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Moyen Orient et Monde

Obama dans le nouveau monde d’Israël

Par Diana PINTO*
Maintenant que Benjamin Netanyahu a formé un nouveau gouvernement israélien à partir d’un étourdissant kaléidoscope de possibles permutations postélectorales, la politique du pays s’est-elle déplacée vers le centre ? Le président américain Barack Obama, alors qu’il prépare sa première visite officielle, aurait tort de le penser.
La deuxième place inattendue du nouveau parti Yesh Atid (« Il y a un avenir ») de Yair Lapid aux récentes élections a certainement contribué à modifier le profil du gouvernement : les deux principaux partis orthodoxes, le Shass et le Judaïsme unifié de la Torah, ne sont plus dans la course, tandis que deux partis centristes plus petits, Kadima et Hatnua, sont concernés. Mais ceux qui ont lâché un soupir de soulagement devant le recul du Likoud de Netanyahu et des partis d’extrême droite du pays devraient pourtant s’inquiéter plus que jamais.
Le marchandage politique est terminé pour le moment, et le résultat semble scellé. Netanyahu restera Premier ministre et chaque parti – qu’il soit ou non au pouvoir – est prêt à bloquer, affaiblir, ou à faire modifier toutes les mesures du nouveau gouvernement. En Israël, la question qui se pose aujourd’hui n’est pas de savoir si le centre résistera, mais s’il compte encore.
Que ce soit en matière de politique intérieure ou extérieure, Israël ne s’est pas à proprement parler rapproché du centre alors qu’il adoptait un nouveau type de consensus national apparu en 2011. Aux mois de mai et juin de cette même année, alors que la communauté internationale envisageait encore l’éventualité d’un échange de terres en vue d’un accord de paix de plus en plus improbable avec les Palestiniens, les Israéliens se focalisaient dans une bataille interne concernant la réglementation sur le fromage de chèvre.
Le nouveau consensus a été parfaitement symbolisé par les protestations populaires massives qui ont éclaté deux mois plus tard, réunissant principalement des Israéliens jeunes et économiquement frustrés de la classe moyenne qui à une époque auraient pu être politiquement divisés par leurs allégeances soit au Parti travailliste de centre gauche, soit au Likoud de Netanyahu. Aucune mention n’a été faite, ni à l’époque ni aujourd’hui, à propos d’un besoin d’initiatives de paix ; de l’état d’esprit des invisibles (aux yeux des Israéliens) Palestiniens, maintenant relégués de leur côté du mur de sécurité ; ni des inégalités grandissantes qui séparent les citoyens israéliens arabes de leurs homologues juifs.
En représentant les aspirations de la classe moyenne israélienne à la recherche d’un meilleur deal économique, Yair Lapid et Naftali Bennett du parti nationaliste du Foyer juif sont devenus les deux faces d’une pièce de monnaie politique nouvellement frappée, soutenue par une notion identitaire ethnique et nationale repliée sur elle-même dans un pays qui se considère seul au monde. Cette identité peut être laïque ou religieuse ; il se peut qu’elle soit à la recherche d’une normalité de classe moyenne ou qu’elle désire proclamer une version israélienne d’une destinée manifeste – les deux ne sont pas incompatibles. Quoi qu’il en soit, le pays ne résonne plus des attentes, des espoirs et des craintes d’un monde encore concentré (de moins en moins) sur une résolution du conflit israélo-palestinien. Israël n’est plus à l’écoute de l’angoisse de ses propres sionistes cicéroniens, dont le meilleur représentant est probablement le romancier Amos Oz. Israël a simplement cessé de chercher à réconcilier son identité juive avec son engagement envers la démocratie, dans la mesure où il a cessé de tenter de résoudre la contradiction que représente la question israélo-palestinienne. En termes simples, cette contradiction n’est plus pertinente aux yeux du nouvel Israël. En dépit des profondes frustrations économiques de nombreux citoyens de la classe moyenne (les vrais indigents n’ont pas manifesté), Israël est devenu une puissance économique et militaire globale. Le pays vit de plus en plus dans sa propre réalité virtuelle, à la fois proche et très distante de la prémodernité révolutionnaire de la plupart de ses voisins.
En effet, Israël est maintenant sur le même pied d’égalité que toutes les nouvelles puissances montantes d’un monde de plus en plus globalisé. Peu d’entre elles sont des démocraties et aucune d’elles ne tient Israël pour responsable pour sa politique de colonisation en Cisjordanie ou ne se préoccupe, comme les États-Unis, de la paix au Moyen-Orient. Pourquoi Israël continue-t-il de se focaliser sur un Occident affaibli qui le réprimande constamment lorsque le reste du monde l’accueille? Et la vieille opposition laïque/religieux n’a plus la même importance. Israël est devenu postmoderne, produisant de nouvelles – et parfois étonnantes – synergies dans sa sensibilité high-tech avant-gardiste, ses identités religieuses et toujours plus orthodoxes, et sa vision globalement ethnonationaliste. Son passé biblique peut maintenant coexister sans heurt avec son présent ultramoderne. Les nouveaux millionnaires d’Israël peuvent aisément vivre dans les implantations reculées de « Judée et Samarie » et se rendre quotidiennement vers leurs start-up sur la côte. L’armée, elle, est déjà devenue le champ de cadres nationalistes et religieux, même sans conscription des ultraorthodoxes – l’une des exigences du camp centriste visant à une plus juste répartition de la charge nationale. L’État israélien est donc en conséquence plus proche de ses homologues asiatiques, de leur intérêt appuyé pour l’innovation économique et de leur indifférence vis-à-vis des valeurs universelles, ou, d’ailleurs, de la paix.
Israël est désormais fier d’être dans son propre monde, dans lequel il se sent libre d’agir unilatéralement et d’ignorer les critiques vaines de l’Europe (et maintenant en partie des États-Unis). Il n’y a aucune raison de croire que le nouveau gouvernement de Netanyahu cherchera à raviver un processus de paix de moins en moins convaincant et moribond, se contentant d’offrir des promesses verbales et des demi-mesures sans conséquence. Et personne ne devrait non plus s’attendre à un moratoire sur l’expansion des colonies. Au contraire, ces implantations offrent des habitations moins chères que ce qu’Israël propose ailleurs, et peuvent donc contribuer à résoudre l’un des principaux problèmes économiques de la classe moyenne du pays. « Les lignes jaunes » en Israël ont le chic pour devenir des lignes dessinées dans le sable, qui disparaissent au moindre coup de vent. Le fragile équilibre du nouveau gouvernement ne fait que renforcer cette interprétation mesurée. En Israël, Obama trouvera un pays qui a en effet changé, mais pas vers un centre absent. Il s’est déplacé dans sa propre orbite.

Traduit de l’anglais par Frédérique Destribats.
© Project Syndicate, 2013.

*Diana Pinto est historienne et l’auteur d’Israel Has Moved (Israël s’est déplacé).
Maintenant que Benjamin Netanyahu a formé un nouveau gouvernement israélien à partir d’un étourdissant kaléidoscope de possibles permutations postélectorales, la politique du pays s’est-elle déplacée vers le centre ? Le président américain Barack Obama, alors qu’il prépare sa première visite officielle, aurait tort de le penser.La deuxième place inattendue du nouveau...

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