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Campus - Enquête

Jeunes et voyance : entre dénonciation et louanges

La voyance rencontre-t-elle un réel succès parmi les étudiants ? Où est-ce un engouement passager pour pallier l’incertitude ambiante ? Le fait est que la divination, qui existe depuis des siècles, a ses adeptes parmi les jeunes Libanais.

Il suffit de leur poser la question discrètement pour que leurs langues se délient et qu’ils racontent s’il leur est déjà arrivé de consulter une voyante.
« J’avoue qu’une telle visite peut être déstabilisante, mais cela ne m’empêche pas d’y aller souvent », confie Tatiana, 27 ans, licenciée en sciences politiques de l’AUB et étudiante au master en diplomatie et négociations stratégiques en cotutelle entre les universités La Sagesse et Paris-Sud. « Je suis curieuse de nature. Je crois au sixième sens et aux pouvoirs surnaturels. Mais je prends ce qu’on me prédit à la légère », poursuit-elle.
Élise Turk, 22 ans, est étudiante à l’ALBA-Université de Balamand. La jeune architecte en devenir affirme : « Cela va à l’encontre de ma religion. Ma famille est très croyante. Au fond de moi, je me dis que si je vivais ailleurs, j’aurais peut-être pensé consulter un voyant. » Pour Élise, l’avenir est entre les mains de Dieu.
Fady Najem, étudiant de 20 ans à l’UL, partage cet avis. « Croire en Dieu nous empêche de croire en ces bêtises », affirme-t-il.
Pour Ralph Abdelnour, 23 ans, licencié de l’USJ en gestion hôtelière, c’est un tout autre son de cloche. « Je me suis rendu cet été, en compagnie d’une amie, chez une voyante, sans grande conviction d’ailleurs, juste pour m’amuser. Mais elle m’a dit des choses sur ma vie personnelle tellement vraies et si loin des clichés que cela m’a stupéfié », s’exclame-t-il. Par contre, la deuxième fois que le jeune homme a consulté une voyante, il a été déçu. Sa conclusion ? « Certaines personnes peuvent avoir un don hors du commun. De là à croire tout ce qu’elles racontent, il y a monde. »

Du côté des voyants
Malgré le prix de la consultation – 30 dollars pour le marc de café et 50 dollars pour le tarot –, les voyants sont très sollicités. La question qui se pose est alors la suivante : qu’apportent ces consultations aux jeunes ?
Pour Antoinette Abdelnour, voyante par le tarot et le marc de café, « beaucoup de jeunes viennent consulter les cartes. Ils préfèrent le tarot au marc de café. Ce qui les intéresse le plus, ce sont l’amour, les études et surtout les problèmes familiaux ». Et d’ajouter : « Je fais parfois office de thérapeute pour ceux qui sont réguliers. Je prends mon temps et je ne me presse pas de terminer la visite. »
Myra, 27 ans, détient un master en épidémiologie de l’AUB et travaille dans une compagnie de recherche médicale à Dubaï. Elle consulte les voyants « en moyenne deux fois par an, en début d’année et au début de l’été », lorsqu’elle est de passage à Beyrouth. « Pourtant je suis convaincue que les voyants peuvent lire nos pensées. Ils nous racontent donc ce que nous avons envie d’entendre. Leurs prédictions ne sont pas crédibles. »
À la question de savoir si les présages des voyants influent sur leurs décisions tous les jeunes interviewés répondent par la négative. La rencontre avec une voyante est pour eux un moment de détente et de réflexion interne, « tant qu’elle ne prédit pas des choses terribles ou tristes », dit Myra en riant.

L’avis d’un sociologue
Ainsi, passer un bon moment et entendre ce que l’on a envie d’entendre, c’est ce qui pousserait les jeunes à consulter les voyants. Pourtant, pour Michel Abs, sociologue chargé d’enseignement à la faculté des lettres et des sciences humaines de l’USJ, ce qui explique l’engouement des gens pour les voyants est clair : « Plus une société est angoissée vis-à-vis de l’avenir, plus il y aura des personnes, jeunes ou moins jeunes, qui consulteront les voyants. Hélas, ça n’en reste pas moins une arnaque. » Pour le sociologue, les prédictions n’ont aucune base rationnelle ni scientifique. Et il avertit que des paroles mal choisies risquent de déstabiliser les jeunes.
La meilleur suggestion reste celle d’Antoine de Saint-Exupéry : « L’avenir, tu n’as pas à le prévoir mais à le permettre. »

Karine Hayek GERMANI
Il suffit de leur poser la question discrètement pour que leurs langues se délient et qu’ils racontent s’il leur est déjà arrivé de consulter une voyante. « J’avoue qu’une telle visite peut être déstabilisante, mais cela ne m’empêche pas d’y aller souvent », confie Tatiana, 27 ans, licenciée en sciences politiques de l’AUB et étudiante au master en diplomatie et...
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