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Économie - Analyse

Le charbon, une folie pour le Liban ?

Alain Tabourian, ancien ministre libanais, propose de recourir au charbon dans le cadre de la production électrique au Liban. Archives Reuters

« Le charbon une folie ! » C’est en ces termes que certains ont qualifié ma proposition de recourir au charbon dans le cadre de la production électrique au Liban. L’évocation de cette ressource énergétique a été accueillie par des sourires niais, mais aspirant à être complaisant. La lassitude pousse parfois à laisser l’espace à ceux qui, faute d’avoir raison, font le plus de vacarme. Cette lassitude est heureusement de courte durée.


Que n’ont-ils pas dû ricaner à la lecture d’un article paru le 19 décembre 2012 dans L’Orient-Le Jour intitulé « Le charbon en passe de ravir au pétrole sa place de numéro un mondial » selon lequel le recours au charbon est progressivement en train de prendre le pas sur le pétrole et le gaz dans le monde. Il faut croire pourtant que l’idée, source d’hilarité auprès de certains spécialistes autoproclamés locaux, qui ne sont pas spécialement informés, est largement reprise par un grand nombre de pays : la Chine mais également l’Inde, l’Europe et beaucoup d’autres pays ont retenu le charbon pour leur production électrique. En fait, si les États-Unis d’Amérique font exception, ce n’est pas pour des raisons écologiques, mais simplement parce que le gaz de schiste, dont les effets sur l’environnement sont plus décriés que ceux du charbon, leur coûte moins cher.


En réalité, le choix des États Unis, de même que celui de tous les pays, est dicté par des considérations essentiellement économiques. Si le Liban en faisait de même il opterait pour le charbon, une solution que j’ai défendue lorsque j’étais aux responsabilités, mais qui n’est hélas toujours pas prise en compte.


L’image négative du charbon est surtout liée à son impact sur l’environnement. Mais ce qu’ignore généralement le grand public et que ce combustible n’est plus nocif pour la santé grâce aux évolutions technologiques qui le rendent aussi peu polluant que les autres combustibles ! Le seul problème que pose le « nouveau charbon » concerne le réchauffement climatique de la planète à cause de son taux relativement plus élevé d’émissions de CO2 (il ne faut pas croire que les turbines à gaz n’émettent pas de CO2, mais leur taux d’émission est moindre). Or, en la matière, le Liban a justement une vraie marge de manœuvre : ses émissions de CO2 sont de 3,2 tonnes par habitant par an alors que le Qatar est à 44 tonnes par habitant, les États Unis et l’Arabie saoudite à 17 tonnes par habitant, l’Allemagne et la Belgique à environ 9,5 tonnes par habitant. À quel titre devrait-on donc obliger notre pays à produire une électricité plus chère que celle produite par les autres États alors même que ses émissions de CO2 sont inférieures à la moyenne des pays développés.
Quelles sont les alternatives ?
Le nucléaire pourrait être envisagé pour le Liban ?
Éventuellement. Le fuel a été délaissé par de nombreux pays en raison de son coût élevé. Reste le gaz, présenté comme une énergie propre. Le problème du gaz – certes meilleur marché que le fuel, mais plus cher que le charbon – est surtout de placer le Liban en situation de dépendance à l’égard de la Turquie, de l’Égypte, de la Jordanie et de la Syrie pour les dix prochaines années, le temps que se réalise éventuellement le potentiel du bassin levantin de la Méditerranée.
Mon propos ne vise cependant pas à exclure totalement le gaz. Il est en effet possible de recourir au gaz naturel liquéfié (LNG) qui n’expose pas le pays à une interruption de l’approvisionnement du fait des considérations politiques ou sécuritaires des pays voisins, mais elle a un coût supérieur à celui du charbon. En tout état de cause, opter pour le charbon n’implique pas d’exclure le gaz mais garantit au contraire une diversification permettant des réductions de coûts tout en conservant des alternatives utiles.


