Avez-vous déjà versé un pot-de-vin pour accélérer une procédure administrative ? Vous est-il arrivé de glisser quelques dollars de plus à un fonctionnaire pour faire avancer une requête auprès d’un ministère quelconque? Votre demande prend-elle du retard parce que vous avez refusé de payer plus ?
Si vous avez répondu « oui » à l’une de ces questions, alors ce site s’adresse à vous. Lancé il y a à peine un mois, Rashwe.com invite toutes les victimes de la corruption au Liban à signaler, en tout anonymat, l’abus qu’elles ont subi. « Ce site vous offre l’opportunité de vider votre sac et de dénoncer la pratique des pots-de-vin au Liban », lit-on sur la page d’accueil de Rashwe.com.
À l’origine de cette idée, un jeune homme : Rabih Sfeir, 35 ans, employé dans le domaine de la finance.
« Le but de cette initiative est de pousser les Libanais à raconter leurs mésaventures liées à la corruption qui touche tous les secteurs au Liban afin de récolter autant de données possibles sur ce sujet », explique Rabih à L’Orient-Le Jour. « Le problème, c’est que tout le monde parle de l’étendue de la pratique des pots-de-vin au Liban, alors qu’il n’existe que très peu de statistiques claires et fiables sur ce phénomène », poursuit-il.
Comment faire ? Il vous suffit de remplir un formulaire en ligne à partir du site Internet. Les « plaignants » doivent préciser le montant du pot-de-vin versé, le ministère ou l’administration publique concernés, et, optionnellement, les noms des fonctionnaires corrompus. « Le but de cette campagne n’est pas de révéler des noms, mais de dénoncer le système en place qui encourage la pratique de la corruption, précise le jeune homme. Je crois que les fonctionnaires sont eux aussi victimes de ce système, en raison de la négligence du gouvernement et du faible salaire qu’ils touchent. »
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Au final, un rapport « exhaustif » sur la pratique des pots-de-vin au Liban devrait être rendu public fin février, promet Rabih. Pour ce faire, il compte vérifier toutes les plaintes déposées, au cas par cas. Des organisations internationales spécialisées dans la lutte contre la corruption l’ont déjà contacté et se sont dit intéressées par le projet. « Les échos que je reçois sont jusque-là très positifs », affirme le jeune financier.
Reste à convaincre les Libanais de participer. « Un vrai défi », selon lui. « Certaines personnes disent craindre de voir leurs données personnelles finir entre les mains des autorités, affirme Rabih. Un homme dont la voiture a été volée et qui a dû verser un pot-de-vin pour accélérer la procédure auprès de la police refuse de remplir le formulaire par peur que le traitement de son dossier ne soit retardé... »
Rabih tient cependant à assurer que les données personnelles de tous les participants resteront confidentielles « à tout moment ». « Je ne suis qu’un simple citoyen qui n’a aucune affiliation politique, affirme le jeune Libanais. Mon but est d’en finir avec la corruption qui gangrène mon pays. » « J’ai déjà lancé une campagne en ligne (sur Facebook et sur Twitter) pour promouvoir le site et je prépare actuellement une nouvelle campagne d’affichage publicitaire pour encourager le plus de participations possible », ajoute-t-il.
Et, pour ceux qui se le demandent : « Les coûts de ces campagnes, c’est moi qui les paie. Personne d’autre. »