L'impact du conflit syrien pourrait s'étendre sur des générations, a averti lundi une commission d'enquête de l'ONU sur les violences en Syrie, accusant les deux principaux protagonistes de crimes de guerre.
Créée en 2011 par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, la commission comprend plusieurs membres, dont l'ancienne procureur du Tribunal pénal international, Carla del Ponte.
Cette dernière a affirmé lundi à Genève qu'il est temps de "mettre en route la justice" internationale. "Nous suggérons la Cour pénale internationale", a déclaré Mme del Ponte, en présentant le nouveau rapport de la commission d'enquête.
Selon le nouveau document de 131 pages, "la profondeur de la tragédie syrienne se reflète de manière poignante dans le nombre de ses victimes. Les expériences atroces relatées par les survivants font état de violations graves des droits humains, de crimes de guerre, et de crimes contre l'humanité".
"La dynamique destructrice de la guerre civile n'a pas seulement des effets sur la population civile, mais réduit également à néant toute la structure sociale complexe du pays, elle met en danger les générations futures et menace la paix et la sécurité dans toute la région", avertit le rapport.
La Commission n'a jamais pu se rendre en Syrie, où le régime du président Bachar el-Assad est confronté à une guerre civile depuis mars 2011, qui a déjà fait 70.000 victimes selon des estimations de l'ONU.
"Aucune solution militaire au conflit"
Dans un premier rapport, publié en août 2012, sur la base de plus de 1.000 interviews d'auteurs et de victimes, la commission a accusé les deux parties de crimes de guerre, tout en reconnaissant une responsabilité amoindrie pour les rebelles. Dans ce nouveau rapport, basé sur presque 450 interviews, la commission indique que la situation s'est aggravée, dans une spirale de violence.
"La situation des droits humains en Syrie a continué à se détériorer", est-il indiqué dans le rapport, "le conflit est devenu de plus en plus sectaire, avec une conduite des opérations de plus en plus radicale et militarisée".
La plupart des rebelles combattant le régime sont des musulmans sunnites, alors que les détenteurs du pouvoir et leurs plus fervents partisans sont des membres de la communauté alaouite, une ramification de l'islam chiite.
"Les forces gouvernementales ainsi que les milices alliées ont commis des crimes contre l'humanité, des meurtres, des actes de torture, des viols, et sont responsables de disparitions forcées et d'autres actes inhumains", est-il précisé dans le rapport. La commission a fustigé de la même manière les rebelles. "Les deux parties du conflit ont violé les règles internationales concernant les droits des enfants en les utilisant comme des fantassins", selon le document.
Le mandat actuel de la commission d'enquête se termine le mois prochain, avec la remise prévue à la Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navanethem Pillay, d'une liste confidentielle de noms d'individus et d'unités considérés comme responsables de ces atrocités, afin de pouvoir déclencher la machine judiciaire internationale.
"Trouver les responsables des deux côtés pour tous les crimes est impératif", est-il encore écrit dans le rapport, où l'on peut également lire : "Il n'y a aucune solution militaire au conflit".
(Pour mémoire : Donner naissance... un parcours de combattante pour les réfugiées syriennes)
"Nous avons encore beaucoup à faire"
Entre-temps, Bachar el-Assad continue d'afficher sa "certitude" de pouvoir gagner la guerre contre les rebelles. "Nous sommes convaincus que l'avenir nous appartient (...). La Syrie possède la volonté de vaincre le complot", a déclaré M. Assad à des hommes politiques libanais, selon le quotidien libanais as-Safir qui ne précise pas leur identité.
M. Assad reçoit régulièrement des partisans libanais de son régime, comme le chef druze Talal Arslane, qui l'a rencontré dimanche.
"Nous sommes rassurés quant aux exploits politiques et militaires. Cela ne veut pas dire que tout est réglé, nous avons encore beaucoup à faire en politique et dans le combat contre les groupes terroristes extrémistes", a ajouté M. Assad, selon ses interlocuteurs. Le président syrien a également assuré que les "fidèles" à son régime "représentaient la majorité absolue des Syriens".
"Comment expliquez-vous alors que le corps diplomatique syrien à travers le monde soit resté inébranlable pendant deux ans, malgré les offres séduisantes faites aux ambassadeurs et aux consuls (...). Des millions de dollars leur ont été offerts, mais ils les ont refusés et c'est la preuve d'un grand patriotisme syrien", aurait-il encore dit.
Deux ambassadeurs syriens ont fait défection en 2012, celui d'Irak et des Emirats arabes unis. Le chargé d'affaires syrien à Londres, Khaled al-Ayoubi, plus haut diplomate de ce pays au Royaume-Uni, a également démissionné l'année dernière, ainsi que la chargée d'affaires à Chypre.
Nouvelle percée pour les rebelles
Sur le terrain, les rebelles syriens se sont emparés lundi d'un barrage militaire sur la route de l'aéroport international d'Alep (nord), à quelques centaines de mètres de l'aéroport militaire d'al-Naïrab, dans le cadre de la "grande bataille des aéroports" dans la zone, rapporte l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Des combats intermittents se poursuivent sur cette autoroute, a affirmé à l'AFP Rami Abdel Rahmane, président de l'OSDH, qui s'appuie sur un réseau de militants et de médecins à travers le pays.
Le 12 février, les rebelles ont lancé "la bataille des aéroports" dans la région d'Alep, pour tenter de neutraliser le principal atout du régime, sa puissance de feu aérienne. Les rebelles, bien moins équipés que l'armée, sont parvenus à contrôler l'aéroport militaire de Jarrah, la base aérienne de Hassel et la base 80, chargée de la sécurité de l'aéroport d'Alep et de celui d'al-Naïrab, situés tous à l'est d'Alep. L'un de leur principaux objectifs est de prendre le contrôle de l'aéroport international, le deuxième du pays.
L'armée syrienne , de son côté, continue son "opération de nettoyage de la zone entourant la base 80 (...) afin de mettre fin aux combats se déroulant dans ses environs", selon le quotidien al-Watan, proche du régime. "L'armée devrait étendre dans les 48 heures son contrôle sur la base 80 (après avoir) nettoyé la partie investie par les hommes armés", a ajouté le quotidien, faisant état d'une "amélioration progressive" de la situation sécuritaire à Alep.
Selon l'OSDH, des combats se déroulaient, lundi, dans des quartiers du vieux Alep, comme Sabaa Bahrat et Boustane al-Qasr. Et à Deraa (sud), les rebelles sont parvenus à détruire un barrage qui coupait une des routes menant à la frontière jordanienne. Le principal poste-frontière reste toutefois aux mains du régime.
Dans la province de Hama (centre), le régime a bombardé Qalaat al-Madiq, selon l'OSDH, tandis que al-Watan évoque la mort de "sept Tchétchènes du front jihadiste d'al-Nosra, tués par l'armée syrienne dans la région al-Ghab".
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commentaires (8)
Plus on passe à l'insulte, plus on s'éloigne des argumnetation parce qu'on manque simplement d'arguments, plus on sent l'iskat (perte) du projet initial criminel contre la Syrie et ses dirigeants...
Ali Farhat
08 h 02, le 19 février 2013