Si beaucoup de pays ont de plus en plus recours au charbon, au point que l’Agence internationale de l’énergie s’en soit alarmée, pour des raisons liées au réchauffement climatique, c’est bien parce que le charbon présente un immense avantage en matière de coût de production.


Le charbon n’est donc pas une folie mais tout simplement une option de bon sens pour un pays qui dispose d’une grande marge en matière d’émission de CO2 et qui a urgemment besoin de rétablir ses comptes publics.
Quelques chiffres pour s’en convaincre : le déficit annuel récurrent du Liban lié à ses choix énergétiques est de 1,5 à 2 milliards de dollars. Le recours au charbon pour la production de base permettrait non seulement d’effacer ce déficit, mais de dégager des excédents de l’ordre de 1 à 1,5 milliard de dollars en assurant du courant 24 heures sur 24 et en adoptant des tarifs sociaux et des tarifs spécifiques à l’industrie et à l’agriculture d’une part et des tarifs compétitifs pour les autres segments du marché. Un tel assainissement des comptes publics éviterait l’alourdissement des impôts et des taxes qui entraverait la reprise économique.


En réalité, c’est l’exclusion du charbon qui relève de la folie !
C’est ce que pensent les pays qui, tout en étant sensibles aux questions écologiques, n’entendent pas soumettre leurs comptes à des charges exorbitantes dont leur population fera in fine les frais.
Il est temps de cesser de se croire plus malins que les autres et d’avoir de la compassion pour une population qui souffre d’une crise économique de plus en plus aiguë. Soyons fous en faisant ce que les pays raisonnables ont fait depuis longtemps et continuent de faire : réduisons notre facture énergétique.

 

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commentaires (4)

Le charbon minéral ou minnier est de moindre coût que le diesel et même que le fuel, mais il est un polluant redoutable...

SAKR LEBNAN

03 h 56, le 23 janvier 2013

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Commentaires (4)

  • Le charbon minéral ou minnier est de moindre coût que le diesel et même que le fuel, mais il est un polluant redoutable...

    SAKR LEBNAN

    03 h 56, le 23 janvier 2013

  • Le Charbon vient des arbes abatus... NON?

    Eddy

    07 h 04, le 22 janvier 2013

  • ... Si la production n’était pas le seul monopole de l’EDL, le secteur privé y participerait volontiers avec tout un éventail d’innovations. Cherchons aussi à réduire nos besoins en énergie avec une législation appropriée, une tarification qui va de pair, etc. Le choix du charbon nous évite peut-être de nous attaquer, dans le court terme, à nos réels problèmes de gouvernance. Mais pourrons nous continuer à les occulter à long-terme?

    Jack Hakim

    05 h 53, le 22 janvier 2013

  • Monsieur le Ministre : garder l’esprit ouvert quand aux ressources énergétiques à envisager est chose louable. Cependant, vous l’avez bien précisé : le charbon est une des ressources les moins « propres ». Comparer notre empreinte carbonique à celle du Qatar ne présente aucun argument d’intérêt. La comparer à celle de pays industrialisés non plus. Prenons exemple sur des pays de PNB moyen qui ont une empreinte meilleure. Utiliser le charbon revient à empoisonner un peu plus nos concitoyens qui pourraient bien se passer d’un fléau de plus. Vu que notre pays dispose d’une superficie limitée, nos usines de production seront forcément implantées dans des zones résidentielles. Consommer plus de fuel n’est certes pas la solution, et le nucléaire n’est pas envisageable pour des considérations qui vont bien au delà de l’écologie. Le gaz liquéfié (même s’il est plus cher que le charbon) ne peut être exclu en tant qu’option. Mais il faudrait aussi une politique écologique plus sérieuse. Il n’est pas utopique d’utiliser des énergies renouvelables pour produire une partie de notre électricité...

    Jack Hakim

    05 h 52, le 22 janvier 2013

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