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À La Une - En dents de scie

Tragic Circus

S’il faut un visa, maintenant,
pour entrer dans le Kesrouan...
Patrick Baz, photojournaliste

REUTERS/Mohamed Azakir

Quatrième semaine de 2013.
Il n’y a rien à dire. La maison d’édition Casterman devrait sérieusement penser prospecter au Liban. Un filon d’or que cette éventuelle suite à la délicieuse Martine avec, en lieu et place de la jeune teen mi-bimbo mi-nerdy qui a fait rêver/fantasmer des générations entières, un homme. Un cheikh. Tout aussi fantasmagorique. Ahmad el-Assir.
Il faut dire que, bien illustrées, bien dialoguées, les aventures de l’imam peuvent rapporter (très) gros. Après cheikh-Ahmad-fait-du-vélo; cheikh-Ahmad-organise-des-manifs ; cheikh-Ahmad-se-fait-couper-les-cheveux; cheikh-Ahmad-attend-sayyed-Hassan-et-le-général-Michel-pour-une-partie-de-strip-backgammon ; cheikh-Ahmad-fait-trempette-dans-la-Méditerranée-en-tee-shirt-blanc ; cheikh-Ahmad-veut-protéger-la-République-des-armes-miliciennes ; cheikh-Ahmad-pose-pour-les-femmes-en-tchador-armées-d’iPad-et-qui-le-mitraillent-de-photos, voici cheikh-Ahmad-priant-sur-la-neige-entre-deux-schuss-et-une-promenade-en-bobsleigh. Avec, à chaque épisode, un buzz hallucinant et halluciné.
Jusqu’à nouvel ordre, l’imam warholien ne dispose pas d’arsenal militaire : fusils d’assaut, kalachnikovs, missiles Zelzal ou Fajr, etc. – à moins que le Qatar, les îles Féroé ou la Nouvelle-Zélande ne l’aient armé en secret. Jusqu’à nouvel ordre, cet imam est un doux-dingue (ceux qui pensent que tous les salafistes sont d’immondes suppôts d’el-Qaëda sont aussi crétins que ceux qui pensent que chaque chiite du Liban soutient le Hezbollah sans broncher ou que chaque maronite choisit immanquablement entre Michel Aoun ou Samir Geagea), pas un terroriste ; un agitateur, prince barbu de la provoc de supérette. De la provoc adolescente, acnéique, plus bête que méchante. Le problème ? Les autres tombent directement dans le piège – et pour cause : l’antiharirisme primaire d’une faction de Libanais est plus fort que la loi de gravité. D’autant plus sot qu’Ahmad el-Assir gêne davantage le courant du Futur qu’il ne fait ses affaires.
Bien sûr, l’arrivée extrêmement ostentatoire de centaines de barbus dans ce microcosmos virginal qu’est Faraya-Kfardebiane n’a rien d’innocent. Mais elle n’a aussi rien de coupable : ces barbus sont libanais ; ces barbus ne portaient pas d’armes ; ces barbus n’ont pas été planter leurs tentes devant chez Mansour pour fustiger tous les buveurs d’alcool et obliger le magasin à fermer ses portes (comme cela se passe hyperrégulièrement dans les cazas de Nabatiyeh et de Bint Jbeil) ; ces barbus n’ont pas lapidé ces jeunes qui se promenaient la langue de l’un dans le gosier de l’autre; ces barbus n’ont pas fait les poches des skieurs à la recherche de barrettes de shit ou de sachets de cocaïne à détruire ; ces barbus, finalement plus ridicules qu’autre chose, ont fait ce que chaque Libanais a, en principe, le droit de faire, individuellement ou en groupe : pouvoir se mouvoir tranquillement sur l’ensemble des 10 452 km2 de ce pays. Comme quoi il est bien plus facile d’aller faire du ski dans le Kesrouan que d’aller acheter des pneus dans la banlieue sud...
Ahmad el-Assir et ses hommes : l’antidote à la cantonisation du pays. Un comble.
Bien sûr, ceux qui ont hurlé au scandale, ceux qui se sont étranglés devant cette énième mascarade (bien moins grotesque, ceci dit, que celle offerte depuis dix jours par la sous-commission parlementaire chargée de plancher sur la loi électorale), ceux-là ont fait en sorte d’oublier les chars du Hezbollah traversant en sens interdit la rue Hamra en mai 2008, ou ces mêmes chars allant se pavaner place Sassine au lendemain du retrait israélien du Liban-Sud en mai 2000.
L’élasticité des mémoires libanaises a ceci d’unique qu’elle peut être à la fois la blessure et le baume, le poison et l’antidote, le mur et la clé.
Sacrés Liban(i)ais que nous sommes : drôles et pathétiques à la fois.

 

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