon Raymond Couraud de l'Alsace, et qui va devoir "subir les conséquences de cette affaire sur son image de marque déjà érodée".
Ce "mensonge éhonté" selon Christophe Bonnefoy du Journal de la Haute-Marne, "s'il brise tout net le destin d'un homme, est également une épine supplémentaire dans le pied de François Hollande".
Et Bruno Dive dans Sud Ouest de reconnaître qu'aujourd'hui "les deux têtes de l'exécutif se trouvent bafouées". Pour cet éditorialiste, "au plus bas dans les sondages, en proie à une crise économique qu'ils ne savent pas comment affronter, menacés d'une crise sociale, Hollande et Ayrault n'avaient vraiment pas besoin de cette crise morale et politique".
"Le contrat de confiance entre le peuple et ses gouvernants est rompu", déplorait mercredi dans un éditorial le journal Le Monde.
Pour le politologue Jérôme Fourquet, les aveux de Jérôme Cahuzac posent effectivement "la question de l'autorité du président et de sa capacité de discernement".
L'affaire Cahuzac secoue le gouvernement alors que le président Hollande, après seulement dix mois de mandat, fait déjà face à de multiples difficultés sur les plans économiques et sociaux : chômage en hausse, report des objectifs de réduction des déficits, impopularité, mobilisation massive des adversaires du mariage homosexuel..
Pour mémoire
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commentaires (5)
Pauvre François,pauvre misère...çà va pas du tout pour lui en ce moment.Mais quand on vit avec l'héritière d'une banque d'affaires,faut pas trop s'étonner d'y être,dans les affaires,et jusqu'au cou encore...tiens,a propos d'héritière,ferait bien de s'inquiéter de ce côté là...banquier ou héritier de banquier,du pareil au même...l'équipement complet passe par un off-shore...c'est génétique!
GEDEON Christian
16 h 40, le 03 avril 2013