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À La Une - Conseil des ministres

Liban : Une victoire syndicale au goût amer

Le Conseil des ministres a tenu hier soir une réunion-marathon à Baabda, qui s’est achevée après minuit. Au terme de la séance de travail, tenant parole, le gouvernement a approuvé une nouvelle grille des salaires dans le secteur public, mais réduite de 10 % sur les chiffres convenus, malgré les protestations de certains ministres et l’abstention du CPL.

Les travaux du Conseil des ministres, hier. Une réunion cruciale qui sera suivie aujourd’hui d’une autre tout aussi importante. Photo Dalati et Nohra

La décision doit être considérée comme une victoire éclatante pour le Comité de coordination intersyndical de Hanna Gharib et Nehmé Mahfoud, qui lutte pour cette nouvelle grille depuis 18 mois et a décrété à cet effet, il y a quatre semaines, une grève générale ouverte. Le mouvement a réussi par ailleurs à garder les revendications à l’écart des grands clivages politiques qui divisent le Liban. La nouvelle grille des salaires a été transmise pour vote au Parlement.
Fort heureusement, les responsables, président, ministres et députés, ont eu la sagesse de s’exclure des avantages que la nouvelle grille des salaires va assurer au secteur public.


Joint tard en soirée, M. Mahfoud a annoncé que le mouvement de grève prendra fin samedi matin, mais qu’une grande manifestation se prépare pour la semaine prochaine, afin de bloquer certaines des réformes introduites par le gouvernement, qui remettent en cause des acquis syndicaux chers aux enseignants. La nouvelle grille des salaires prévoit notamment une réforme du temps de travail dans les administrations. Celui-ci a été fixé à 35 heures par semaine. Il est probable que les fonctionnaires travailleront désormais cinq jours sur sept, de 8 à 17 heures, avec une pause d’une heure à midi, et chômeront samedi et dimanche, mais aucune mention de ce nouvel horaire ne figure dans les résolutions lues par le ministre des Affaires sociales, Waël Bou Faour.


Avant d’approuver la grille des salaires, le gouvernement a approuvé certaines réformes administratives et les sources de recettes nécessaires au financement de la nouvelle grille. Au nombre des réformes introduites figurent, outre le temps de travail, qui passe donc à 35 heures, la réduction du nombre des heures supplémentaires à 36 heures et les indemnités à 40 % du salaire, la réduction au mois d’août des vacances judiciaires, la réduction à 5 ans du nombre d’années supplémentaires de service des fonctionnaires parvenus à l’âge de la retraite (sans effet rétroactif) et enfin l’arrêt de l’embauche dans les administrations (au profit de l’embauche contractuelle).


Au chapitre des recettes, le gouvernement a été au plus facile : les taxes et impôts indirects, comme l’augmentation de la TVA de 10 à 15 % sur certains produits de luxe (caviar, saumon, crevettes... ! ) et l’alcool importé, les voitures de luxe (l’électroménager a échappé de justesse à cette augmentation), mais aussi sur les téléphones portables et leurs pièces de rechange. Il a été gratter des fonds de tiroir dans les frais de timbre, les factures du téléphone, les extraits d’état-civil (de 2 000 à 4 000 LL), les factures commerciales, les permis de construire, les licences d’embouteillage d’eau potable, les puits artésiens, les frais de notaire, la taxe de sortie des voyageurs, les lots gagnés à la loterie ( ! ), les règlements de contravention à la loi sur le bâtiment, les gains effectués sur les transactions immobilières, les frais de location de biens-fonds maritimes, etc.

Un goût d’amertume
La victoire salariale laisse tout de même un goût d’amertume. Aussi bien le comité syndical qui a lutté pour l’obtenir que le ministre des Finances, Mohammad Safadi, qui en assure les fonds, et certains ministres sont profondément insatisfaits. Pour ce dernier, l’approbation de la grille est « un acte politique » contraire à toute rationalité financière. L’augmentation des salaires se fait dans un contexte de stagnation économique dangereux et de grande volatilité sécuritaire. Aucune mention n’est faite d’une éventuelle politique d’austérité et de réduction des dépenses de l’État ni du train de vie des délégations officielles. Ni la lutte contre le gaspillage, ni le vol caractérisé, ni l’évasion fiscale ne sont mentionnés au chapitre des résolutions ou des réformes, alors qu’il est de notoriété publique qu’au port, un manque à gagner évalué par certains experts à 2 milliards de dollars est détourné au profit de certains intérêts privés.


Le comité syndical, pour sa part, souhaitait que le financement de la nouvelle grille des salaires ne se fasse pas aux dépens des catégories sociales à revenu limité, ou de ce qui reste de la classe moyenne, ce qui équivaut à leur reprendre d’une main ce qu’on leur accorde de l’autre. Or cet objectif n’est que très timidement atteint, puisque les grandes compagnies, les exploitants de biens-fonds maritimes et les grandes transactions immobilières échappent à la taxation, alors qu’elles pouvaient rapporter, selon le ministre Gebran Bassil, un milliard de dollars, « soutiré des riches et accordé aux pauvres ». En comparaison, la réduction de 5 % de la grille des salaires ne totalise que 25 millions de dollars, a-t-il indiqué.

Report des points litigieux
Par ailleurs, le Conseil des ministres a reporté les points controversés figurant à son ordre du jour. Le premier porte sur la prorogation du mandat du directeur général des FSI, le général Achraf Rifi ; le second sur la formation de la commission de supervision des élections législatives, un complément administratif à la loi électorale de 1960 en vigueur. Normalement, le gouvernement devrait se retrouver aujourd’hui, à 16 heures, pour poursuivre l’examen de ces deux questions, superficiellement abordées hier.


On sait, d’ores et déjà, que le Hezbollah est hostile au renouvellement du mandat du général Rifi, dans l’espoir qu’il soit remplacé par un officier qui lui est acquis politiquement. La séance d’aujourd’hui devrait donc être déterminante pour le rapport de forces politiques qui marque le pays.


La flambée de violence à Tripoli, la loi électorale et les pourparlers à Rome de Nagib Mikati et Nabih Berry, avec le patriarche Béchara Raï, ont été rapidement passés en revue en début de séance par le président Sleiman. Le chef de l’État a également insisté sur la nécessité d’une nouvelle réunion de la conférence de dialogue national.

 

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