Dans son domicile de Kfarzabad, l’adolescent jouait avec son aîné de deux ans, tandis que la mère accomplissait ses tâches ménagères. C’est elle qui retrouvera ensuite son cadet mort dans sa chambre. Le père de la victime est un adjudant-chef des Forces de sécurité intérieure, en poste à Zahlé, selon une source sécuritaire interrogée par L’Orient-Le Jour.
C’est d’ailleurs en contenant dignement ses émotions qu’un responsable des FSI dans la région de la Békaa a émis des réserves sur la thèse du suicide, qui avait été pourtant confirmée, plus tôt dans la journée, par un officier de la gendarmerie de Zahlé à L’OLJ.com. « L’enquête a été confiée hier à un officier (et non un aspirant) des FSI, tant le dossier est délicat », a précisé le responsable des FSI à L’OLJ. « L’on ne peut anticiper l’enquête en évoquant le suicide », a-t-il encore ajouté. Alors qu’aucun membre de la famille n’a été interrogé hier, de toute évidence, l’enquête aura indiqué jusque-là qu’aucun visiteur ni étranger ne se trouvait au domicile lorsque le drame s’est produit.
Le responsable a préféré évoquer « une mort accidentelle ». « Il n’apparaît absolument aucune raison, ni implicite ni visible, susceptible d’appuyer la thèse du suicide. » « La victime n’a jamais rien exprimé dans ce sens, et sa famille ne souffre ni de frustration ni d’ignorance », a-t-il précisé.
Qu’est-ce qui donc entretient, entre les étincelles d’un esprit jeune, la volonté de disparaître ?
Interrogé sur ce point par L’OLJ, le psychanalyste Chawki Azouri s’est abstenu de se prononcer sur le cas de Kfarzabad. Il préfère évoquer d’une manière générale le malaise de l’adolescence, que « les caractéristiques communautaristes de la société libanaise » accentuent. Il ne faudrait pas – il faut le souligner – chercher dans ses propos quelque allusion, directe ou indirecte, à l’affaire susmentionnée. Force est de prendre en considération la difficulté de la phase de l’adolescence. Alors que celle-ci commence au moment où l’enfant devient pubère, la postadolescence (cette notion situe la fin de l’adolescence vers l’âge de 22 ans), aujourd’hui largement reconnue, « indique que la crise d’adolescence dure dix ans ». Chawki Azouri évoque même « l’adolescence comme crise », une crise dont la principale caractéristique serait la non-détermination de l’identité. « L’adolescent n’est plus un enfant, mais il n’est pas encore un adulte. Il n’a pas d’identité », explique-t-il. Les questions radicales que se pose alors l’adolescent créent un malaise qui est aujourd’hui grandissant, aussi bien dans le monde qu’au Liban. « En Occident, la question de l’identité sexuelle par exemple est battue en brèche depuis des années par le phénomène de féminisation des garçons et de la masculinisation des filles », explique-t-il.
« L’adolescent fasciné d’absolu »
Au Liban, ce qui ajoute au malaise individuel des adolescents serait plutôt « l’harmonisation de l’identité sexuelle entre l’adolescent et son milieu social et communautariste ». L’identité serait pénétrée à l’avance par des éléments imposés, noyant dans le flou les pistes de recherche de soi. Il reste que ce malaise n’est pas susceptible d’expliquer à lui seul le suicide. « Comprendre le suicide d’un adolescent, c’est savoir que l’adolescent est amoureux d’absolu », affirme Chawki Azouri. La quête de l’adolescent serait mue par l’absolu qui le fascine. Ce ne sont jamais des réponses à mi-chemin qui l’apaiseront. Et parfois, « cette quête peut entraîner l’adolescent vers le suicide, lorsqu’il se trouve dans l’incapacité de savoir autre chose que cela ». « La mélancolie peut être invisible à l’œil nu », ajoute-t-il.
Interrogé enfin sur la sensibilité parfois abondante de l’être, qui le rendrait vulnérable, il répond que « les personnes les plus sensibles sont les plus mûres », avant de conclure sur une citation d’Alfred de Musset : « L’homme est un apprenti, la douleur est son maître, et nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert. »
Un enfant de douze ans peut se suicider en sautant d'une falaise ou autrement, MAIS... peut-il se pendre soi-même ?
15 h 11, le 27 février 2013