L'Algérie a justifié jeudi soir l'intervention de son armée pour mettre fin à la spectaculaire prise d'otages sur un site gazier du Sahara mais plusieurs puissances occidentales dont des ressortissants y étaient détenus par un commando islamiste se sont inquiétées d'un bilan potentiellement lourd.
L'opération a permis de "libérer jusqu'à présent plusieurs otages nationaux et étrangers", a déclaré le ministre algérien de la Communication Mohamed Saïd.
"Un nombre important de terroristes qui ont essayé de prendre la fuite vers un pays limitrophe ont été neutralisés", a-t-il ajouté alors que l'agence algérienne APS annonçait la fin de l'assaut sur le site d'In Amenas, dans le désert, à 1.300 km au sud-est d'Alger.
Le ministre n'a pas fourni de bilan sur le tribut payé par les otages, se contentant de faire état d'un "nombre important d'otages libérés et malheureusement quelques morts et blessés".
"De mauvaises nouvelles à venir"
Mais les capitales occidentales n'ont pas caché leur inquiétude sur l'issue de ce qui a été présenté par les jihadistes liés à el-Qaëda comme les premières représailles à l'intervention française au Mali lancée le 11 janvier.
"Je pense que nous devons nous préparer à la possibilité de mauvaises nouvelles à venir", a averti le Premier ministre britannique David Cameron, qui a regretté de ne pas avoir été informé à l'avance par Alger et a reporté un important discours sur l'Europe prévu vendredi.
Le président François Hollande avait noté auparavant que la crise "semblait se dénouer dans des conditions dramatiques". La Maison Blanche a pour sa part dit "essayer obtenir des éclaircissements" du gouvernement algérien tandis que le Japon a émis "une ferme protestation" et demandé à Alger de "cesser immédiatement" son opération militaire.
Le ministre algérien a justifié le recours à la force en expliquant que les autorités avaient d'abord cherché une solution pacifique mais que les islamistes, "lourdement armés", voulaient "quitter l'Algérie en emportant avec eux les otages étrangers" pour s'en servir comme "carte de chantage".
L'intervention a permis la libération de 600 Algériens ainsi que d'un Français, de deux Britanniques et d'un Kényan, selon l'agence APS.
Mais un porte-parole des islamistes a déclaré que l'opération avait aussi fait une cinquantaine de morts, 34 d'otages et 15 ravisseurs, des informations non confirmées.
"Des avions de combat et des unités au sol ont entamé une tentative de prendre de force le complexe", a-t-il ajouté à l'agence mauritanienne ANI, menaçant de mort les otages survivants, dont sept Occidentaux.
Il a précisé que trois Belges, deux Américains, un Japonais et un Britannique avaient survécu.
(Repère : Prise d'otages massive en Algérie : quelques précédents spectaculaires…)
Plus de 24 heures après l'attaque des jihadistes, le nombre exact comme la nationalité des otages restaient donc imprécis. Outre les très nombreux travailleurs algériens, il y aurait eu plus d'une quarantaine d'Occidentaux, dont sept Américains, deux Britanniques, des Japonais, un Irlandais, un Norvégien et un nombre indéterminé de Français. Dublin a annoncé jeudi qu'un Irlandais était sain et sauf.
Une trentaine d'Algériens ont réussi à s'échapper du site de In Amenas, exploité par le groupe britannique BP, le norvégien Statoil et l'algérien Sonatrach, ont annoncé jeudi les autorités locales. D'autres Algériens avaient été libérés la veille par petits groupes.
Quinze étrangers, dont un couple de Français, selon la chaîne privée algérienne Ennahar, ont également réussi à fuir le complexe situé à 1.300 kilomètres au sud-est d'Alger, près de la frontière libyenne.
De source gouvernementale algérienne, on a cependant indiqué à l'AFP qu'il était impossible dans l'état actuel des choses de pouvoir confirmer une telle information.
Interrogée, l'ambassade de France s'est refusée à commenter ces fuites. Confirmant la présence de Français parmi les otages, le président François Hollande a toutefois déclaré qu'il ne donnerait "aucune précision sur le nombre" des Français retenus, car dans cette situation "confuse", le mieux est d'en dire "le moins".
Parmi les premières mesures provoquées par la crise, BP a annoncé jeudi qu'il était en train d'évacuer "un groupe de travailleurs non-essentiels" d'Algérie.
La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a de son côté demandé aux ambassades et aux entreprises américaines au Maghreb et en Afrique du Nord de revoir leurs dispositifs de sécurité.
"Mister Marlboro"
Alger avait exclu toute négociation avec les ravisseurs, qui ont assuré réagir "à la croisade menée par les forces françaises au Mali".
Ils se présentent comme les "Signataires par le sang", nom de la katiba (unité combattante) de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, surnommé "le Borgne", ou encore "Mister Marlboro" pour ses supposés trafics de cigarettes, récemment destitué par el-Qaëda au Maghreb islamique (Aqmi).
Les assaillants ont affirmé être venus du Mali, situé à plus de 1.200 km de là, mais le ministre algérien de l'Intérieur a annoncé jeudi soir que le groupe venait de Libye.
D'après un employé du site, ayant requis l'anonymat, qui a pu écouter des échanges entre Algériens et ravisseurs, ces derniers "réclament la libération de 100 terroristes détenus en Algérie pour relâcher leurs otages".
Une opération aussi complexe a de toute évidence été montée de longue date, bien avant l'intervention française au Mali, qui a débuté vendredi dernier, même si elle est présentée comme la première action de représailles à cet engagement, selon des experts.
Arrivée de premiers renforts africains
Les développements en Algérie ont éclipsé la poursuite des combats au Mali où un nouvel accrochage a opposé dans la nuit des soldats français et maliens à des islamistes armés près de Konna (centre). La prise de la ville le 10 janvier par les jihadistes avait provoqué les premières frappes aériennes françaises, préludes à un engagement au sol.
Plusieurs quartiers de Diabali (ouest), où des combats auraient eu lieu mercredi avec des forces spéciales françaises, restaient encore entre leurs mains, selon une source sécuritaire malienne.
Diabali - 400 km au nord de Bamako - a été prise lundi par les islamistes, qui y seraient dirigés par l'Algérien Abou Zeid, un des chefs d'Aqmi.
A Bamako, 40 soldats togolais sont arrivés jeudi, premiers éléments de la force armée ouest-africaine, la Misma, qui doit chasser les groupes armés qui occupent une grande partie du Mali depuis neuf mois.
Ils devaient être rejoints par des Nigérians de la force d'intervention ouest-africaine, la Misma, dont 2.000 soldats sur un total à terme de 3.300 doivent être déployés d'ici le 26 janvier.
Du côté européen, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a estimé jeudi "tout à fait possible"' que des pays de l'UE puissent "mettre à disposition des soldats" alors que jusqu'à présent la France n'a reçu de ses partenaires européen qu'un appui logistique.
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commentaires (4)
Avis aux amateurs...les Algériens n'ont pas fait dans la dentelle,mais qui peut leur donner tort?Les chancelleries occidentales affolées par la possibilté de morts chez leurs ressortissants vont devoir comprendre qu'un mort est un mort,qu'il soit occidental ou arabe...reste aux autorités algériennes à découvrir les complicités certaines dont ont bénéficié les terroristes...
GEDEON Christian
05 h 22, le 18 janvier 2013